B. Dubois, membre de la communauté des Béatitudes est le fondateur des Agapèthérapies, inspirées de celles du Cénacle de Cacouna (Canada). Ces Agapèthérapies ont été appelées Agapè lors de leur transfert au Puy-en-Velay, sous la vigilance de Mgr Brincard.

Le rapport « rigoureusement confidentiel » du groupe de travail de Mgr Santier sur le psychologique et le spirituel, présenté à l’assemblée de la Conférence des évêques de France en novembre 2011 et publié par nos soins, mettait en cause les Agapè du Puy-en-Velay.

Sous la pression des remous médiatiques Mgr Brincard a décidé de confier un audit théologique au Père Humbrecht, dominicain docteur en philosophie et docteur en théologie.
Cet audit a été réalisé en août 2012. Le « Texte intégral du rapport d’audit du P. Humbrecht remis à Mgr. Brincard et communiqué à l’assemblée des évêques de France en novembre 2012 » a été rendu public peu après sur le site Anne-Peggy Agapè. Mais il n’était pas dit que la CEF l’avait approuvé, contrairement à ce qu’affirme un message posté sur le forum de Golias en réponse au {{“Livre noir”}} .

{{Et que signifie ce que rapporte le Journal La Croix du 10 décembre, qui annonce la reconnaissance de l’Agapè par l’évêque de Puy : « Mgr Brincard a présenté à l’Assemblée plénière des évêques en novembre à Lourdes les résultats de l’audit. “Aucune objection” n’a été soulevée » ?}}

La Conférence des évêques de France valide-t-elle par son silence les dérives psycho-spirituelles de l’Agapè ? Son silence est-il une adhésion ? Faut-il penser que tout l’épiscopat part à la dérive sur le plan doctrinal ? Autant de questions pour lesquelles les prochains jours apporteront peut-être une réponse.

Les conclusions de l’audit sont on ne peu plus élogieuses : catholicité de l’Agapè, bienfait pour les fidèles et pas d’obstacle pour y envoyer les retraitants. {{Bien sûr, aucune allusion aux dégâts produits par ces retraites et à leur contenu psycho-spirituel.}}

Dans son audit, le P. Humbrecht fait allusion à des modifications dans la plaquette des retraitants, mais la loi du silence restant de vigueur à l’Agapè, personne ne peut savoir à quoi il est fait allusion. Quoi qu’il en soit il est possible de faire quelques constatations sur cet audit.

Le P. Humbrecht est marqué par une formation théologique qui lui fait distinguer d’entrée de jeu le psychologique et le théologique : « Il ne m’appartient pas de me prononcer de façon spécifique sur l’utilisation par l’Agapè des sciences humaines (psychologie, psychanalyse) ; mais, en revanche, d’essayer d’évaluer l’intégration de celles-ci dans un projet plus large, disons d’anthropologie théologale. »
Il est louable pour un théologien de ne pas se prononcer sur les sciences humaines pour lesquelles il n’a pas compétence, mais comment évaluer leur intégration à un projet théologique sans s’être d’abord concerté avec un spécialiste pour connaître la valeur des outils utilisés ?
Nous apprenons que l’agapè est défini maintenant comme une retraite, sans qu’il soit précisé ce que cela recouvre : on se retire quelques jours au Puy, pour quoi ?? Tout peut-il être proposé dans des retraites catholiques ? On lit donc dans le paragraphe 3 de l’audit : « L’idée de cette retraite est de visiter les étapes les plus anciennes de sa vie (d’avant la conception à la fin de la jeunesse), en nommant les blessures qui leurs furent éventuellement liées, et en prononçant sur elles un pardon théologal, en quoi consiste en définitive la “libération” annoncée. »
{{Le P. Humbrecht, sans s’en rendre compte, énonce ici le spécifique de la psycho-spritualité de Cacouna}}.
Rappelons ici que l’enracinement de l’Agapè dans l’Agapèthérapie de Cacouna, a été explicitement reconnu dans l’émission sur RCF, par les responsables de l’Agapè. Cacouna est le lieu de naissance de l’agapèthérapie : « Des personnes dans le besoin venaient dans ce Centre de Prière de foi catholique ouvert à toutes croyances religieuses. C’est alors que s’est développée une démarche d’aide au cours de laquelle on demandait au Seigneur d’enlever les racines des blessures à partir de la conception, du sein maternel, de la naissance et même de la tendre enfance. »
{{Cette origine est passée sous silence et le rapporteur se contente de dire : « Cette intuition a été élaborée il y a une dizaine d’années par Bernard Dubois, médecin, et affinée depuis, avec la collaboration de son équipe, dont au moins un médecin psychiatre. »}}
Ce qui confirme l’imbrication du psychique et du spirituel dans les retraites Agapè. Ce que confirme la formation spécifique des accompagnateurs sur laquelle l’audit garde le plus complet silence. La formation qui a eu lieu après l’audit avait à son programme : anamnèse, délivrance, voilement et dévoilement des souvenirs. La prière de délivrance a-t-elle disparu de l’Agapè ? la prière de guérison ? Puisqu’il est question de formations, notons au passage que le P. Humbrecht parle de dix formations alors que dans l’émission de RCF Le Puy où sont intervenus trois mois avant l’audit, les responsables de l’Agapè, il était question de quatre formations de cinq jours…

L’agapè du Puy propose une relecture de sa vie qui remonte plus haut que la conception, et inclut donc {{la psychogénéalogie.}}
Comment le P. Humbrecht ne s’est-il pas demandé comment on pouvait visiter sa vie avant la conception, pendant la conception, au moment de la naissance, etc.? Quelle approche philosophique de la mémoire propose-t-il pour le justifier ?
Le simple bon sens en tout cas montre qu’il est impossible de se souvenir de ce qui s’est passé avant notre conception, de notre vie embryonnaire et des premières années de notre vie.
Alors comment nommer des blessures dont il est impossible de se souvenir ? Et pourquoi ne retenir que des blessures sur cette époque ? Les premiers instants de la vie sont-ils si négatifs ?
Et comment donner un pardon théologal à des blessures ? Pour accorder un pardon, il faut avoir été offensé ; on ne peut pardonner qu’à un coupable. Nous disons dans le Notre Père : Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Or les blessures ne sont pas toujours une offense : une mère malade qui ne peut s’occuper de son enfant peut provoquer chez lui une blessure, mais ce n’est pas une offense. Une tare familiale génétique peut provoquer une blessure, mais ce n’est pas une offense.
{{Comment un théologien peut-il parler de pardon théologal donné pour des blessures qui remontent à la mémoire par des moyens qui ne sont pas mis au clair ? Qui a conscience de sa mémoire embryonnaire ? Est-elle fiable ?}}
Saint Thomas d’Aquin a écrit dans la Somme théologique : « Quant à accorder à ses ennemis, sans condition, une dilection spéciale et leur venir en aide, cela relève de la perfection. » L’amour des ennemis est le sommet de la charité. Il faudrait peut-être un peu plus de réalisme et commencer par se reconnaître pécheur. Ce serait plus utile pour grandir dans la vie chrétienne.
Quant à la libération – qui a remplacé la guérison -, B. Dubois la définissait ainsi dans une conférence : « Je suis libéré de ce qui m’aliène, de tout ce qui m’empêche d’aimer ; car pour aimer il faut être libre. Dans la lumière du Christ, je vais essayer de mieux saisir ce que j’ai vécu, comment je l’ai vécu, ce que j’en ai fait, de quelle manière j’ai pu subir un mal ou le commettre, toutes choses qui m’empêchent d’aimer. »
En quoi cette libération de ce qui aliène est-elle liée au pardon théologal ? En quoi subir un mal empêche nécessairement d’aimer ? Accepter ce qui est ressenti comme un mal subi peut être tout simplement le signe d’un passage de l’adolescence à l’âge adulte ; ce peut être lié à l’acceptation de ses limites et pas à un pardon.

Autre question : si la libération a remplacé la guérison à l’Agapè, pourquoi dire : « Il m’est apparu que ce que j’appellerai les “valeurs féminines” l’emportent sur d’autres plus “masculines”, tant au plan psychologique que spirituel : passivité plus qu’activité dans l’amour, douceur, écoute des émotions, tendresse, attention à l’enfance. C’est ce dont manquent beaucoup de gens et qu’ils viennent chercher. Il est bon que la pédagogie chrétienne les honore par des mots et aussi des gestes. Ce discours est apaisant et en lui-même guérissant. »
Le mot guérison a été supprimé pour montrer patte blanche, mais c’est bien elle qui est encore recherchée. Le cardinal Daneels disait : « Dans les nouvelles religiosités, l’audace évangélique fait place à la sensibilité thérapeutique. Si la libération émotionnelle a quelque chose de curatif, le repli sur sa propre sensibilité a quelque chose de désespéré. Narcisse n’est il pas mort d’avoir trop aimé son reflet ? » Il semble que le P. Humbrecht n’ait pas vu le piège du narcissisme, lorsqu’il écrit : « La pédagogie de la liberté est tout aussi guérissante que l’énoncé des blessures, et même davantage. » Pourquoi faut-il que la liberté ait aussi un caractère guérissant ? S’agit-il de la liberté ou de la libération intérieure conçue par B. Dubois ? Grandir dans la liberté n’est pas à but thérapeutique ! Un chrétien grandit dans la liberté lorsque la volonté de Dieu devient la sienne ; on est dans le registre de la sainteté et non de la guérison.
{{L’audit n’apporte rien de nouveau sur l’Agapè, sinon que le mécanisme est toujours le même : gommer ce qui est reproché pour le remplacer par des équivalences, sans regarder la question de fond qui est l’enracinement de l’Agapè dans la psycho-spiritualité du Nouvel Âge. Mais faire cautionner la psycho-spiritualité par un Dominicain théologien et philosophe est peut-être l’inédit apporté par cet audit. Car autrefois les dominicains étaient les défenseurs de l’orthodoxie.}}

Source : GOLIAS
Par Christian Terras