Il nous faut sortir du trop long silence coupable de l’Église et de la société et entendre les souffrances des victimes. » L’homélie de Mgr Crépy, à Lourdes, devant l’ensemble des évêques français, a frappé par sa clarté. L’évêque nouvellement en charge de la lutte contre la pédophilie n’a pas mâché ses mots. « Ce mal, nous avons pu en être complices, nous évêques, par notre silence », a-t-il insisté. L’Église catholique reconnaît donc qu’elle a fait fausse route et demande pardon.

Que s’est-il donc passé en quelques mois, depuis l’affaire Preynat ? « L’aiguillon des médias et des associations de victimes » a obligé l’institution à réagir vraiment, reconnaît Luc Crépy. « Les victimes m’ont aidé », renchérit son confrère Jacques ­Blaquart, dont le diocèse – Orléans – apparaît comme pionnier. Il n’y a pas si longtemps, à ceux qui parlaient on reprochait plutôt d’abîmer l’Église, comme on le fait en général avec tous les lanceurs d’alerte. On connaît le résultat de cette politique. À trop vouloir préserver sa réputation, on la perd. À trop songer à recaser ses brebis galeuses, on laisse le diable emporter les agneaux. À trop croire les agresseurs sur parole, on diffuse sans même y penser l’insidieuse mélodie du mensonge. Bref, on passe à côté de l’essentiel. Cet essentiel, ce sont les victimes.
L’abus de pouvoir existe sous différentes formes, et pas seulement dans le rapport entre un aumônier et des jeunes.

Ne soyons pas manichéens. Des mesures ont été prises au tournant des années 2000. Elles ont certainement porté leurs fruits. En tout cas, si l’on en croit les responsables actuels du dossier à la conférence épiscopale, la mise en œuvre de tout un ensemble de dispositifs, depuis ce printemps, pour permettre aux plaignants de se signaler n’a fait que marginalement remonter des affaires récentes, disons de moins de 15 ans. La majorité des cas relèverait même d’un passé antérieur aux années 1980. Ajoutons qu’aucune institution n’affiche aujourd’hui un tel engagement, ni dans le sport, ni dans le monde éducatif, ni dans les associations de jeunesse. La crise traversée cette année par l’Église française n’en est que plus humiliante et plus rageante.
On voudrait être certain, évidemment, que cette prise de conscience fait l’unanimité dans le corps épiscopal. Sur ce point, il faudra voir à plus long terme. De même, on voudrait voir comment seront traités, à l’avenir, les prêtres ayant commis des abus. Tous ne seront pas réduits à l’état laïc ou interdits de dispenser les sacrements. On sent sur ce point les évêques partagés, parfois hésitants, au nom du ­discernement, au nom du pardon, au nom de la relation paternelle qu’ils entretiennent avec leur clergé, sur la gravité des actes. La commission Christnacht devrait les aider à se doter d’une forme de jurisprudence. Trop d’hésitation risquerait d’occasionner de nouveaux scandales, s’il s’avérait que l’Église donnait à nouveau l’impression de traiter les coupables avec trop de mansuétude et dans l’opacité.

Enfin, et surtout, il faut redire que les scandales dits pédophiles ne sont que l’une des facettes d’un plus grave problème, celui de l’emprise mentale. L’abus de pouvoir existe sous différentes formes, et pas seulement dans le rapport entre un aumônier et des jeunes ; il est souvent à caractère sexuel, mais pas toujours. Il est clérical, mais pas toujours. La lutte contre toutes les formes de manipulations mentales dans les paroisses, les mouvements catholiques et surtout les communautés religieuses, en particulier les communautés dites nouvelles, devrait être abordée globalement et frontalement. Sur ce point, beaucoup reste à faire.

source :http://www.lavie.fr/debats/edito/pedophilie-on-avance-mais-08-11-2016-77538_429.php