La fille de Sabrina est retenue par sa famille dans une “secte” à l’île Maurice depuis plus de dix ans. Au micro d’Olivier Delacroix, sur “La Libre antenne”, Sabrina raconte les multiples démarches qu’elle a entamées pour retrouver sa fille et explique comment elle est parvenue à la recontacter récemment.

TÉMOIGNAGE

Cela fait plus de dix ans que Sabrina n’a pas vu sa fille. Cette dernière est retenue par sa famille dans une “secte” à l’île Maurice depuis l’âge de cinq ans. Sabrina a entamé des démarches et multiplié les demandes pour retrouver sa fille. Au micro de “La Libre antenne”, sur Europe 1, Sabrina raconte à Olivier Delacroix ces années où elle est restée sans nouvelles de sa fille et explique comment elle est parvenue à la recontacter récemment

“Ma fille est retenue par ma famille à l’île Maurice. Ils sont membres d’un mouvement sectaire. C’est la CTMI, la Church Team Ministries International. J’ai été abandonnée par ma famille quand j’étais adolescente. Ils ont rencontré les membres de cette Église et ont décidé de tout plaquer pour s’installer là-bas. Avant que ce jour arrive, ma mère m’a insultée. Elle me faisait comprendre que j’étais un boulet qui les empêchait d’avancer dans leurs projets.

J’ai retrouvé ma mère quand ma fille avait trois mois. Après plusieurs années, j’ai eu mes parents au téléphone. Ma mère est venue me voir à Toulouse. Elle me disait qu’elle me cherchait, que je lui manquais, qu’elle avait besoin de moi et qu’il fallait que je retrouve ma famille. Comme j’étais en instance de divorce avec le père de ma fille, ça a été plus facile pour elle de me convaincre de tout plaquer et d’aller vivre à l’île Maurice avec ma fille.

C’est ce que j’ai fait, mais je ne savais pas qu’elle avait un autre projet secret. Son but, c’était de me déshériter. Elle avait tout organisé. Je devais donner à ma sœur tout ce que mes parents me léguaient. Ma sœur nous a mises à la porte avec ma fille. Elle nous faisait rechercher par les services sociaux. Je n’ai pas eu le choix, j’ai dû laisser ma fille aller vivre chez ma mère. C’était son but. Ma fille a aujourd’hui 18 ans. À l’époque, elle devait avoir cinq ans.

Je ne pouvais pas revenir en France, j’avais tout quitté. J’ai essayé de me rapprocher des services de justice pour savoir ce qu’il m’était possible de faire. J’avais l’autorité parentale, mais je n’avais plus aucun droit de regard sur elle. Tout cela m’a rendue terriblement malade. J’ai essayé de négocier un rapatriement sanitaire avec l’ambassade de France, qui m’a été refusé. J’ai économisé pour acheter un billet d’avion. Je ne voulais pas laisser ma fille, mais je ne pouvais pas rester pour me faire soigner.

Je suis rentrée en France. Après plusieurs années à l’étranger, j’avais perdu tout repère. Je n’avais pas de famille. J’ai subi un acharnement médical pendant cinq ans. Pendant que j’étais soignée, ma famille a détourné ma fille de moi en la conditionnant dans son Église. Il y a eu un moment de très grand silence. Pendant 1.711 jours, je n’ai pas eu de nouvelles du tout de ma fille. C’est ce qui m’a fait enclencher toutes les démarches administratives auprès des autorités françaises et mauriciennes.

En 2015, j’ai contacté Enfance en danger, l’ambassade de France à l’île Maurice, le ministère des Affaires étrangères, le Défenseur des droits, l’Association pour la Défense des Familles et de l’Individu, le Centre Contre les Manipulations Mentales, un détective… J’ai vraiment cherché toutes les solutions. J’ai fini par désespérer parce qu’aucune de ces instances ne me répondait. Le bureau d’entraide civile internationale, un bureau rattaché au ministère de la Justice, m’a contactée un an après. Ils me proposaient une médiation par téléphone, mais ma famille ne répondait pas.

Contre toute attente, le 13 octobre 2019, j’ai été contactée par le commissariat de ma localité pour une audition à la demande du procureur de la République. Le ministère de la Justice a ordonné l’ouverture d’une enquête. Le père de ma fille et moi avons été auditionnés. Quand j’ai reçu cette convocation, j’ai demandé une attestation que j’ai envoyée à ma famille. C’est là que j’ai pu avoir des nouvelles de mon enfant après plus de quatre ans.

Je n’ai pas arrêté de pleurer. Je l’ai laissée parler. J’ai tenté de lui faire comprendre que cette religion avait détruit notre famille et qu’elle et moi avions été manipulées. Elle m’a fait comprendre qu’elle se battrait pour défendre sa grand-mère et sa tante. Elle n’a jamais rien connu d’autre. Je n’arrivais même pas à la reconnaître. Elle me citait souvent des passages de la Bible.

Elle m’a posé un ultimatum : ‘Si tu veux que l’on redevienne une famille comme avant, abandonne la procédure. Je voudrais aussi que tu te brises devant le Seigneur et que tu lui demandes pardon pour tout le mal que tu as fait à ta mère et à ta tante’. J’ai halluciné. Elle me faisait un beau cadeau, mais j’ai refusé de demander pardon à ces personnes qui m’ont volontairement éloignée de ma fille. Elle est soumise.

Je ne veux pas perdre espoir et baisser les bras. Je veux continuer à croire qu’un jour, je reverrai mon enfant. J’attends de voir ce que l’enquête en cours va donner. Je continuerai toujours à dire à mon enfant que je l’aime, que je ne l’ai jamais abandonnée et que je ferai tout pour la retrouver. C’est dur à porter tous les jours, mais je veux qu’elle sache que sa maman l’aime. Il faut avoir de la patience et de la persévérance.”

Par Léa Beaudufe-Hamelin

source :  Le 08 juin 2020, EUROPE 1

 

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