Dans le rescrit émanant de la Secrétairerie d’État, le Saint-Siège estime que l’institut des Sœurs de Saint-Jean et de Saint-Dominique « a gravement porté atteinte à la discipline ecclésiastique », annonçant sa suppression « aussi bien dans le diocèse de Cordoue que dans un autre diocèse ». Par ailleurs Rome annonce que les recours présentés en février par certaines religieuses pour contester les décisions de Mgr Brincard sont rejetés « pour manque de fondement juridique ».
Le prieur général de la Communauté des frères de Saint-Jean, Frère Thomas, a exprimé « sa communion filiale et obéissante au Saint-Père » et inviter à prier pour la communauté des sœurs contemplatives. En janvier 2010, la famille Saint-Jean avait reconnu l’existence de tensions au sein de sa branche féminine contemplative.
source : LA CROIX du 23 janvier 2013
L. B. S.
Rappel des principaux épisodes du feuilleton :
Juin 2009 : décision de Mgr Barbarin (évêque ordinaire de la communauté), en accord avec le Vatican, de remplacer la Soeur Alix, prieure générale sans discontinuer depuis la fondation de la communauté en 1982, par la sœur Johanna. Sitôt nommée, la sœur Johanna évince de ses fonctions cumulées de maîtresse des études et de maîtresse des novices la très influente sœur Marthe, elle-même en poste depuis une vingtaine d’années.
Novembre 2009 : La sœur Johanna n’arrivant pas à tenir ses troupes, le Vatican nomme un premier Commissaire Pontifical, Mgr Bonfils. Début 2010, une centaine de jeunes religieuses, manipulées par Alix et Marthe, s’exilent dans le diocèse de Saltillo au Mexique où elles pensent pouvoir, à partir de ce premier contingent et à la faveur d’une scission, poursuivre leur vie religieuse selon les méthodes et sous la direction des anciennes dirigeantes pourtant limogées par le Vatican. Il a fallu une intervention du Vatican auprès Mgr Lopez (évêque de Saltillo) pour que ce projet capote.
Février 2011 : Mgr Bonfils jette l’éponge devant l’impossibilité de réunir un chapitre électif qui aurait permis de nommer une nouvelle Prieure Générale apte à gouverner cette communauté selon les règles habituelles de l’Église. Nomination par le Vatican d’un deuxième Commissaire Pontifical, Mgr Brincard, assisté par Mgr Bitz.
Mais qu’a donc fait Mgr Brincard depuis un an ?
Sur la lancée de son prédécesseur, Mgr Bonfils, Mgr Brincard a poursuivi un travail de fond pour tenter de convaincre les religieuses de cette communauté du bien fondé de sa mission. Pour cela Mgr Brincard et Mgr Bitz ont pris leur bâton de pèlerin pour faire la tournée des prieurés de cette communauté, n’hésitant pas à aller au Mexique, aux Etats-Unis, en Afrique et bien sur également dans les prieurés en France. Question : auront-ils réussi à convaincre la majorité d’irréductibles de renier le tandem Alix-Marthe ? Rien n’est moins sur quand on sait que Mgr Bonfils s’était cassé les dents face à l’intransigeance de ces demoiselles. Mgr Brincard aura la réponse à cette question en faisant l’appel le jour de la rentrée du cours de rattrapage qu’il organise à partir de Septembre 2012 au prieuré de St Jodard (diocèse de Lyon).
Un an de formation à St Jodard avant d’être éventuellement autorisées à prononcer des vœux simples ou perpétuels : les sœurs contemplatives vont devoir retourner à l’école.
St Jodard (diocèse de Lyon), est la maison-mère de la communauté des sœurs contemplatives. C’est aussi son noviciat qui comptait près d’une centaine de novices jusqu’en 2009, du temps de l’emprise absolue d’Alix et Marthe sur cette communauté contemplative cloitrée. Ces novices étaient souvent des gamines de 18 à 20 ans, embobinées par le prosélytisme des frères de St Jean.
En 2009, ces jeunes filles sont parties à droite et à gauche. Certaines sont retournées dans leur famille sur les conseils de la nouvelle équipe dirigeante remettant en cause la réalité du discernement de leur « vocation ». Parmi elles quelques unes ont même du entamer des soins psychiatriques. Beaucoup restent sous l’emprise des anciennes dirigeantes, qu’elles soient retournées dans leur famille ou qu’elles soient dans un prieuré en France ou à l’étranger. Officiellement, la communauté des Sœurs de St Jean compte toujours 380 membres, novices comprises. Qu’en est-il en réalité ? Dans ce domaine, L’Église fidèle à sa tradition de « grande muette » quand un sujet l’embarrasse ne communique aucune information, ce qui est gravissime car elle est responsable, par sa trop longue complaisance, de la situation de centaines de jeunes filles et de femmes qui se sont laissées prendre au piège, pendant près de trente ans, d’une communauté religieuse reconnue officiellement par l’Église mais dont les dirigeantes usaient de méthodes inacceptables.
En quoi va consister cette année de formation à St Jodard ?
A une formation religieuse plus ouverte. Du temps de Marthe et Alix, l’enseignement se limitait à l’étude en boucle des seules cassettes des enseignements du père Marie Dominique Philippe et de la sœur Marthe, lesquelles étaient basées sur une vision et une interprétation personnelle d’Aristote et St Thomas d’Aquin avec une approche essentiellement philosophique.
A une étude plus sérieuse du discernement de la vocation de ces jeunes. On ne s’improvise pas religieuse cloîtrée pour toute son existence simplement dans l’enthousiasme et la générosité de la jeunesse et sous l’alibi intellectuel des thèses philosophiques de feu le fondateur de la « famille St Jean », le père Marie Dominique Philippe. A une remise en question des règles de fonctionnement d’une communauté religieuse habituée depuis sa fondation à un noyautage par le même petit nombre de dirigeantes inamovibles.
A une remise à plat de la sacrosainte « charité fraternelle », laquelle, telle qu’elle était pratiquée dans cette communauté ne faisait que verrouiller davantage le fonctionnement dictatorial des dirigeantes.
A remettre en cause les liens étroits et exclusifs entre sœurs contemplatives et frères de St Jean à l’origine d’un certain nombre de dérapages en matière de mœurs.
Combien de novices et de professes simples vont accepter cette révolution ?
Sur les 380 sœurs contemplatives (chiffre officiel), la communauté compte 120 professes perpétuelles. Ce sont donc potentiellement 260 sœurs environ (sœurs novices et professes simples) qui sont concernées par ce chantage imposé par Mr Brincard : pas de vœu simple pour une novice, pas de vœu perpétuel pour une professe simple sans accepter au préalable ce « stage » à St Jodard, dirigé par les adversaires déclarées d’Alix et de Marthe. Pas certain, dans un tel contexte, que les sœurs se bousculent pour s’y inscrire.
Questionnements à propos du projet de Mgr Brincard.
Que deviendront celles qui auront été recalées à l’issue du stage de St Jodard ? Que deviendront celles qui n’auront pas accepté d’aller à St Jodard ? Elles ne peuvent pas indéfiniment rester sous statut de novices ou de professes simples.
Les actuelles professes perpétuelles : quelle valeur accorder à leurs vœux prononcés après une formation inadéquate, du temps de dirigeantes désavouées par le Vatican. Comme il est canoniquement impossible de les relever de leurs vœux, Mgr Brincard prévoit-il pour elles aussi un stage de « reformatage ».
Quel avenir pour les anciennes dirigeantes ? L’Église se disqualifierait en les laissant partir et fonder une autre communauté. On les voit mal, après toutes les manœuvres dont elles ont été capables depuis trois ans, reconnaître leurs erreurs, accepter de rentrer dans le rang et se cantonner à faire des confitures et fabriquer des chapelets jusqu’à la fin de leurs jours.
Pendant combien d’années encore une communauté de plusieurs centaines de moniales peut-elle rester sans dirigeante élue en chapitre, sous le gouvernement d’un Missi Dominici du Vatican ? La question de la dissolution pure et simple de la communauté ne se posera-t-elle pas à court ou moyen terme ?
« Courbe la tête, fière Alix, abaisse humblement ton cou. Brûle ce que tu as adoré »
Mgr Brincard, tel Saint Remi, demande ni plus ni moins à Alix et Marthe, ainsi qu’à leurs adeptes, de renier leur idôle, feu Marie Dominique Philippe.
Les errements des sœurs contemplatives de St Jean contre lesquels le Vatican lutte depuis trois ans étaient généralisés aux quatre branches religieuses de la « famille St Jean », et en particulier à sa branche masculine, du temps où le père Marie Dominique Philippe était Prieur Général des frères de St Jean, c’est-à-dire jusqu’en 2001, date à laquelle le Vatican a finalement décidé de le lâcher en le poussant vers la sortie.
Outre les Sœurs Contemplatives de St Jean, la « famille St Jean » comprenait en effet trois autres communautés : les frères de St Jean, chez lesquels, non sans difficultés, quelques évolutions positives ont vu le jour depuis 2001 ; même remarque pour les sœurs Apostoliques de St Jean ; quant aux Sœurs Mariales d’Israël et de St Jean, cette communauté a été purement et simplement dissoute en 2005 par décision de Mgr Barbarin. Malheureusement, les adeptes de Tunde Szentes, fondatrice des Sœurs Mariales D’Israël et de St Jean poursuivent une existence de groupuscule quasi sectaire et semi clandestin toujours sous l’emprise de leur « fondatrice ».
Les sœurs contemplatives de St Jean, sous la conduite d’Alix et de Marthe, étaient une survivance d’un passé dont le Vatican souhaite tourner la page, en faisant le moins de vague possible afin de ne pas rappeler trop ostensiblement la complaisance coupable dont il a fait preuve, de 1975 à 2001, à l’égard de Marie Dominique Philippe et de ses méthodes.
L’attitude intransigeante de ces deux sœurs complique la mission de Mgr Brincard qui se voudrait la plus discrète et rapide possible
source : GOLIAS -newsfr