Jeudi 01 Avril 2010
Le courrier Picard:
[http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-locale/Saint-Quentin-Chauny/Immersion-chez-les-Temoins-de-Jehovah->http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-locale/Saint-Quentin-Chauny/Immersion-chez-les-Temoins-de-Jehovah]
{{ {Le mouvement des Témoins de Jéhovah commémorait mardi soir, dans sa salle du Royaume au quartier Europe, l’anniversaire de la mort du Christ. L’événement était ouvert à tous. Nous avons répondu à l’invitation, incognito. Ou presque.} }}
Pas de quart d’heure saint-quentinois chez les Témoins de Jéhovah. L’invitation à « venir découvrir pourquoi Jésus a donné sa vie et comment bénéficier de ce don », distribuée dans près de 10 000 boîtes aux lettres saint-quentinoises au mois de mars, annonçait que la réunion débuterait, ce mardi, à 19 h 45. Poussant la porte de la salle du Royaume, rue de la Résistance, à 19 h 50 à peine, nous avons déjà manqué les propos introductifs. Debout, l’assistance a entamé un chant. La salle est bondée.
« Vous connaissez quelqu’un peut-être ? », nous chuchote un grand homme en complet bleu. Du tout. Grillés, les deux profanes que nous sommes et qui espéraient se fondre dans la masse. Le grand monsieur nous dirige vers des sièges libres, invisibles depuis le fond de la salle.
L’instant est au recueillement dans la salle sobrement décorée. Sur l’estrade, un homme en costume et cravate lit une prière au micro. Toute l’assistance a la tête courbée sous les néons du plafond. Bien que mal à l’aise, on fait de même, par respect. « Amen », conclut la salle en chœur.
{{« Esclaves volontaires »}}
Ils sont une petite centaine. Des adultes, blancs de peau pour la plupart. Mais blacks et beurs ne sont pas absents. Ados et enfants non plus. En jeans et blouson, on a l’impression de jurer parmi les hommes cravatés et les femmes en jupe longue. Notre sentiment de malaise augmente encore lorsque « frère Abdel » invite chacun à ouvrir sa Bible. Les mains vides, on ouvre grand nos oreilles.
L’« exposé sur la signification de la mort du Christ Jésus, fils de Jéhovah Dieu », dure un peu moins d’une demi-heure. Au bout de laquelle on est partagé entre deux sentiments : l’apaisement, procuré par la voix distincte et posée de l’orateur ; et l’effroi que suscite en nous ce pouvoir relaxant.
Inquiet, on essaie de résumer tout ce que l’on vient d’entendre. En bref : « La mort du Christ permettra d’effacer toute souffrance, ressusciter les morts et donner la vie éternelle sur la Terre devenue paradis à tous ceux voués à Jéhovah, une fois que le Bien aura anéanti le monde des humains, pêcheurs indifférents au sacrifice de Dieu. Quel beau cadeau n’est-ce pas ? » Sauf que les « réponses » puisées dans des versets de la Bible commentés de façon relativement évasive n’ont pas convaincu notre esprit cartésien. On a même dû réprimer notre envie de quitter la salle en entendant certains mots et phrases, comme celle définissant on ne peut plus clairement les Témoins de Jéhovah comme les « esclaves volontaires de Dieu ».
{{« Exercer la foi »}}
Suit la commémoration du dernier repas du Christ. Entre deux prières, quatre frères font circuler dans l’assistance les symboles du corps et du sang du Christ. La salle fait silence tandis que l’assiette contenant du pain sans levain – le levain est symbole de corruption dans la Bible – et le verre de vin passent de mains en mains. Sans plus de cérémonie.
Avant de conclure la réunion, par une prière suivie d’un chant, l’orateur rappelle « comment exprimer sa reconnaissance envers Dieu. Car être Témoin de Jéhovah, ce n’est pas avoir la foi. C’est exercer la foi. En étudiant la Bible. En assistant aux réunions hebdomadaires. Et en participant à la prédication. » Difficile de faire plus concret que ces principes faciles à retenir. Et à appliquer, comme nous le prouve le grand monsieur en complet bleu.
Le dernier chant à la gloire de Jésus est à peine terminé qu’il nous tend déjà le dernier numéro de La Tour de garde, éditée par l’instance suprême du mouvement. Tandis que l’on se dirige vers la sortie, il nous offre aussi un petit manuel « qui résume ce qui vient d’être dit », et nous propose une Bible. On décline l’offre tout en serrant la main d’une femme, que l’on ne connaît ni d’Ève ni d’Adam, venue nous saluer. Le grand monsieur insiste, nous propose de venir nous « renseigner plus amplement » chez nous, à l’heure qui nous plaira. On promet d’y réfléchir. Avant de s’enfuir, pressés d’être libérés d’un désagréable sentiment d’oppression.
JULIE LEMARCHAND et GUILLAUME CARRÉ