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15 avril 2009 –

A la clinique Lukas, à Arlesheim, dans le canton de Bâle, la médecine anthroposophique est proposée en complément à la médecine traditionnelle. On y soigne le cancer en utilisant à la fois des médicaments classiques et des thérapies artistiques ou à base de gui.
Gai, coloré et ne fleurant nullement l’hôpital. A la clinique Lukas, à Arlesheim, l’accueil des patients et des visiteurs est empreint de la philosophie des lieux. Une philosophie qui place l’être humain au centre.

Ici, ce sont les médecins qui vont voir les patients, et pas le contraire. «Le médecin passe quand le patient est disponible et disposé», indique l’infirmier-chef Christoph von Dach.

«Je sais que le cancer continuera de me préoccuper même après mon séjour de trois semaines à la clinique Lukas. Mais je suis contente d’avoir pu apprendre à utiliser des instruments que je pourrai appliquer par la suite dans mon quotidien», témoigne madame B. dans une salle consacrée à la thérapie par la parole.

«Grâce à la thérapie par la parole, je suis désormais conscience que la voix est aussi un instrument. Jusqu’ici, ma voix, ma parole n’avaient qu’un effet externe. Aujourd’hui, elles commencent à agir à l’intérieur de moi-même», ajoute cette patiente.

«Le cancer du sein est l’une des formes de cancer les plus fréquentes pour les femmes. Or il présente un taux de rechute parmi les plus élevés. Il faut donc que j’intègre ce diagnostic à ma vie de tous les jours afin qu’il n’y ait pas de rechute. Contrairement à la médecine classique, ici, on ne met pas l’accent sur la maladie, mais sur le processus de guérison.»

En complément aux traitements offerts par la médecine scientifique, comme par exemple la chimiothérapie, la clinique Lukas propose en effet diverses formes de thérapies artistiques, telles la thérapie par la parole, par la peinture, par la musique ou encore la thérapie par la lumière.

{{Le juste milieu}}

«Pour moi, cela a aussi affaire avec devenir plus entier, plus sain. Cela ne se produit pas seulement au niveau du corps en prenant des médicaments, mais cela passe aussi par les thérapies et les relations avec les thérapeutes», indique madame S., qui, après avoir effectué un séjour de trois semaines à Arlesheim, y revient deux jours par mois en ambulatoire.

«Avant cela, j’ai fréquenté plusieurs cliniques et ai été soignée par de très bons médecins. Mais pour la première fois, j’ai ici la sensation d’être vue comme une jeune femme, comme un être humain.»

«Les gens viennent ici parce qu’ils ont entendu dire que les possibilités thérapeutiques sont plus étendues. Mais ils ne savent pas exactement de quoi il est question lorsqu’ils sont invités à suivre une thérapie par le mouvement ou par la peinture», précise de son côté le docteur Hans-Richard Heiligtag.

Et de poursuivre: «il est souvent possible de vivre bien et longtemps avec une maladie, pour autant que la qualité de vie y contribue. Il ne s’agit pas de dire ‘soit on vous guérit, soit c’est sans espoir’. Il faut trouver le juste milieu.»

Depuis plusieurs dizaines d’années, le docteur Heiligtag soigne des patients atteints du cancer qui, d’après les statistiques et la vision médicale scientifique, ne devrait plus être en vie depuis longtemps. «Avec l’aide de diverses thérapies, cela va en fait plutôt bien. La maladie reste stable et la qualité de vie est maintenue», affirme-t-il.

{{Repas en commun}}

A la clinique Lukas, l’alimentation revêt également une importance particulière. «Dans la mesure du possible, nous utilisons des légumes et des fruits de saison cultivés dans la région selon les principes bio-dynamiques», fait valoir Christoph von Dach.

Normalement, les patients ne prennent pas les repas de midi et du soir dans leur chambre. Ils se rencontrent tous dans une salle de repas et mangent ensemble. Chacun se sert de ce dont il a envie dans des plats disposés sur les tables.

«Après une chimiothérapie, ce système de se réunir pour manger peut jouer un rôle. Il arrive par exemple que les patients n’aient plus envie de manger de certains aliments, comme par exemple de la salade», relève l’infirmer-chef.

Ce que confirme madame S.: «J’ai beaucoup apprécié de manger avec les autres». Pour elle, il était très important de ne pas parler maladie à table. «Si cela avait été le cas, j’aurais préféré manger seule dans ma chambre. De cette manière en revanche, on était simplement ensemble, même si on était lié entre nous par un même diagnostic. Il y avait une ambiance qui faisait davantage penser à un hôtel et aux vacances qu’à une clinique.»

{{Efficacité controversée}}

«La thérapie à base de gui joue un rôle essentiel à la clinique Lukas», souligne pour sa part Jürgen Johannes Kuehn, médecin interniste actif depuis 25 ans à la fois en médecine ambulatoire et dans la recherche clinique. «Avec la thérapie complémentaire à l’Iscador [une préparation à base de jus de gui fermenté, ndlr.], nous pouvons atténuer les effets collatéraux de la chimio et de la radiothérapie.»

L’objectif est là encore l’amélioration de la qualité de vie des patients. «Si cela est possible, nous intervenons avant que ces thérapies ne soient entreprises. De cette manière, nous parvenons à contenir les effets secondaires et à les éliminer plus rapidement à la fin de la thérapie.»

Quant à la question controversée de l’efficacité scientifique des médecines complémentaires sur laquelle leurs adversaires les attaquent souvent, le docteur Kuehn est catégorique. «Il ne s’agit pas seulement d’une belle théorie. Nous savons que l’affaiblissement de la moelle osseuse et du système immunitaire a une influence sur le développement de la maladie», insiste-t-il. Et de préciser que le renforcement du système immunitaire est également travaillé à la clinique bâloise.

«Grâce à la thérapie à base de gui, nous pouvons dans la plupart des cas augmenter le nombre et l’activité des lymphocytes [cellules qui font partie des globules blancs, ndlr.] et ainsi, avec l’aide d’anticorps, contribuer à la destruction des cellules infectées», exemplifie-t-il.

swissinfo, Etienne Strebel

(Traduction de l’allemand: Carole Wälti)