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Coincée entre la bourrasque catholique de ces dernières semaines en provenance du Vatican et le dynamisme des mouvements de réveil évangélique, l’Église réformée de France souhaite réaffirmer clairement son identité dans la société française. Réunie en assemblée synodale depuis hier à Aix-en-Provence, elle prône un dialogue «vrai et fort», qui puisse résister aux pressions des intégrismes et à celles de l’idéologiquement correct.
L’antipapisme demeure un fondement de l’identité des protestants réformés de France et l’élection de BenoîtXVI n’a fait qu’accroître les méfiances. D’autant que ce choix avait été précédé par un véritable «tsunami» médiatique consécutif au décès de Jean-PaulII. Inaugurant hier soir l’assemblée annuelle synodale, le pasteur Marcel Manoël, président du Conseil national de l’EFR, est ainsi revenu sur «le choix du conclave de Rome» qui manifeste, selon lui, «la résistance de certains contre des avancées importantes dans la vie de l’Eglise catholique romaine pourtant demandées par nombre de ses théologiens et pasteurs». Un choix situé aussi dans la lignée de ceux qui, tel l’apôtre Pierre reculant devant l’exhortation de manger des animaux impurs, refusent «d’aller de l’avant», de «faire ce qui n’a jamais été fait», de «changer (leur) vision du monde».
Déjà, le 21 avril dernier, le président de la FPF, Jean-Arnold de Clermont, avait espéré que «ce nouveau Pape ne sera pas tenté par la restauration, qu’il ne cherchera pas à rétablir la grande Eglise triomphale».
La crainte de réactions de repli et d’autorité face à l’émergence de peurs nouvelles dans la société a été largement analysée hier soir par Marcel Manoël. Cette question «ne concerne pas seulement quelques groupes extrémistes, mais toutes les Eglises qui prétendent détenir de manière particulière une vérité relevant (…) d’un ordre fondamental des choses». D’où le soupçon d’une «volonté de domination religieuse et de limitation des droits et des libertés humaines».
Dans cette perspective, les réformés proposent, non pas «l’attitude d’Eglises nostalgiques d’un temps de chrétienté où elles prétendaient réguler, pour leur bien, la vie de tous», mais une «participation positive» à la vie de la société. Celle-ci «n’exclut certes pas parfois les contestations, les protestations et les avertissements sévères, voire dans certaines situations limites, l’objection de conscience et l’insoumission».
La stratégie de l’enfouissement caractéristique des réformés semble évoluer. Ils souhaitent clarifier leur mission d’annonce de l’Évangile de manière «plus positive, plus active, plus réceptive aux personnes». Pour le pasteur Manoël, cette exigence est rendue nécessaire pour les protestants qui affirment subir des «diminutions ou annulations, parfois brutales, des subventions publiques à une période où les besoins croissent».
Mais ils souhaitent aussi s’insérer clairement dans les débats actuels autour de la laïcité. «C’est à nous, dit-il, qu’il revient d’instaurer un dialogue interreligieux vigoureux et non à l’Etat qui n’a aucune compétence en la matière, à part celle du respect des lois et de l’ordre public.» Pour lui, «ce n’est pas aux autorités publiques de dire quelles sont les religions acceptables et celles qui ne le sont pas, les Églises et les sectes, les croyances autorisées ou non. Mais c’est à nous, en tant que croyants et citoyens, d’oser ce dialogue vrai et fort».