Les deux adolescents de 15 et 16 ans ont été retrouvés en Turquie, grâce à des parents qui ont su réagir immédiatement, avec la révolte qui s’imposait. Ils ont rappelé haut et fort le devoir de l’État de protéger ses citoyens des mouvements sectaires, puisque la République garantit la liberté de conscience de tous. La collaboration services spécialisés-parents a porté ses fruits.

Lorsque la famille est de référence arabo-musulmane, qu’elle soit athée ou croyante, nul besoin de psychologue ou de théologien pour comprendre que leur enfant est victime d’endoctrinement. Le comportement de rupture scolaire et la prise de distance soudaine avec l’entourage apparaissent comme des indicateurs suffisants pour discerner l’emprise mentale de la recherche de spiritualité. D’autres changements perceptibles accompagnent souvent l’écoute du discours de l’islam radical: la façon de parler, de manger, de s’habiller… La stratégie de cette mouvance consiste à couper le jeune des interlocuteurs qui ont contribué à sa socialisation: professeurs, amis, parents… Ils utilisent la religion pour placer leur victime en situation d’auto-exclusion ou d’exclusion des autres. Ils font autorité sur les jeunes en inversant leur sentiment de malaise, même passager, en signe de toute puissance missionnaire: « Tu es mal dans ton corps, dans ta classe, dans ta famille, dans la société. Ce mal-être est la preuve que Dieu t’a choisi pour appartenir à un groupe supérieur qui détient la vérité et qui a pour mission de sauver le monde du déclin ».

99% de l’endoctrinement se passe par internet. L’islam radical utilise un moyen de communication virtuel pour proposer aux jeunes un espace de substitution supérieur, virtuel lui aussi. La toile permet dans le même mouvement de diffuser des images chocs qui montrent l’inertie des pays occidentaux face au massacre de certains peuples musulmans: Gaza, la Birmanie, la Syrie… À partir de là, persuader l’internaute que la société est régie par le mal est un jeu d’enfant. Progressivement, le jeune élu perd son contour identitaire, l’identité du groupe supérieur remplace son identité individuelle. Il perd aussi son analyse critique et une sorte d’hypnose se met en place, remplaçant la raison par le mimétisme. Ces deux symptômes d’emprise mentale se remarquent facilement sur les enregistrements Youtube du fils défunt de Dominique Bons.

Lorsque la famille n’est pas de référence arabo-musulmane, elle peut avoir un temps d’hésitation pour réaliser qu’il ne s’agit pas d’une conversion musulmane mais bien d’une dérive sectaire. Faire la part des choses entre ce qui relève de l’islam et ce qui révèle de la radicalité n’est pas aisé dans un climat d’amalgame général. Certaines personnalités politiques et certains médias parlent de convertis au lieu de les appeler « endoctrinés », imitent les radicaux en nommant le terrorisme barbare « jihad », valident le niqab comme une simple application au pied de la lettre de l’islam…

C’est ce que veulent les radicaux: faire passer leurs comportements comme de simples commandements de la religion. Reprendre leur façon de nommer les choses a pour effet de valider leur justification au lieu de la leur ôter pour les affaiblir.

Pour désamorcer l’autorité du discours de l’islam radical, il va falloir commencer par cesser l’amalgame entre les musulmans pratiquants et les radicaux. Placer le curseur entre la liberté de conscience garantie par la République et la radicalité, comme dans les autres religions, apparaît un préalable. Professeurs, éducateurs, policiers, élus, parents, doivent partager des indicateurs communs qui leur permettent de s’étonner de certaines attitudes des jeunes, même si ces derniers les justifient par la religion.

Faire le procès de l’islam à chaque expression des radicaux revient à valider leur interprétation : l’islam serait par nature une religion archaïque et violente. Les islamophobes et les radicaux semblent opposés et pourtant, ils partagent la même conception de l’islam… , ce qui leur permet de s’alimenter mutuellement. Ne nous laissons pas coincer par ces deux murs qui se resserrent.

http://www.huffingtonpost.fr/dounia-bouzar/retour-deux-adolescents-syrie-turquie-jihad_b_4678330.html
Publication: 28/01/2014 09h48