Les parents doivent garder en tête qu’il faut élever les enfants et les ados, de sorte que ces derniers deviennent capables de se protéger eux-mêmes contre les réseaux sociaux.

Il ne faut pas attendre qu’un jeune devienne ado pour l’éduquer à se protéger sur les réseaux sociaux. Dès qu’un enfant vient au monde, grandit, il faut garder à l’esprit qu’il faut le préserver d’un certain nombre de dangers. Et ces derniers sont aussi présents sur les réseaux sociaux.

L’éducation consiste non pas à guider et protéger les jeunes, mais leur apprendre à se protéger le plus précocement possible pour leur éviter un certain nombre de pièges de la vie. Les tentations des réseaux sociaux favorisent aujourd’hui ces pièges.

Le fil rouge de tous ces dangers, c’est l’insatisfaction de la vie présente, et la recherche d’une vie alternative (l’entrée dans une secte, mouvement djihadiste, etc.). Certains jeunes courent le risque d’adhérer à des groupes qui se présentent comme des forces de proposition de vies alternatives plus gratifiantes ou plus utiles.

La première catégorie se résume aux jeunes qui souffrent d’un défaut d’estime d’eux-mêmes par des activités concrètes de l’existence (scolaires et ludiques). C’est à dire des jeunes qui se sentent non valorisés par leurs résultats scolaires ou dans leur vie familiale. Ils s’engagent sur les réseaux sociaux à la recherche de gens qui les valorisent, avec le risque de tomber sur des menteurs, des pervers, des manipulateurs qui les assureront d’être des gens formidables, et les pousseront à s’engager au sein d’un mouvement.

La deuxième catégorie psychologique, ce sont les enfants qui ont acquis l’idée (à travers les jeux vidéos ou la télévision) que la meilleure façon de résoudre les problèmes de la vie, c’est la violence. Et malheureusement, il faut admettre que la violence brille dans le paysage audiovisuel et paye encore plus dans les jeux vidéos. Ces jeunes sont tentés de penser que le monde est pétris d’hypocrisie, que la violence est partout et qu’il faut tirer son épingle du jeu en étant soi-même violent. Ils ne pensent entraide et solidarité que dans un petit groupe de personnes victimes d’autres, et utilisent la violence pour se défendre. Ils ne partent pas défendre des causes gagnantes, mais en difficulté. Ils partent défendre des victimes de façon violente. Leur conception de l’humanitaire est celle du redresseur de tort. Ils présentent un défaut d’empathie, un défaut de résolution des conflits par des méthodes pacifiques.

La troisième catégorie regroupe les jeunes qui présentent un défaut d’esprit critique, prêts à avaler n’importe quel discours enflammé, convaincant, métaphorique. Il ne concerne évidemment pas que les jeunes (voir les seniors victimes d’arnaques sur internet). Le risque est qu’ils soient victimes d’arnaques au faux humanitaire ou arnaques sectaires.

A partir de là, il est question de les protéger. Tout le monde est impliqué : parents, école et collectivités publiques.

Il est important de valoriser les enfants, d’être attentifs à leurs activités. Trop d’entre eux vivent une fracture générationnelle terrible, en ayant l’impression que les parents méprisent globalement leurs activités diverses et variées. Or, il est capital de valoriser les jeunes, tout en développant leur esprit critique, par le goût du débat, de la controverse. Aucune autorité n’est instituée (parentale ou professionnelle dans le milieu scolaire). L’autorité est imposée par le fait qu’on connaît mieux les domaines que les autres. Mais certains jeunes connaissent mieux certains domaines que nous. C’est l’éducation inverse ! Elle développe l’esprit critique parce que chacun doit argumenter, et cela valorise les jeunes, leur donne confiance en eux-mêmes dans la société qui les accueille. Dans ce défaut de l’estime de soi, il y a aussi cette impression que la société ne les attend pas.

A noter que les dangers courus par les jeunes sur les réseaux sociaux sont des dangers que les jeunes ont toujours connus. Même si ce qui change c’est le canal. Et les profils psychologiques précités ont toujours existé chez les adolescents.

Ce qui est nouveau, c’est qu’à cette fragilité traditionnelle de l’adolescence s’ajoute une fracture générationnelle comme il n’y a jamais eue. C’est la première fois que les adultes ont peur des jeunes. Et cela insécurise encore plus jeunes et les rend d’autant plus vulnérables aux réseaux sociaux.

L’école doit évidemment développer une éducation aux médias. Dans les médias numériques, les gens ne se présentent pas tels qu’ils sont, il y a un effort d’idéalisation.

Les collectivités publiques ont aussi leur responsabilité. Elles gagneraient à ne pas considérer les ados comme des dangers potentiels.

Les dangers rencontrés par les ados sur les réseaux sociaux…

Jacques Henno : Les réseaux sociaux ne sont que des outils, et le problème vient nécessairement de l’utilisation de ces outils. Facebook compte notamment 1,3 milliards dans le monde, et sur ces 1,3 milliards, près des trois quarts se connectent directement sur leur portable. Les jeunes français ne sont évidemment pas loin de cette proportion.

1er danger : la perte du lien social…

Les ados passent du temps sur les réseaux sociaux, beaucoup de temps… Autrement dit, les réseaux sociaux sont extrêmement chronophages. Et un enfant y consacre plus de temps qu’à la lecture, à ses devoirs… Qui plus est, il ne fait plus marcher son imagination.

Nos ados sont sont connectés au réseau social, mais déconnectés de l’espace social réel. En cela, il y a une perte du lien social réel, au profit du virtuel. Et les réseaux sociaux qui vivent de la publicité font tout pour nous signifier leur existence, et nous pousser à nous connecter systématiquement. Exemple type : la simple publication d’une photo sur facebook est reprise sur le wall et donne même lieu à l’envoi de mails à nos contacts… Impossible d’y échapper. Autant d’occasions pour les réseaux sociaux de nous exposer aux publicités.

2ème danger : rencontrer n’importe qui et n’importe quoi sur les réseaux sociaux

C’est une vérité qui s’applique à tout l’internet. Réseaux djihadistes, sectes, prédateurs sexuels… Tous sévissent aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Ils ciblent des personnes en grande fragilité ou simplement des ados influençables.

A noter toutefois que les prédateurs sexuels n’agissent pas directement sur les réseaux sociaux de type Facebook qui gardent trace de tout. Ils opèrent de préférence sur d’autres réseaux sociaux. Nous pouvopns prendre l’exemple de MySpace qui avait découvert sur son réseau la présence de personnes ayant été précédemment jugées comme délinquants sexuels.

Le risque est réel, l’actualité en a fait la démonstration, mais il ne doit pas être exagéré. Il n’y a en effet pas plus de risques de rencontrer un pédophile sur Internet qu’à la sortie de l’école, et la plupart des enfants victimes de violences sexuelles ont rencontré le délinquant sexuel dans leur cercle familial, au sens large. Cela étant, le risque existe.

Le harcèlement fait partie des dangers potentiels. Mais pas seulement ! Le risque est aussi très vite de devenir harceleur, car sur les réseaux sociaux, la tentation est grande en effet.

3ème danger : le vol d’identité numérique

Souvent, cela commence par un banal vol de compte, qui se transforme en cauchemar. Le vol de son identité numérique.

Beaucoup d’ados vont se connecter sur un réseau social à partir d’ordinateurs, tablettes, téléphones qui ne lui appartiennent pas. Aucune difficulté pour l’hôte de tirer profit des informations personnelles de celui ou celle qui s’est connecté au réseau social à partir de son ordinateur, tablette ou téléphone. Il est désormais possible pour ce dernier de tirer avantage de ces informations, et parfois même d’ursurper l’identité sociale de simples copains ou autres.

4ème danger : ruiner sa e-réputation

Nos ados d’aujourd’hui sont de futures adultes. Ils chercheront un emploi, créeront des associations, rencontreront un partenaire, etc. Or aujourd’hui, il est une constante, c’est la recherche d’informations sur la personne rencontrée à partir d’Internet. Cela est quasi systématique suite à une recherche d’emploi. En quelques clics, n’importe qui peut accéder à vos photos personnelles, à des photos taggées, si vos paramètres de comptes son mal réglés sur le plan de la confidentialité.

Qu’il s’agisse d’un recruteur ou autre. Votre vie privée Côté recruteur, beaucoup procèdent désormais de la sorte pour éliminer le trop plein de candidatures. C’est le premier filtre. Et nombreux sont ceux qui ne font attention à leur e-réputation.

5ème danger : l’exposition d’informations personnelles, relevant du carcatère privé

Cela concerne aussi bien notre adresse, nos études, jusqu’à quelque chose qui relève plus de l’exhibitionnisme social : ce que vous avez mangé, où vous avez passé la soirée, etc.

Il est important de rappeler ce qui relève de la vie publique (ce qui peut être dévoilé) d’un côté et de la vie privée de l’autre, notamment ce que l’on ne partage qu’avec sa famille, ses proiches, ses amis, etc. C’est aussi la possibilité de pouvoir cacher quelque chose à quelqu’un.

La publicité ciblée sur les réseaux sociaux ou juste en naviguant est un exemple flagrant de violation de la vie privée.

Les solutions à privilégier…

Les parents doivent donner l’exemple :

– Ne pas passer trop de temps sur son ordinateur, sa tablette, son smartphone… notamment lors des moments passés en famille, le soir ou le week end
– Ne pas publier de photos de ces enfants sur les réseaux sociaux, notamment si son compte est mal paramétré et sécurisé

Les enfants ne doivent pas user des réseaux sociaux avant un certain âge…

Facebook est interdit aux moins de 13 ans aux Etats-Unis, mais en France rien n’interdit quiconque de disposer plus tôt d’un compte Facebook. Mais a moins de 13 ans, il n’ont pas de recul, et vont prendre de mauvaises habitudes. Arrivés à l’adolescence, leurs pratiques seront devenus une nouvelle norme, à leurs yeux tout du moins. Il y aura un déficit d’éducation au réseau social, avec tous les risques que cela suppose. S’inscrire sur un réseau social n’est pas une chose banale. Il ne faut pas le prendre à la légère.

Inciter les enfants à prendre un pseudonyme, notamment sur Facebook

Ainsi, les ados pourront préserver leur réputation, et le rapprochement entre leur véritable identité et leur identité virtuelle ne pourra pas être fait. Cela évitera aussi le rapprochement, voire le harcèlement de gens mal attentionnés que l’ado aurait rencontré à l’extérieur du cercle de proches ou familial.

Apprendre aux enfants à bien paramétrer leur outil Facebook, la confidentialité et sécurité de leurs comptes

De la sorte, les ados ne seront en contact et n’échangeront qu’avec celles et ceux qu’ils auront sélectionnés… Le partage choisi en d’autres termes… Préserver sa vie privée ! On a en moyenne 130 amis sur Facebook, ce qui est beaucoup. Tout ce qu’on publie et partage n’a pas à être visible par tous.

source :
http://www.atlantico.fr/decryptage/recrutes-facebook-pour-djihad-comment-proteger-ados-cette-menace-et-toutes-autres-reseaux-sociaux-jacques-henno-serge-tisseron-1793727.html
Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie et psychanalyste, chercheur associé HDR à l’Université Paris VII.