29 mai 2009

Julien (*) a été scientologue pendant une vingtaine d’années. Il a travaillé pour le mouvement aux États-Unis, forçant les adeptes à opter pour des services extrêmement onéreux. Pour lui, l’escroquerie est qualifiée.

Très jeune, Julien s’est rapproché de la Scientologie. «Je vivais un certain mal-être. J’y trouvais des oreilles attentives. Alors j’y suis resté.» Très vite, la Sea Org («Organisation maritime»), qui regroupe l’élite des scientologues lui proposera de s’installer aux États-Unis, où est née la Scientologie. Sa mission sera de convaincre les adeptes d’investir dans des programmes de développement personnel. «Il s’agissait de cours et d’auditions. Des cycles facturés de 300 à 6.000euros.»

{{Payé 50 euros la semaine}}

Pendant une quinzaine d’années, Julien vivra dans une bulle, travaillant de 8h à 22h, du lundi au samedi. «Nous étions logés et nourris. On nous versait 50 euros par semaine pour notre argent de poche.» Un bien maigre pécule comparé aux sommes colossales que peuvent collecter ces super-commerciaux de la «firme spirituelle». Sur dix mois, certains dépassaient allègrement le million de dollars. C’était le cas de Julien qui, tous les jours, participait à une réunion d’objectifs. «80% de nos contacts devaient déboucher sur un engagement ferme. C’était une énorme machine à fric. Pour arriver à nos fins, on poussait les adeptes à emprunter de l’argent auprès de leurs proches. Si ces derniers n’étaient pas assez fortunés, on les guidait pour l’obtention d’un prêt. Quitte à être présent le jour de la signature, à leurs côtés, à la banque.On étudiait de très près les théories les plus abouties de techniques commerciales.»

{{«Épreuves de sécurité»}}

Ceux qui résistaient à ce harcèlement faisaient les frais d’une manipulation mentale bien rôdée. On leur expliquait que leur être spirituel – en quelque sorte leur âme – serait altéré. Un choc quand on croit dur comme fer aux théories de Ron Hubbard, romancier de science-fiction et fondateur du mouvement. Fatigué, harassé, Julien a quitté la Scientologie après une brouille avec un supérieur hiérarchique. Avant de partir, on lui a fait subir des «vérifications de sécurité». Épreuves censées garantir à l’organisation que Julien ne lui nuirait pas. Il lui a aussi été notifié de ne pas rentrer en contact avec des scientologues. «Au début, j’étais perdu. Car c’est là que se trouvaient mes amis.» En France, il a complètement refait sa vie. «Je ne regrette pas une seconde. À présent je me rends compte combien j’ai pu être mentalement manipulé.» Régulièrement, il intervient sur des forums d’anciens scientologues. Sa seule hantise est d’être repéré par le «bureau des affaires spéciales», sorte de services secrets de l’association chargés notamment de faire pression sur les anciens adeptes qui seraient un peu trop bavards.

* Didier Déniel

* Notre interlocuteur a souhaité de pas apparaître sous sa véritable identité.

Le télégramme