En réponse à un référé de la Cour des comptes, le Premier ministre, Édouard Philippe, s’engage à moderniser la gouvernance de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui s’avère loin d’être à la hauteur des enjeux actuels.

 

La Cour des comptes revient à la charge dans un référé publié le 6 septembre : réformer la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) est devenu une urgence. Alors que ses missions se modifient sensiblement face à la montée de la radicalisation violente, les magistrats financiers verraient d’un bon œil un rattachement de la Mission au ministère de l’Intérieur.
“Alors que les missions sont plus nombreuses, l’activité courante s’essouffle”, déplore la Cour dans son référé daté du 23 mai. “Aux questions d’emprise sur les personnes et aux drames sectaires des années 1970 et 1980 ont succédé les interrogations nées de mouvements plus dispersés et de doctrines plus diffuses.” Et l’intervention plus récente de la Miviludes dans la lutte contre les processus de radicalisation violente “a considérablement modifié son rôle et ses responsabilités dans un domaine désormais fortement coordonné par le ministère de l’Intérieur”.
Ses ressources budgétaires “au demeurant très modestes” (moins de 0,5 million d’euros en tenant compte des coûts indirects supportés par les services du Premier ministre) ont été sensiblement réduites au cours des dix dernières années, “signe d’un affaiblissement auprès des différents ministères”, poursuit le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud.
Velléités de réforme depuis 2008
Un précédent contrôle de la Miviludes avait déjà donné lieu à un référé, le 30 septembre 2008, faisant état des mêmes fragilités. Dans sa réponse du 24 novembre 2008, le Premier ministre d’alors, François Fillon, affirmait vouloir réformer la Mission, mais “aucune décision opérationnelle n’a été prise depuis”, relate sobrement Didier Migaud.
À son tour donc, près de dix ans plus tard, le Premier ministre, Édouard Philippe, assure la Cour de sa bonne volonté. “Les recommandations qui visent à renforcer l’efficacité de la Miviludes seront mises en œuvre dans les plus brefs délais”, écrit-il dans sa réponse à Didier Migaud datée du 1er août. Toutes, sauf une : le chef du gouvernement souhaite conserver le caractère interministériel de la Mission, qu’il justifie par l’étendue des préjudices qu’elle recouvre, depuis les “atteintes physiques, morales, financières pour les adeptes” au “délitement des liens familiaux” en passant par les “détournements des circuits économiques”.
Conseil d’administration réduit
Pour le reste, Édouard Philippe s’engage à revoir en profondeur la gouvernance de la Miviludes. Ainsi, Serge Blisko, président de la Mission, devra lui faire des propositions en vue de modifier la composition de son conseil d’administration. La Cour estime en effet que la structure fondée en 2002 “s’est inscrite dans un schéma d’organisation lourd et confus en ce qui concerne les responsabilités de chacun des organes”.
À l’avenir, le conseil d’administration comprendra au maximum 25 membres et réunira les instances actuelles d’orientation et de coordination des actions (contre 34 membres actuellement au sein du conseil d’orientation, auxquels s’ajoutent les 28 membres du comité exécutif de pilotage opérationnel et un secrétariat général composé d’une quinzaine de personnes).
Le nouveau décret prévoira en outre la durée des mandats et les missions du conseil et dotera la Mission d’un comité scientifique, “composé d’experts en matière d’évolution et de recherche sur le phénomène sectaire, sur lequel la Mission s’appuiera pour alimenter une réflexion coordonnée en matière de prévention des risques sectaires et de radicalisation”, expose le Premier ministre.
Synergies à trouver avec d’autres acteurs
Par ailleurs, des conventions pluriannuelles d’objectifs (et non annuelles) seront signées à l’avenir afin de “sécuriser les associations spécialisées et, de fait, la continuité de la prise en charge des victimes de dérives sectaires et leur famille”.
Au-delà de ces évolutions immédiates, Édouard Philippe indique qu’il tiendra informée la Cour des comptes de son projet de “réflexion plus large sur les synergies à rechercher entre les différents services et organismes en charge des cultes, de la laïcité, de la prévention de la radicalisation et de la lutte contre les dérives sectaires”.
source : 6 sept. 2017, PAR Soazig Le Nevé