Scientologue de la troisième génération, nièce de l’actuel leader mondial du mouvement, David Miscavige, Jenna Miscavige Hill, 29 ans, a passé vingt et un ans dans l’Eglise de la scientologie, qu’elle a fini par quitter en 2005 avec son mari. Elle lutte depuis contre ce mouvement, qu’elle refuse pourtant d’appeler secte, par peur de représailles. Dans un livre paru mercredi, elle raconte aujourd’hui son enfance de fille de cadres du mouvement. D’abord hébergée dans un ranch californien, elle a ensuite rejoint, à 12 ans, le siège de l’organisation en Floride, après avoir signé un contrat qui l’engageait à servir la Scientologie pour… un milliard d’années.

{{Comment se déroulaient vos journées?}}

JENNA MISCAVIGE HILL.  »
Comme dans une école militaire ! Lever à 6 h 30, uniforme et, en plus de l’étude intensive des textes scientologues, nous étions assignés à des tâches très physiques. A 6 ans, parfois par 45 oC, je devais déplacer d’énormes pierres pour aménager le parc du ranch. Nous devions « payer » pour le gîte et le couvert. On nous répétait que, dans la vie, seuls les criminels obtenaient des choses gratuitement… On étudiait 7 jours sur 7, même la nuit. Il m’arrivait de ne dormir que deux heures. Un jour, j’ai rendu visite à mes cousins : ils avaient leur propre chambre, avec une télé, de beaux habits, et réclamaient ceci ou cela à leurs parents… Pour moi, c’était impensable ! Quand je regarde aujourd’hui mon fils de 4 ans, je réalise à quel point ce que j’ai vécu est fou. On m’a privée de mon enfance, d’une éducation normale. »

{{Quels étaient vos rapports avec vos parents?}}
JM. »A partir de 12 ans, j’étais en Floride, eux en Californie. Jusqu’à mes 18 ans, j’ai vu mon père quatre fois, ma mère deux, moins d’une heure à chaque fois… Dans la Scientologie, qui croit à la réincarnation, les enfants sont traités comme des adultes, on considère juste que l’esprit s’est installé dans un corps plus petit. Alors quand je réclamais mes parents, on me traitait d’égoïste, on m’empêchait physiquement de les appeler car ils devaient se dévouer tout entiers à l’Eglise et sauver tout un tas de gens »…

{{Vos relations étaient-elles surveillées?}}

« Constamment. Avoir un petit ami se résumait à discuter quelques minutes le soir, mais il fallait qu’il fasse partie du même échelon que vous, soi-disant pour éviter la fuite d’informations confidentielles. Ma première relation n’y a pas survécu, ils nous ont séparés. Au bout d’un moment, ils ont aussi décidé que les cadres du mouvement ne pouvaient plus avoir d’enfants, sous peine de renvoi. Je connais au moins six filles qui ont avorté sous la pression, certaines plusieurs fois… Par ailleurs, quand mes parents ont été bannis en 2000, j’ai choisi de rester, car l’Eglise, c’était toute ma vie. Mais je suis ainsi devenue suspecte et j’avais droit sans cesse à des interrogatoires interminables ! Il régnait une paranoïa totale ».

{{Quand et comment êtes-vous sortie de la Scientologie?}}
« C’était à l’automne 2005. Depuis un an, mon mari et moi étions en mission en Australie. Au contact du « monde réel », j’en ai eu assez de nos règlements ridicules, des privations de sommeil et de nourriture. Ils ont tout tenté pour nous retenir, puis m’ont dénigrée pour que mon époux, lui, reste. Après, ils ont essayé de nous faire signer un contrat de confidentialité et voulaient même m’envoyer une facture pour que je rembourse les enseignements reçus! Ils ont exercé des pressions pour nous empêcher de parler aux médias, mais aussi sur ma belle-famille, restée dans l’Eglise. Ils sont finalement eux aussi partis récemment. Cette fois, c’est nous qui avons gagné.

« Rescapée de la Scientologie », de Jenna Miscavige Hill, Ed. Kero, 409 pages, 19,90 €.
source : LE PARISIEN