Le parquet de Versailles a ouvert une enquête préliminaire visant l’Eglise de Scientologie pour «harcèlement moral» et «abus de faiblesse» à la suite d’une plainte déposée en juin par 12 salariés d’une société en région parisienne, a-t-on appris mercredi de source proche du dossier, confirmant une information de 20minutes.fr. Cette plainte, que l’AFP a pu consulter, a été déposée le 3 juin par douze salariés de la société Arcadia, dont le siège est situé à Voisins-le-Bretonneux, dans les Yvelines. Ce groupe spécialisé dans l’aménagement de combles et l’extension de maisons compte 90 salariés en France. Les salariés affirment qu’ils ont été forcés de suivre des formations dispensées par des membres supposés de la Scientologie, «omniprésente» selon eux dans la société depuis plusieurs années.
La plainte vise l’association spirituelle de l’Eglise de Scientologie (Celebrity centre), plusieurs formateurs ainsi que le PDG de l’entreprise. L’enquête a été confiée à la cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires, qui dépend de l’office central de répression des violences aux personnes. «Les formateurs scientologues ont infiltré la société dans le seul but de la piller financièrement, pour leur profit personnel et celui de la Scientologie», a expliqué à l’AFP l’avocat des salariés Me Olivier Morice. Au total, entre 1 et 2 millions d’euros auraient ainsi été détournés, selon lui. «Sujétion psychologique», «dénigrement de l’équipe commerciale» comparée à des «enfants gâtés» ou des «pisseuses en chaleur»… «Déstabilisés et constamment sous pression, les salariés doivent coopérer ou sont définitivement écartés de l’entreprise», estiment les salariés dans la plainte.
Parmi les exercices imposés, les salariés devaient suivre un «training routine» de base: «l’auditeur doit s’asseoir face à face avec une autre personne (en l’occurrence un autre étudiant) (…) et ne plus bouger (…) pendant une durée de deux heures». Dans la plainte, un salarié témoigne que des employés ont dû lire «Alice aux pays des Merveilles», «choisir certaines phrases, les dire comme si cela venait» d’eux et ensuite répeter: «les poissons nagent et les oiseaux volent»… «Ces exercices ont été imposés non pas pour que les salariés travaillent mieux mais dans le but de les asservir et de les inféoder», a ajouté l’avocat.
Pour les employés, c’est le décès brutal en 2000 de l’un de ses enfants qui aurait conduit le PDG de la société «à se tourner vers la Scientologie». Dès 2008, le patron aurait réorganisé sa société en bénéficiant des conseils de formateurs appartenant selon eux à la Scientologie. Le parquet et l’Eglise de Scientologie n’étaient pas joignables dans l’immédiat. La Cour de cassation a confirmé en octobre 2013 la condamnation des deux structures parisiennes de la Scientologie, le Celebrity Centre et sa librairie SEL, à des amendes de respectivement 200 000 et 400 000 euros, pour «escroquerie en bande organisée». Classée en France parmi les sectes par plusieurs rapports parlementaires, l’Église de scientologie est considérée comme une religion aux États-Unis et dans quelques pays européens, comme l’Espagne, l’Italie, la Hollande ou la Suède. Fondée par l’écrivain américain de science-fiction Ron Hubbard, elle revendique 12 millions d’adeptes dans le monde et 45 000 dans l’Hexagone.
source : AFP ; LIBERATION.fr