LE PARISIEN 17 septembre 2009
{ {{Me OLIVIER MORICE, avocat des parties civiles dans le procès de la Scientologie}} }
Pour les parties civiles, c’est un « désastre ». A l’instar du parquet de Paris, elles espéraient voir condamnée et dissoute l’Eglise de scientologie. En début de semaine, elles ont appris qu’un article de loi, modifié en mai, quelques jours avant le début du procès, rend impossible la dissolution d’une organisation poursuivie pour escroquerie.
C’est-à-dire ce pour quoi la Scientologie était jugée en correctionnelle. Hier, Me Morice, l’avocat des plaignants, a demandé par courrier au chef de l’Etat d’intervenir en urgence mais aussi de « lever toute suspicion sur (son) appréciation personnelle relative à l’Eglise de scientologie ». La vice-présidente du MoDem, Corinne Lepage, estime que cette modification pourrait être le fruit de pressions de la part de l’Eglise de scientologie.
{{Pourquoi saisissez-vous le président de la République ?}}
Me Olivier Morice. Pour mettre fin à une cacophonie scandaleuse. D’une part, la garde des Sceaux explique que cette modification de loi résulte d’une « erreur matérielle » et qu’il faut rétablir ce texte. D’autre part, le président de la commission des Lois revendique une sorte de paternité du texte et tente de tromper l’opinion publique sur l’incidence de cette modification.
{{C’est-à-dire ?}}
M. Warsmann laisse entendre que l’interdiction d’exercice, telle qu’elle est prévue dans le texte, est plus efficace que la dissolution. C’est faux. La dissolution conduit à l’inexistence définitive de la structure qui était visée. L’interdiction oblige les magistrats à préciser la nature des activités qui seraient interdites mais en laissant vivante la structure. En outre, Jean-Luc Warsmann est incapable d’expliquer pourquoi la dissolution a été maintenue pour d’autres délits moins graves tels que l’abus de faiblesse, le chantage… Seule l’escroquerie, c’est-à-dire ce qui vise la Scientologie, est concernée par cette abrogation.
{{Pour vous, cette modification pourrait être intentionnelle ?}}
Ce traitement jette une suspicion considérable sur sa finalité. Contrairement à ce que prétend le président de la commission des Lois, il n’y a eu aucun exposé des motifs concernant cette modification et il n’y a eu aucun débat à l’Assemblée nationale. Nous dénonçons le fait que ce texte a été voté en catimini, à quelques jours de l’ouverture du procès. Aujourd’hui, de nombreux parlementaires sont sidérés par ce qui s’est passé !
{{D’autres affaires peuvent-elles être concernées par cette modification ?}}
Oui. D’autres informations en cours, où des structures de la Scientologie étaient susceptibles d’être renvoyées devant un tribunal en tant que personne morale avec risque de dissolution vont être frappées par cette modification. L’effet de contagion est énorme.
{{Qu’attendez-vous du président de la République ?}}
Qu’il demande à la garde des Sceaux de faire voter en urgence, dans le cadre de la loi pénitentiaire, un texte pour rétablir cette faculté de dissolution. D’ores et déjà, le préjudice pour les parties civiles est irréparable, du seul fait de la faute des services de l’Etat. Cela discrédite le Parlement.
Propos recueillis par Anne-Cécile Juillet