La question du financement était déjà centrale, ce lundi, lors de la première journée d’audience devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Onze membres de l’Eglise scientologique de Belgique, l’ASBL Eglise Scientologie Belgique et l’ASBL Eglise Scientologie Europe, sont poursuivis pour fraude, pratique illégale de la médecine, violation de la vie privée et extorsion. Ils sont également soupçonnés d’appartenir à une organisation criminelle.

C’est avec l’audition de l’ancienne trésorière de l’Eglise scientologique de Belgique, une bénévole qui a quitté le mouvement voici dix ans, que le procès a été amorcé. Celle qui gérait les comptes a expliqué que les revenus de l’Eglise se chiffraient à 5.000 euros par semaine et provenaient de la vente de supports (livres, vidéos…) ainsi que des cours tarifés. Une partie de ces revenus, 3.000 euros, servait à rétribuer les membres du staff. Une rémunération qui variait selon la position occupée au sein de l’Eglise et les statistiques de vente de matériel.

Par ailleurs, 3% de ces revenus étaient reversés à l’Eglise de scientologie d’Europe, basée à Copenhague, et 9,5 % allaient directement dans les caisses de la maison-mère, basée à Los Angeles. « Fiscalement, tout est légal », s’empresse de préciser l’ex-fidèle.

En « scientologais »

Autre source de financement, et non des moindres : les donations émises par les paroissiens, ou même les membres du personnel. Une pratique qui n’a rien d’exceptionnelle aux yeux de l’ex-bénévole. « C’est comme donner à Cap 48 mais à l’échelle mondiale », illustre-telle, laissant le président perplexe.

La trésorière avait accès gratuitement aux formations de l’Eglise. Elle a par ailleurs participé à plusieurs « auditions » destinées, comme on peut le lire sur le site web de l’Eglise, à « restaurer l’état d’être et les aptitudes ». « Ça m’a beaucoup soulagée, assure-t-elle, c’est comme aller voir le prêtre ou un ami. »

Un « pass » spiritualité qui ne l’a pas empêchée d’effectuer des versements pour un montant de 250 euros. Egalement membre de l’Eglise, son mari a quant à lui investi 10.000 euros pour acquérir le titre d’« auditeur professionnel ». «Mais la dette est aujourd’hui apurée », certifie-t-elle. Ce qui n’est pas le cas de tous les paroissiens.

« Et comment règle-t-on sa dette ? », interroge le président, pointant le cas d’un fidèle devant déjà s’acquitter d’une lourde créance et à qui l’Eglise a proposé un nouveau module de cours.

« Qu’entend-on par “maniement” ? », interroge-t-il à nouveau. « Je ne dispose pas de traduction français-scientologais, moi ». « Ça signifie juste trouver une solution à un problème, résoudre une situation… », précise, hésitante, l’ex-trésorière.

Et lorsque l’argent se fait attendre ? « Dans ces cas-là, j’en voyais une lettre de rappel mais la porte de l’Eglise restait toujours ouverte à ces personnes. » Outre des formations axées sur le développement personnel, l’Eglise de scientologie propose à ses fidèles un « programme de purification », sorte de cure que le paroissien se doit de suivre s’il veut un jour emprunter le « Pont vers la liberté totale ». Au programme : course à pied, compléments alimentaires et… séances de sauna. Le tout pour 1.000 à 2.000 euros, compléments alimentaires non compris.

Membre de la scientologie depuis 1989, Sylvie a elle aussi participé au programme de purification. « Ce qui est dommage dans cette affaire, c’est que les gens satisfaits, on ne les entend pas », confie celle qui est venue assister au procès de son Eglise. Cette ingénieure française revendique le droit de disposer de son argent sans avoir à rendre des comptes. « On tente par tous les moyens de démontrer qu’il y a escroquerie et on nous fait passer pour des lobotomisés. Or, si on a envie de dépenser 2.000 pour une cure, c’est notre droit. »

« En tout cas, il faut être riche pour être scientologue…», relèvera le président en fin d’audience.

LUDIVINE PONCIAU

Témoignage

« Je devais les ramener dans le droit chemin »

Il dit s’appeler Alex. Il est belge mais vit actuellement en Suisse. C’est cet éloignement géographique, précise-t-il, qui l’a dissuadé de se porter partie civile au procès. Et non d’éventuelles pressions. En 2007, Alex a travaillé comme « administrateur » durant trois mois au sein de l’Eglise de scientologie.

Un job qui devait lui rapporter 1.200 euros net par mois. « Mais je n’ai jamais reçu le moindre centime. On a abusé de ma confiance. » Pourquoi dès lors ne pas réclamer en justice les montants dus ? « Quand je travaillais au siège, j’ai vu passer des gens qui avaient l’air importants.

J’ai compris que c’était une grosse machine… et que ça ne servirait à rien de s’attaquer à eux. » Alex nous explique que son rôle en tant qu’administrateur était de convaincre les adeptes de s’investir surtout sur le plan financier. « C’était des gens qui essayaient de se désister. Qui, pour l’Eglise, n’étaient pas sur la bonne voie. Il fallait les convaincre de rester et de payer. » Certains fidèles investissaient jusqu’à 20.000 euros. « Mais il ne nous a jamais été demandé de leur forcer la main. Juste d’être très convaincant. »

L.PO

http://www.lesoir.be/1027063/article/actualite/belgique/2015-10-26/scientologie-sur-compte-foi (abonnés)