Une multitude d’organisations évangélistes, surtout américaines, opère secrètement au Maroc, dans les régions déshéritées ainsi que dans les grandes villes. Face au silence de l’Etat, les églises officielles pourraient également passer à la charge.
Le Christianisme représente-t-il une réelle menace pour la société marocaine? La réponse n’est pas du tout évidente. Certes, le nombre de Marocains convertis au Christianisme ne dépasserait guère les 1.000 personnes, selon les chiffres les plus optimistes avancés par certains missionnaires à la suite de quelques "visites d’observations" effectuées au Maroc et relatées sur des sites Internet. Toutefois, toujours selon les mêmes sources, ce chiffre a quasiment triplé en l’espace de cinq ans environ. Et justement, là est le problème.
En fait, le prosélytisme chrétien n’est pas pratiqué par les Eglises dites "classiques" installées de manière officielle au Maroc. Celles-ci se sont imposé, depuis longtemps, une retenue vis-à-vis de la question du prosélytisme. Et c’est ainsi que des missionnaires clandestins ont pu investir en toute facilité le Maroc. Les canaux sont nombreux, mais pratiquement tous les réseaux passent par l’Amérique du Nord et l’Europe, notamment la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et
Une organisation comme "Arab World Ministries", présente dans plusieurs pays d’Europe et connue en France sous le nom de "Mena", a pour objet "l’annonce de
Régulièrement, cette organisation lance des appels pour recruter des adeptes qui seront par la suite envoyés dans des pays arabes, au Maroc notamment, sous la couverture d’un médecin, une sage-femme, un enseignant, un ingénieur ou encore un entrepreneur.
Ces "envoyés spéciaux" auront la mission de prêcher la "bonne parole et grossir les rangs des fils de Dieu". Ils témoignent ainsi de leur foi, font preuve d’une compétence professionnelle irréprochable, et sont capables d’une intégration sans faille.
Voilà ce que leur organisation leur demande: "Nous cherchons, avec l’aide de Dieu, à atteindre les Musulmans du monde arabe là où on peut les trouver, par l’envoi d’hommes et de femmes consacrés qui renoncent à eux-mêmes, pour encourager les églises autochtones et en établir de nouvelles, là où elles n’existent pas".
Pour un engagement à long terme, les organisations évangélistes exigent des "candidats" une bonne formation théologique, une connaissance soutenue des préceptes de l’Islam et si possible une expérience professionnelle "valorisable" dans un pays arabe. La connaissance de l’anglais est également une exigence, car quasiment tous les canaux de prosélytisme sont directement ou indirectement rattachés à l’Amérique du Nord, et spécialement les Etats-Unis. Les missionnaires sont souvent des professeurs universitaires rattachés à de prestigieux établissements nord-américains, souvent d’obédience baptiste. Cette dernière étant une doctrine religieuse protestante qui compte actuellement surtout dans les pays de langues germaniques quelque 30 millions de fidèles.
Au Maroc, les baptistes semblent être spécialement intéressés par l’Université Al Akhawayn où certains étudiants se seraient déjà convertis. Le programme d’échanges d’étudiants avec cette dernière concerne plusieurs universités proches du mouvement baptiste. C’est le cas de
L’évangélisation du Maroc passe donc par le savoir. Mais pas seulement. En fait, Ifrane est, aux yeux des évangélistes, on ne peut plus "stratégique". C’est une ville non seulement touristique (une couverture pour les missionnaires), mais elle est également à la frontière entre les villages déshérités de l’Atlas et ceux du Rif central. L’organisation "People Team", également installée aux Etats-Unis et présente dans les quatre coins du monde, un programme spécial a été mis sur pied, en 2000, pour les populations Jeballas. "People Team", tout en demandant aux fidèles de "prier pour les 1,2 million de Jeballas du Maroc", appellent les âmes charitables à financer dans les villes et villages concernés une "petite station radio, la construction d’églises, l’achat de Bible…".
Cette organisation qui a envoyé des missionnaires pour "l’évaluation des besoins des Jeballas" a estimé que ces derniers pratiquaient un "Folk Islam", c’est-à-dire un Islam folklorique, sans aucune base ni réelle croyance. Ces Jeballas sont donc facilement "christianisable".
Cela réussit vraisemblablement à merveille, puisque les témoignages de Marocains ayant "retrouvé la voie de Dieu" sont légion (voir article ci-contre). Certes, il n’est jamais possible de vérifier la véracité de tel ou tel témoignage mais comme dit le proverbe : Il n’y a pas de fumée sans feu.
Dans un orphelinat à Aïn Leuh (Le Village de l’Espérance), géré par des Américains et qui accueille souvent des bébés abandonnés ou illégitimes. Sans minimiser le volume d’amour et de tendresse que les responsables de cet orphelinat donnent aux enfants, voilà, tout de même quelques-uns des objectifs tracés par ces mêmes responsables:
"Satisfaire les besoins des enfants sous notre garde en leur démontrant quotidiennement la puissance et l’amour de Dieu et les former adéquatement afin qu’ils puissent retenir les valeurs enseignées qui émanent des Saintes Ecritures et de la culture marocaine".
En somme, ils veulent en faire des citoyens marocains honnêtes et chrétiens. L’un des enfants recueillis, Daoud, témoigne: "J’ai deux ans et demi et je suis capable de dire pas mal de mots maintenant. J’aime chanter Alléluia avec les autres". Un autre, Adam rajoute: "Je serais toujours le grand garçon de mes parents (ndlr: parents adoptifs venus des Etats-Unis, des Pas-Bas, du Brésil, de l’Afrique du Sud…). J’aime aussi chanter… " mon cœur est dans la joie parce que je marche avec Dieu… ".
Le tout au vu et au su des autorités marocaines. En février
Interrogé au sujet de toutes ces questions, le ministre des Affaires islamiques et des Habous, Ahmed Toufiq, s’est refusé à tout commentaire. En tout cas, à chaque fois qu’il parle à un responsable chrétien, ses propos font immédiatement le tour de tous les évangélistes.Un forum de discussion à repris les paroles du pasteur Jean-Luc Blanc, représentant de l’Eglise évangélique au Maroc: "Si nous nous sommes toujours interdit toute forme de prosélytisme, il est cependant douloureux de devoir refuser d’accueillir les Marocains qui le souhaiteraient dans nos Eglises". Le pasteur J.L. Blanc avait eu l’occasion de l’aborder, en novembre 2002, lors d’une rencontre, organisée par l’intermédiaire de l’ambassade de France, avec certains conseillers et ministres: "Notre position n’a pas changé, insiste le pasteur français.
En continuant d’interdire aux Marocains d’aller vers nous (c’est-à-dire les églises historiques officielles), on risque de voir ces mêmes Marocains se tourner vers les missionnaires fondamentalistes, les gourous délirants, les sectes de tous bords." Le ministre des Affaires religieuses, Ahmed Toufiq, n’aurait " pas été insensible" à l’argument, assure-t-il. Devant le silence du ministre, on ne peut prendre ses déclarations que comme argent comptant.