La députée Laurence Vanceunebrock-Mialon (LREM) a annoncé mercredi 10 juillet l’ouverture d’une mission d’information visant à interdire les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, par la Commission des lois de l’Assemblée nationale.

«J’ai simulé des convulsions lors de leur prière de délivrance pour que tout cela cesse. Pour eux, j’étais possédé par le démon de l’homosexualité». Kailey se souvient avec horreur de la thérapie de conversion à laquelle il a été soumis. En France, la modification forcée de la sexualité ou de l’identité de genre n’est pas interdite. Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée La République en marche (LREM) de l’Allier, travaille depuis plus d’un an à l’écriture d’une proposition de loi visant à mettre fin à ces pratiques.

En mars 2018, le Parlement européen a adopté un texte non contraignant appelant les États à les interdire. Depuis, seul Malte a légiféré. Des discussions sont en cours au Royaume-Uni ou en Espagne. Outre-Rhin, le ministre allemand de la Santé a annoncé le mois dernier vouloir présenter d’ici à la fin de l’année un projet de loi en ce sens. «Je suis pour une interdiction de ces thérapies. Parce que l’homosexualité n’est pas une maladie et n’a donc pas besoin de thérapie», a expliqué le ministre conservateur, Jens Spahn.

Des pratiques diverses

Contrairement aux États-Unis, où les structures d’accueil sont nombreuses (camps, cliniques, centres thérapeutiques spécialisés), en France la pratique se veut plus «insidieuse», selon différentes associations LGBT. «Il n’existe – à notre connaissance – pas de lieux spécifiques affichant publiquement leur volonté de déshomosexualiser. Comme toujours, cela se passe sous couvert d’une structure religieuse et toujours en catimini», dénonce Mehdi Aifa, de l’Amicale des jeunes du Refuge.

Kailey, issu d’une famille protestante, a souffert durant près de cinq ans de ce traitement que lui ont imposé ses parents après avoir découvert ses débuts d’attirance envers les garçons, à ses 7 ans.

«On m’a mis nu et plusieurs personnes se sont mises à prier en me jetant du sel dessus»

Kailey, victime d’une thérapie de conversion

«À partir de ce jour, on m’a obligé à aller à l’église tous les dimanches et à me rendre à des veillées de prières le vendredi soir de 23h à 6h du matin. Ça a duré jusqu’à mes 10 ans», raconte-t-il. Ne voyant aucune évolution dans la sexualité de Kailey, les pasteurs décident d’employer d’autres moyens. Le garçon se retrouve dans l’obligation de jeûner pendant plusieurs jours, tout en recevant des prières de «délivrance». À ses 12 ans, Kailey vit l’un des épisodes les plus marquants de sa thérapie: «Un jour, j’ai été emmené à l’église, on m’a mis nu et plusieurs personnes se sont mises à prier en me jetant du sel dessus».

Des méthodes relevant de l’exorcisme. Un traumatisme. Pendant ses années de conversion, il avoue s’être senti comme «le vilain canard de la famille, celui qui ne comprend pas pourquoi il n’est pas comme les autres». Une fois sa thérapie terminée, ses parents le croyant «guéri», l’adolescent entre dans une double vie, fréquentant des filles devant ses proches. À 24 ans, Kailey assume désormais son homosexualité.

Emprise psychologique

L’expérience de Kailey n’est cependant pas celle de tous. En France, il faut prendre ces actes au cas par cas, tant les formes de thérapie de conversion varient. Deux associations catholiques, Courage et Torrent de vie, sont les plus connues en la matière. Anthony Favier, coprésident de l’association chrétienne et LGBT David et Jonathan, raconte le fonctionnement de cette dernière: «Des sessions sont régulièrement organisées en Ardèche. Le programme est bien rodé: temps d’enseignement, chants et prières et intervention de repentis». Une forme comparable à celle des Alcooliques anonymes, pour personne homosexuelle venant parler de guérison. Anthony Favier pointe «l’emprise psychologique sur des personnes en situation de vulnérabilité. Pour nous il y a une altération du jugement. C’est l’antichambre du sectaire».

Le phénomène touche aussi l’islam, note Medhi Aifa. Selon lui, c’est sous «un courant islamique radical» que certains prédicateurs agissent. On peut retrouver sur certains blogs comme mahdyibnsalah des conseils pour se délivrer de cette «abomination». Un prédicateur français est également allé jusqu’à publier une vidéo intitulée: «Le fléau de l’homosexualité chez les musulmans cours b1», depuis retirée.

Une proposition de loi très attendue

Preuve d’une attente de la communauté LGBT sur la question, une pétition a été lancée et a déjà récolté plus de 90.000 signatures. C’est d’ailleurs l’instigateur de celle-ci qui a interpellé Laurence Vanceunebrock-Mialon, qui a alors accepté de se saisir du dossier. Elle regrette de la part du grand public et des députés la «méconnaissance» de ces pratiques et se dit être dans un «travail de pédagogie» pour alerter sur le sujet.

Pour la députée, c’est aussi la responsabilité des parents qui doit être scrutée. Si elle concède qu’un accompagnement dans la sexualité de l’enfant est possible, il ne doit en aucun cas être forcé. Cette proposition de loi a donc vocation à envisager des poursuites envers les familles qui chercheraient à modifier la sexualité ou l’identité de genre d’un individu. Questionnée sur l’existence des associations comme Courage et Torrent de vie, la députée se dit prête à interdire leur existence voire de les «dissoudre».

Si la vision des Français sur l’homosexualité a largement évolué ces dernières années, Kailey assure que depuis la médiatisation de son histoire sur YouTube, de très nombreuses victimes se rapprochent de lui pour lui demander des conseils. En ce sens, Anthony Favier déplore «l’inexistence d’une association d’aide aux victimes dédiée à cette pratique».

 

source :

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/sexualite-genre-les-therapies-de-conversion-bientot-interdites-en-france-20190710

 

  • Mis à jour le 10/07/2019 à 17:05