C’était lundi, à Paris. À un colloque sur le « sursaut républicain contre la montée de l’islamisme radical et la récupération populiste ». C’est là que le Premier ministre, Manuel Valls, a fait du bruit en affirmant que les « groupes salafistes » étaient en train de « gagner la bataille idéologique et culturelle dans l’islam de France ».

Le Roubaisien Amine Elbahi était dans l’auditoire. En matière d’islam radical, cet étudiant de 20 ans sait de quoi il parle : sa sœur Leïla *, qui a tout juste un an et demi de plus que lui, a quitté le domicile familial, à l’été 2014, pour aller rejoindre l’organisation terroriste État islamique, en Syrie. Elle y vit toujours, dans la région d’Alep, mariée à un combattant de Daech avec lequel elle vient d’avoir un petit garçon.

« Personne ne prend le problème à bras-le-corps »
Ce jour-là, Amine Elbahi a réussi à interpeller le Premier ministre. « On a discuté cinq minutes. J’ai pu lui dire que les familles se sentaient mises de côté dans la réflexion sur la prévention de la radicalisation. Pourtant, le sujet est essentiel si on veut éviter de nouveaux attentats. » Pour lui, la source du problème, c’est le « fondamentalisme religieux ». Il cible les salafistes, très actifs à Roubaix, l’imam de Brest, Rachid Abou Houdeyfa, venu récemment à Roubaix, ou encore les dirigeants de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), qu’il juge « adeptes du double discours » et qu’il qualifie de « minorités bruyantes » de l’islam, loin de la « majorité silencieuse » qui ne demande que la paix.

Lire aussi le témoignage d’Amine Elbahi sur sa soeur : « elle a dit qu’elle allait au marché, et en fait elle est partie en Syrie ».

Le jeune Roubaisien, qui est engagé chez les Jeunes Républicains mais estime que ce sujet n’est « ni de gauche, ni de droite », se dit sceptique sur les initiatives du gouvernement, telle l’opération « Stop Djihadisme », qui lui paraissent « à côté de la plaque ». « À Roubaix, une douzaine de jeunes sont partis en Syrie ou en Irak. Six sont morts là-bas. Personne ne prend le problème à bras-le-corps ! »

Pour autant, il réfute le terme en vogue de « déradicalisation », qui selon lui laisse à penser qu’il s’agirait d’une sorte de maladie. « Parler de maladie, de secte, c’est nier la responsabilité de ces jeunes qui partent en Syrie ou en Irak. Moi, je ne considère pas ma sœur comme une victime. Elle a peut-être fait de mauvaises rencontres, mais elle a fait un choix délibéré, en conscience, et si elle rentre un jour il me paraît normal qu’elle assume ses responsabilités. » Ce qui ne l’empêche pas de continuer à dialoguer avec elle sur internet. Et d’espérer encore son retour.
(*) Le prénom a été modifié

source : http://www.nordeclair.fr/info-locale/sa-soeur-partie-en-syrie-le-roubaisien-amine-elbahi-ia50b12891n1091247

PUBLIÉ LE 08/04/2016
PAR BRUNO RENOUL