Par Chantal VALLETTE

PARIS, 7 avr 2010 (AFP) – Néo-chamans et nutritionnistes fantaisistes sont au coeur du rapport annuel de Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui prévient mercredi des effets dévastateurs de ces pratiques en plein développement.

La Miviludes relève que ces nouveaux guides prospèrent au nom de l’épanouissement spirituel, du développement personnel et de la purification du corps et souligne les dangers de techniques mal maîtrisées qui peuvent entrainer emprise psychologique et rupture sociale, deux caractéristiques de la dérive sectaire.
“Les grands mouvements sectaires sont toujours présents, mais ils sont supplantés en partie par de petites structures qui se sont engouffrées sur le marché des psychothérapies alternatives”, a résumé le président de la Miviludes, Georges Fenech, lors d’une conférence de presse.
La Mission ne remet pas en cause le pouvoir du chaman traditionnel – “passeur” entre les esprits et les membres de son groupe – ni sa connaissance des plantes hallucinogènes locales.
Elle s’inquiète en revanche de l’action de gourous qui proposent le “voyage” sans avoir la maîtrise des techniques ancestrales, citant des cas de morts, de folie et de comas parmi des adeptes. Elle rappelle aussi que parmi les produits utilisés, l’iboga et l’ayalhuasca sont classés comme stupéfiants, que le datura et la “sauge des devins’ sont des hallucinogènes.

La Miviludes se penche aussi sur la nutrition, relevant les risques du jeûne excessif ou du régime exclusivement végétalien pour les enfants, de l’abandon des médecines classiques au profit de régimes censés guérir tous les maux, y compris le cancer, des stages associant le jeûne et la randonnée jusqu’à l’épuisement.
Elle propose de développer l’expertise scientifique des produits autour de la nutrition, régimes et compléments alimentaires (qui représente un marché de près d’un milliard d’euros par an) et de lutter contre les infractions au titre de l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie.

La Mission a également saisi le ministère de la Santé et le Conseil de l’Ordre des médecins du cas de la “faculté libre de médecine”, qui vient d’ouvrir à Paris, à propos du contenu de ses enseignements.
La Miviludes a enfin étudié la situation des mineurs face au risque sectaire, au sein de la famille ou dans la société. Elle consacre un chapitre aux droits de l’enfant face aux convictions de ses parents et au rôle du juge dans une situation de conflit, particulièrement en ce qui concerne l’attribution de l’autorité parentale au moment d’une séparation.

M. Fenech a salué les avancées réalisées en 2009: l’enquête sur l’éducation à domicile pour mieux identifier le risque sectaire (1.883 enfants n’ont aucun programme scolaire), la formation des magistrats aux dérives sectaires ou encore la règlementation du titre de psychothérapeute (loi du 21 juillet 2009).
Il s’est également félicité des directives du ministère du Travail pour lutter contre le travail dissimulé (nombre de sectes font travailler leurs adeptes sans salaire ni couverture sociale) et de la création par le ministère de l’Intérieur de la CAIMADES (Cellule d’assistance et d”intervention en matière de dérives sectaires).
M. Fenech avait indiqué en novembre dernier que les dérives sectaires – caractérisées par l’emprise morale et la coupure avec l’environnement d’origine – touchaient “500.000 de nos concitoyens, de manière directe ou par ricochet”.
Le rapport de la Miviludes est publié par la Documentation française et accessible sur internet (www.miviludes.gouv.fr)

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AFP 071330 AVR 10