Doctolib, la plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne, a deux petites sœurs un peu spéciales : Medoucine et Pungao. Ces deux services, spécialisés dans la prise de rendez-vous avec des « professionnels » des médecines douces et alternatives, font un carton. Medoucine. notamment, revendique 25 000 réservations par mois, avec plus de 2 000 praticiens. Problème : tous les rendez-vous ne sont pas bons à prendre.

Directrice de Medoucine. Solange Arnaud assure que « seules les pratiques ayant fait l’objet d’études » sont proposées par sa plateforme. Pourtant, selon Mathieu Repiquet, membre du collectif FakeMed, en croisade contre les médecines alternatives, certaines descriptions des praticiens relèvent du « charlatanisme ».

Diagnostic en toc
          Sur Medoucine, une « médium passeuse d’âme » prétend, par exemple, pouvoir agir sur l’intoxication aux métaux lourds et sur la maladie de Lyme. Son blog l’affirme : elle est aussi experte en « bénédiction de l’utérus ». Cette pratique, relative au « féminin sacré » (sic), porteuse de faux espoirs mais douloureuse pour le portefeuille, est régulièrement épinglée par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Dans son rapport 2018-2020, celle-ci prête une attention particulière aux dérives liées à la santé.
          La « passeuse d’âme » peut aussi diagnostiquer des cellules cancéreuses grâce à son «analyseur de résonance magnétique quantique, qui permet d’avoir un bilan énergétique vibratoire ». Or Medoucine garantit qu’en dehors des médecins personne ne peut poser de diagnostic. Un détail…
          Un autre grand savant facture, lui, 190 euros une séance d’hypnose pour communiquer avec les morts. Plus cher tout de même qu’une communication longue distance ! Pour 230 euros, il permet à ses clients d’explorer leurs vies antérieures afin d’y trouver un traumatisme enfoui. Mais à quel siècle ? L’une de ses collègues, « ethno-médecin », rentabilise un titre usurpé en se faisant payer 55 euros la séance de quinze minutes pour soigner des traumatismes sportifs ou gynécologiques ! Une « psychopraticienne » suggère, de son côté, que l’infertilité est due à « un traumatisme transgénérationnel », « “Psychopraticien”, c’est le terme utilisé par les non-diplômés qui veulent vendre de la psy le double du tarif habituel », tacle un expert regrettant que Medoucine et Pungao mélangent
les détenteurs de diplômes reconnus par l’Etat et les autres.
Déviance et défiance
          La Miviludes a déjà été sollicitée deux fois à propos de Medoucine et de Pungao. Elle sait que le succès de ces plateformes tient à la défiance envers la médecine traditionnelle. Pungao – qui n’a pas répondu aux sollicitations du « Canard » – fait même de la « remise en doute de la sécurité et des effets secondaires de certains médicaments » un argument de vente, citant la pilule contraceptive Diane 35, le Mediator ou encore le Levothyrox.
          « Avec la demande de soins qui augmente, les médecins qui ne sont pas assez nombreux et les consultations trop rapides », ces plateformes se voient offrir un boulevard, regrette Mathieu Repiquet. Et rien ne garantit que, pour soigner leurs dérives, une médecine douce suffise.
source : par Fanny Ruz-Guindos
( le Canard enchainé du mercredi 17 novembre 2021 )