07/04/2010

[http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/04/07/01016-20100407ARTFIG00357-sectes-ces-enfants-que-se-disputent-les-parents-.php->http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/04/07/01016-20100407ARTFIG00357-sectes-ces-enfants-que-se-disputent-les-parents-.php]

Angélique Négroni

{{Lorsqu’un père ou une mère tombe sous l’emprise d’un mouvement sectaire, le juge doit mesurer les risques encourus par leur enfant et organiser sa nouvelle vie.}}

Des enfants en danger au milieu de pratiques pourtant tout à fait légales: telle est la situation dans laquelle peuvent se trouver des mineurs lorsque l’un de leurs parents devient adepte d’un mouvement sectaire. Ces affaires délicates qui, en l’absence d’infraction pénale, échappent à la justice peuvent cependant arriver devant les juges à l’occasion d’une séparation du couple. L’un veut récupérer les enfants pour les libérer d’une emprise sectaire imposée par l’autre et frappe alors à la porte d’un tribunal.

Dans son rapport annuel rendu public mercredi, la Miviludes consacre un volet important à ces décisions de justice rendues par les juges aux affaires familiales (JAF.) Des dossiers qui en volume sont plus nombreux que les affaires pénales. En s’appuyant sur diverses décisions, Amélie Cladière, secrétaire générale de la Miviludes et elle-même magistrate, met en évidence les difficultés du juge. «Il ne doit pas se laisser enfermer dans un présupposé “secte=restrictions des droits parentaux”, comme l’y invitent souvent les conclusions des avocats», écrit-elle.

Le fil unique de la réflexion doit être l’intérêt de l’enfant et ses droits: sa santé physique et mentale, mais aussi ses droits au jeu, au repos et à une vie culturelle, comme l’énumère la convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France, le 7 août 1990. Un texte auquel il faudrait davantage recourir selon les spécialistes en soulignant que les décisions les plus diverses sont rendues dans ce domaine.

Ainsi en 2003, le TGI de Chambéry avait maintenu la résidence habituelle de l’enfant chez sa mère qui avait rejoint «une secte prônant l’abstention des soins et préconisant la thérapie par l’imposition des mains». Or les juges avaient relevé que cette femme faisait cependant suivre sa fille par un pédiatre et avaient instauré les limites suivantes: «interdiction la plus stricte d’emmener l’enfant au lieu de culte ou de réunion de la secte». Une situation quasi identique soumise à la cour d’appel de Rennes en 2007 s’était soldée par un changement de résidence de l’enfant. Le cas du refus de la transfusion sanguine défendu par divers mouvements est également édifiant: certains juges adoptent «un principe de précaution» et attribuent la résidence habituelle au parent n’adhérant pas à l’enseignement contesté, d’autres considèrent qu’un partage de l’autorité parentale est un garde-fou suffisant. Comment trancher face à un risque qui n’est qu’une simple éventualité? «Les magistrats sont demandeurs de plus de formation», souligne l’auteur du rapport.

{{Lien maternel privilégié}}

Mais pour nombre d’avocats spécialisés dans les dérives sectaires, les enquêteurs sociaux et experts devraient aussi être mieux informés. «Méconnaissant ce domaine, ils ne posent pas les bonnes questions et passent à côté des problèmes», souligne Me Line N’kaoua. «Dans neuf cas sur dix, ils rendent une décision favorable au parent adepte de la secte.» De son côté, Me Roselyne Duvouldy constate que, dans la plupart des cas, ce sont des femmes qui rejoignent des sectes. «En grande majorité les juges vont alors privilégier le lien maternel», déplore-t-elle. Des décisions qui, en grande majorité, selon elles, ne tiennent pas compte de l’intérêt de l’enfant.