{{Catherine Picard milite en France contre les dérives sectaires.Elle était à Villeneuve, samedi.}}

Présidente nationale de l’UNADEFI (*), Catherine Picard a évoqué le dossier des « reclus de Monflanquin » samedi à Villeneuve.

La Dépêche :Dans deux affaires en Lot-et-Garonne, des juges ont utilisé l’abus de faiblesse contenu dans la loi qui porte votre nom pour mettre en examen des gourous présumés. Enfin ?

Catherine Picard : Ce n’est pas la première fois que l’abus de faiblesse est employé dans une procédure judiciaire. Il faut rappeler que la loi date de 2001, et que dans toutes les affaires antérieures, la justice ne peut utiliser cet outil
[…] À cet égard, l’affaire de Monflanquin est un cas d’école, qui illustre parfaitement la manipulation mentale et l’abus de faiblesse par l’emprise effectuée sur des personnes vulnérables sans qu’on puisse le soupçonner. Personne n’aurait imaginé que des membres d’une même famille, socialement insérés, ayant un métier, puissent tomber dans le piège. Cela prouve que cela peut arriver à tout le monde mais aussi que cette affaire comme d’autres est liée à une escroquerie financière. Devait-on en arriver forcément à cette tentative de sauvetage de la famille à Oxford ? Je vais rappeler que c’est l’ADFI de Lot-et-Garonne qui, la première, signale les faits au procureur de la République de l’époque, en 2002. Si à cette époque, la justice se saisit du dossier, on n’en arrive pas là, à mon avis. Nous avons de notre côté rempli notre mission. Quand nous avons atteint les limites de nos compétences, nous avons transmis au Centre contre les manipulations mentales (CCMM). S’il n’y a pas cette fin de non-recevoir dès le début, l’affaire n’aurait certainement pas pris ce chemin. Mais je tire mon chapeau à Daniel Picotin (avocat bordelais dans le dossier, N.D.L.R.) qui a mis sur pied cette tentative d’exfiltration. Il a réussi à mettre le pied sur la fourmilière. Certes, cela a pris huit ans mais il faut savoir que la notion de temps dans ce genre de dossier dessert les victimes, mais sert l’instruction et l’enquête. En règle générale, il faut au moins quatre ans de procédure pour arriver à des fins judiciaires. Vous avez le sentiment que la lutte contre les dérives sectaires a les outils nécessaires ? « Nous avons dénoncé récemment ce manque mais aussi le désengagement de l’État dans ce domaine. Par exemple, la réforme des politiques publiques en cours de mise en place va radicalement changer la donne alors qu’aujourd’hui nous sommes réellement partenaires avec la jeunesse et les sports dans le domaine sectaire. Les escrocs, les gourous ont bien compris les failles du système. Il n’y a pas de ligne politique forte et, tout au contraire, depuis deux ans, on cherche justement à brouiller les cartes. Il n’est pas question de tomber dans un sectarisme qui serait, dans une République, pas meilleur que les dérives sectaires que nous dénonçons. Pour lutter contre, la prévention reste un axe essentiel. Le problème est qu’on ne parle que trop peu de ce sujet, sauf à ce que l’on retrouve un crucifié contre un mur. » Recueilli par Stéphane Bersauter (*) Défense de la famille et de l’individu, victimes des sectes.

{{Le dossier}}

Dans ce dossier des reclus de Monflanquin, 11 personnes de la famille Védrines se sont coupées du monde en 2001 dans leur propriété de Monflanquin puis sont parties en 2008 pour Oxford (lire nos précédentes éditions). Le 21 octobre, Thierry Tilly, un Français résidant à Oxford, suspecté d’avoir manipulé et ruiné cette famille, a été interpellé en Suisse dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen, puis mis en examen et incarcéré à Bordeaux pour escroqueries, abus de faiblesse, extorsion de fonds, séquestration avec actes de torture et barbarie. En 2008 puis en mars 2009, trois membres de la famille sont sortis de leur plein gré du groupe. Un quatrième, un jeune homme de 32 ans, a quitté l’Angleterre pour rejoindre la France à la mi-novembre. Ils ont tous porté plainte avec constitution de partie civile.

Publié le 30/11/2009 09:09 | LaDepeche.fr