Sectes : plus de 50 000 jeunes en danger

Sectes : 50 à 60 000 mineurs en danger La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a publié, un guide pour «La protection des mineurs contre les dérives sectaires». 50 000 à 60 000 enfants en sont les victimes en France, selon son président, Georges Fenech.

Au téléphone, Georges Fenech n’y va pas par quatre chemins. L’emprise sectaire sur les mineurs ? « C’est un drame national silencieux qui se passe sous nos yeux avec des enfants victimes de l’omerta et qui ne peuvent pas se plaindre. Comment voulez-vous parler aux autres, confier la maltraitance subie, à 7 ou 8 ans, lorsqu’en famille on vous rabâche quotidiennement que dehors, c’est « Satan » et que le « salut » n’est qu’à l’intérieur de la secte ? », interroge le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Constatant que « la société est restée aveugle durant des années », « mais aussi qu’il faut apprendre à voir ce qui ne se voit pas à l’œil nu, reconnaître l’enfant enfermé et retenu prisonnier dans un monde mental qui n’est pas le sien pour lui tendre la perche », la Miviludes a publié hier un guide pour « La protection des mineurs contres les dérives sectaires ». Car l’urgence est là : « entre 50 000 et 60 000 enfants sont victimes de dérives sectaires en France » se traduisant par des « maltraitances physiques ou morales », et « 5 000 de ces enfants vivent en milieu fermé, familial ou communautaire » insiste Georges Fenech.

Un quart des Français déjà approché par par une secte
Avec la multiplication des crises, « les mouvements sectaires trouvent aussi aujourd’hui un terreau très favorable pour leur développement et notamment les organisations apocalyptiques » constate le président de la Miviludes. Un retour en force de la pensée magique que sa mission évalue en chiffres : en 1995, la commission parlementaire anti-sectes avait recensé 172 mouvements, aujourd’hui « on est environ à 600 mouvements et pratiques».

De fait, un sondage Ipsos révélait en septembre dernier que 25 % des Français disaient avoir été approchés au moins une fois par une secte et 15 % connaissaient une victime de secte dans leur entourage. « Cela fait 15 millions de personnes dans le premier cas, 10 à 12 millions dans le second » résume M. Fenech.

Consacré aux professionnels de la protection de l’enfance, ce guide est « aussi destiné à tout un chacun, car il y a un devoir d’ingérence lorsqu’un mineur est en danger. »

C’est difficile à détecter
Simone Risch est vice-présidente du Centre contre les manipulations mentales Infosectes Midi-Pyrénées. Elle témoigne: «L’an passé, nous avons reçu plus de 500 sollicitations ou demandes d’information concernant des groupes ou pratiques sectaires, et, effectivement, on constate que de plus e n plus de mineurs sont touchés. Mais cela reste difficile à détecter chez les jeunes pour deux raisons majeures: soit parce que l’un ou les deux parents n’ont pas réalisé que leur enfant était sous emprise, soit parce que l’un ou les deux sont eux mêmes sous l’emprise d’une secte. L’autre problème, c’est la difficulté à chiffrer des groupes sectaires aujourd’hui très mouvants. Midi-Pyrénées est une région très exposéeet tous les départements sont touchés. L’Ariège, l’Aveyron et les Hautes-Pyrénées, plus particulièrement, mais également le Lot et la Haute-Garonne, milieu rural et milieu urbain confondus. Des groupes identifiés en Ariège ont aussi des connexions avec la Haute-Garonne et se déplacent.»

Les principaux dangers, aujourd’hui ?

«Il faut surveiller tout ce qui a trait aux pratiques «new age», où, sous couvert d’une alimentation particulière, par exemple, on a une “porte d’entrée” cachée pour un mouvement sectaire. Cela concerne aussi dans ce contexte, les «nouvelles médecines», le «néo-chamanisme», des pratiques non conventionnelles supposées apporter un rapide bien-être. Certaines organisations de «prévention de la toxicomanie» sont également des portes d’entrée, ainsi que certaines formations professionnelles axées sur la thématique du «développement personnel». Et puis il y a bien sûr toutes les psychothérapies déviantes pratiquées par des “thérapeutes”sans formation reconnue. Le guide de la Miviludes présente un intérêt certain, notamment pour les familles. Il ne s’agit pas d’affoler les citoyens mais que chacun comprenne que le problème est réel. Dans notre association, nous avons désormais un ancien magistrat, un médecin pédopsychiatre et une psychologue pour mieux l’évaluer.»

Le chiffre : 600
mouvements> sectaires. La France compte environ 600 mouvements ou pratiques sectaires aujourd’hui, contre 172 recensées en 1995.

Des dérives qui conduisent parfois aux assises
Octobre 2001. Devant la cour d’assises des Hautes-Pyrénées, Michel et Dagmar Ginoux, pathétiques face aux jurés, ne comprennent toujours pas… Malgré les prières du groupe et les décoctions maison, leur fils est mort. Fondamentalistes de la Bible appartenant au mouvement Tabitha’s Place et vivant près de Pau, ils récusaient la médecine moderne. Ils seront condamnés à 12 ans de réclusion criminelle pour « privation d’aliments et de soins ayant entraîné la mort » de leur enfant, âgé de 19 mois. Le petit Raphaël souffrait d’une malformation cardiaque non soignée et de rachitisme. Une simple intervention l’aurait sauvé…

Dernière affaire en date, à présent ? Celle du gourou de l’Ariège. Robert Lé Dinh, 51 ans, a été condamné, le 18 septembre dernier, par la cour d’assises de l’Ariège à 15 ans de réclusion pour viols et abus de faiblesses. Celui qui se présentait comme le Troisième Messie, a vécu pendant 25 ans de 1984 à 2009, d’abord en Lot-et-Garonne, puis en Ariège à partir de 2004, sans travailler, toujours entouré d’une vingtaine de fidèles. Ceux-ci suivaient son enseignement religieux, étaient mariés entre eux au sein du groupe, y ont eu des enfants et lui payaient une dîme grâce à des professions honorables telles que greffier ou militaire. Robert Lé Dinh, dit Tang ( photo ci-dessous) usait du droit de cuissage sur la quasi totalité des femmes du groupe. Il sera rejugé en appel à Toulouse.

Infosectes Midi-Pyrénées CCMM: 05 61 61 02 97.