Les élections présidentielles passées, les accusations d’extrémisme se multiplient à l’encontre des dissidents politiques ou religieux : partisans de Navalny ou Témoin de Jéhovah. Mais il y a aussi des accusations de terrorisme qui visent « Artpodgotovka » ou l’ organisation musulmane non violente « Hizb ut-Tahrir »,

 

Arrestation de fidèles de Hizb ut Tahrir © TV ROSSIA 24

À Tcheliabinsk, des manifestants sont passibles de sept ans de prison pour avoir scandé des slogans anti-Poutine : « Poutine, voleur ! » et « Poutine dégage ! ». La police considère ces slogans illicites. Ils ont été prononcés le 5 mai 2018 à Tcheliabinsk ainsi que dans des dizaines de villes de Russie lors des manifestations organisées par Alexey Navalny. Ce dernier purge actuellement une peine de 30 jours de prison. Plus d’une dizaine de ses collaborateurs sont également derrière les barreaux. D’autres s’apprêtent à subir le même sort. Mais les peines seront beaucoup plus lourdes.

À Tcheliabinsk, l’affaire a été initialement ouverte pour hooliganisme motivé par la haine politique, selon l’alinéa 1 de l’article 213 du Code pénal. Elle a été ensuite requalifiée en hooliganisme intentionnel organisé afin d’opposer une résistance aux autorités selon l’alinéa 2 du même article. La différence est de taille puisque la peine maximale passe à sept ans de prison.

Le chef de la police locale a déclaré que les manifestants ont consciemment violé l’ordre public et ils ont exprimé un manque de respect évident envers la société. Ils ont démontré leur haine politique en scandant des mots d’ordre hostiles, rancuniers, imprégnés de haine sociale contre le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, en scandant : « Poutine voleur ! » et « Un, deux, trois, Poutine, dégage ! ». Ils ont fait état de ces mêmes sentiments à l’égard du gouverneur de la région de Tcheliabinsk, Dubrosky, en criant : « Dubrovsky démission ! »

La police a déjà effectué des perquisitions et des interrogatoires afin de rechercher les coupables. En premier lieu dans les locaux de l’état-major de Navalny à Tcheliabinsk et de son directeur Boris Zolotarev. Les policiers ont découvert chez lui plus d’une centaine de livres des Témoins de Jéhovah, ainsi que des photos où il apparaît avec l’un des leaders de cette église. Le service de presse du ministère de l’Intérieur a déclaré qu’il a aussi été découvert des « documents confirmant l’appartenance à l’organisation religieuse qui est interdite. » La documentation confisquée est actuellement expertisée.

Actuellement, Boris Zolotarev purge une peine de 25 jours pour avoir organisé le rassemblement du 5 mai à Tcheliabinsk. Il a entamé une grève de la faim.

Le 25 mai, les locaux, d’un autre dirigeant local de l’organisation d’Alexey Navalny, Karina Kupriyanov, avaient été perquisitionnés. La police a saisi tout son équipement électronique, deux bracelets et plusieurs tracts avec le logo de Navalny.

Au total, 185 personnes ont été arrêtées le 5 mai à Tcheliabinsk, et plus de 1.600 dans toute la Russie.

Les Témoins de Jéhovah

Dans le même temps, les Témoins de Jéhovah ont été déclarés organisation extrémiste en Russie. Les fidèles risquent de 6 à 10 ans d’emprisonnement. Le pouvoir a décidé d’éradiquer 395 congrégations réparties dans tout le pays. Les perquisitions vont bon train à Vladivostok, au Birobidjan, dans le Caucase, à Mourmansk, à Oufa et en Russie centrale. Le premier témoin de Jéhovah arrêté en Russie est le danois Dennis Christensen. Il devra être jugé et risque 10 ans de prison.

Hizb ut-Tahrir

L’organisation musulmane Hizb ut Tahrir est absolument pacifique. Elle n’a jamais été liée de près ou de loin avec un attentat. Pourtant ses adeptes sont condamnés à des peines de prison qui sont rarement inférieures à 14 ans et avoisinent le plus souvent les 20 ans. Ils sont accusés de participation à une organisation terroriste en vertu de l’alinéa 1 ou 2 de l’article 205.5 du Code pénal. Si l’alinéa 2  est retenu, la peine est de 10 à 20 ans de prison. Si c’est l’alinéa 1, la peine est de 15 ans minimum à la réclusion à perpétuité.

Les victimes de cette répression contre Hizb ut-Tahrir sont avant tout les Tatars de Crimée et les musulmans vivant au Tatarstan, au Bachkortostan ou en Sibérie. Les arrestations sont un spectacle télévisé destiné à effrayer le commun des mortels. Les forces de répression armées et masquées défoncent les portes d’entrée des logements, font coucher face contre le sol tous les locataires, les menottent et les emportent manu militari. Tous les ordinateurs, téléphones et appareils électroniques sont saisis ainsi que la documentation et les objets délictueux pour preuve, déposés par les enquêteurs eux-mêmes.

Actuellement, ce sont des dizaines d’adeptes de Hizb ut Tahrir qui sont emprisonnés en Russie. Certains sont des Criméens qui ont refusé la nationalité russe après l’annexion de la Crimée par la Russie de Poutine.

À l’heure où j’écris ces lignes, le régisseur Oleg Sentov, condamné à 20 ans de prison, en est à son 15e jour de grève de la faim et notre président Emmanuel Macron appelle son bourreau « Cher Vladimir » et le tutoie amicalement dans de beaux salons.

 

source : MEDIAPART

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