Sandrine Briclot, le mercredi 3 juin 2009 à 04:00

{{Les vitamines prises par les adeptes de la scientologie dans le cadre de leur « programme de purification » sont-elles des compléments alimentaires ou des médicaments qui échappent au contrôle de l’ordre des pharmaciens ?}}

Les scellés dégagent une odeur si « forte odeur » que la présidente de la 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris – et elle s’en excuse par avance – les a fait remiser sur le bord d’une fenêtre de la salle d’audience. La greffière se saisit délicatement, hier, du sac-poubelle dans lequel ont été emballés les sachets de vitamine de Marie-Aude Malton et déballe ce qu’il reste des « doses » que devait ingérer la plaignante lorsqu’elle était « en cure de purification » au Centre de dianétique de l’Eglise de scientologie, rue Legendre, à Paris, en 1998. A cette époque, la jeune femme de 32 ans vivait mal une rupture sentimentale et avait succombé aux théories avancées par Ron Hubbard, le fondateur de la scientologie, via certains adeptes du siège parisien. Après quelques mois de cours, Marie-Aude Malton avait jeté l’éponge, regretté d’avoir dépensé toutes ses économies – près de 140.000 francs (environ 22.000 euros) et porté plainte. Onze ans plus tard, elle est assise sur le banc des parties civiles dans un procès pour « escroquerie en bande organisée » et « exercice illégal de la pharmacie » à l’encontre de certains membres de l’église et de l’association spirituelle.

« Vitamines A, B1, B2, B3, B5, B6, B9, B12, C, D et H, minéraux tels que magnésium, potassium, calcium, manganèse, fer, cuivre et zinc », égrène la présidente Sophie-Hélène Château. Un cocktail conseillé aux curistes qui doivent, en outre, alterner courses à pieds, saunas et douches durant quinze jours afin de « purifier leur corps et leur esprit ». « C’est une pratique religieuse comparable aux jeûnes imposés par d’autres religions », a protesté Aline Favre, responsable du processus de la purification depuis 1994 au centre de la rue Legendre. Aujourd’hui prévenue dans le procès, elle s’avance à la barre. « Membre actif » de l’église de scientologie, elle a testé la méthode et se rappelle s’être alors « débarrassée de tout brouillard mental ». Elle n’a en revanche « pas le souvenir » d’avoir entendu des élèves se plaindre, comme Mme Malton, de se sentir « lessivée » – elle avait perdu 4 kg en 13 jours – ou d’avoir eu « des crampes à l’estomac » causées par les vitamines.

« Il est demandé à la personne d’aller voir un médecin avant la procédure de purification, affirme Aline Favre. C’est à lui de décider après avoir vu le livre. » Le livre, c’est celui de Ron Hubbard, intitulé Un corps pur, un esprit clair, dans lequel sont indiquées les posologies à suivre. Et le médecin qui a délivré à Mme Malton un certificat d’aptitude à suivre la cure a son cabinet… rue Legendre.

Ces vitamines relèvent-elles d’un « complément alimentaire » ou « d’un médicament », interroge la présidente. Un pharmacien et une juriste de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) sont venus, hier, lui donner leur réponse : « Consommées à un dosage aussi important, ces vitamines sont apparentées à des médicaments », assurent-ils, dont une est même « inscrite sur le tableau des substances vénéneuses. « Une utilisation comme celle-là, on aimerait qu’elle soit validée par un médecin », gronde le pharmacien. La cure de purification des scientologues ? « Ça me paraît charlatanesque ! » enfonce le spécialiste. Le procès se poursuit aujourd’hui avec l’audition d’experts.