Nous ne reprendrons pas l’ensemble de ces événements qui ont émaillé l’Anjou depuis début 2013, la presse s’en est déjà fait l’écho. Un mot sur quelques autres un peu moins connus, pour aborder ensuite ce qui semble se dessiner à assez court terme dans la ville du bon roi René.

Il existe bien de fortes proximités entre les bataillons angevins de La Manif pour tous et le Front National comme on a pu le voir dans les soirées des veilleurs. Comme preuve récente, il y a cette charte familiale que cette organisation avait proposée à la signature de tous les candidats aux élections municipales de 2014. Sur les 495 candidats d’Angers, seuls 18 ont signés, dont 17 de la liste du Front National.


Revenons aussi sur un autre incident peu connu, qui a fait suite à l’assassinat en juin de l’an passé de Clément Méric, étudiant parisien et militant antifasciste. Face au choc de ce drame, des étudiants du campus de la fac de droit, économie et gestion décidèrent de peindre une fresque à sa mémoire. Le Président de l’Université d’Angers la fit recouvrir de peinture grise, puis face aux réactions estudiantines fit son mea culpa leur adressant un courrier d’excuses, mais la fresque avait bel et bien disparu.

La Manif pour tous, l’affaire de la banane, l’Arbre de la Laïcité scié à trois reprises, les incidents se multiplient. La Ligue des droits de l’Homme 49 (LDH 49) par son appel à manifester le 11 novembre 2013 sur les marches du palais de justice et dans les rues d’Angers (25 organisations soutenant l’appel et 3000 personnes) sut cristalliser une vive réaction citoyenne.

Un autre virage a été pris avec la venue de M. Tugdual Derville, invité par la paroisse de la cathédrale d’Angers et le diocèse, via son service Société et cultures, à donner une conférence sur « l’Ecologie humaine » devant un amphi rempli, à la Catho le 18 février dernier.

{{TugdaI Derville, et l’Evêché}}

Tugdual Derville n’est pas un inconnu pour certains angevins, délégué général d’Alliance Vita, l’une des principales associations organisatrices du mouvement La Manif pour tous. Association qui fait un travail de fond, et forme à un nouvel intégrisme moral. Ainsi début 2014, le diocèse d’Angers a assuré la logistique des réunions pour l’« Université de la vie – Cycle déformation » dispensées par Alliance Vita, avec des thèmes prompts à élever le débat : « Maternité, grossesse, IVG : questions et enjeux » , « Les dérives dans les pays ayant légalisé l’euthanasie » , « Qu’est-ce que la dignité humaine ? », « Une enquête sur la diffusion du genre en école… », etc. On ne sera donc pas étonné d’avoir vu éclater, peu après, la controverse entourant la diffusion du film Tomboy pour les élèves des écoles adhérentes à « École et Cinéma » (dont les écoles privées confessionnelles d’Angers).

L’Écologie humaine, c’est quoi ? C’est un concept récemment inventé par Tugdual Derville lui-même, qui, en mars 2013, le présentait ainsi au journal La Croix : « Nous estimons que le moment est venu, pour l’humanité, de préciser ce qui fait l’essence de l’homme comme patrimoine à protéger aujourd’hui pour le transmettre aux générations futures. ». Une sorte d’écologie sans chlorophylle, mais visiblement bien définie. Cette écologie brunâtre repose sur une juxtaposition d’ «alvéoles », structures de base qui doivent se multiplier pour donner corps à ce mouvement.


À juste titre, lors de cette conférence, des étudiants « estimaient qu’il s’agissait d’implanter un véritable mouvement à Angers, avec recrutement d’adhérents ». Le questionnement d’étudiants laïcs présents dans la salle, conduira à leur expulsion musclée et un dépôt de plainte de leur part pour coups et blessures. Cependant, M. Derville n’aura pas la possibilité de lancer son appel pourtant préalablement annoncé sur le site internet du diocèse: « Le rendez vous de ce 18 février avec Tugdual Derville doit permettre de susciter à Angers une ou plusieurs « alvéoles », groupe de travail pour participer à cette réflexion qui doit déboucher sur un rassemblement fin 2014 pour asseoir le courant dans l’opinion ».

Interviewé par Ouest-France, dans son édition du 1er mars, Mgr Delmas, évêque d’Angers, répond à l’émoi suscité par l’usuel double langage en pareille circonstance : «Nous ne l’avons pas vu venir. Tugdual Derville est connu et reconnu pour parler de l’écologie humaine qui s’enracine très profondément dans l’enseignement de l’Église catholique. ». Une tradition ancienne inventée il y a un an… Et de répondre à la question du journaliste « Que pensez-vous du dernier sondage qui montre des catholiques plutôt progressistes : 90% pour l’IVG; 54% pour le droit au mariage pour les couples homosexuels ; 50 % pour le droit à l’adoption pour les couples homosexuels ; 87 % pour le mariage des prêtres… », par :« Il ne faut pas y accorder une valeur scientifique. C’est ce que pensent, à un instant t les catholiques. C’est tellement mystérieux, complexe, profond, la réalité que nous vivons, les souhaits et les désirs que nous portons. Cela ne m’inquiète pas. Il faut l’entendre et c’est à partir de là qu’il faut parler, approfondir, évangéliser. Nous sommes tous en chemin. »

Le message est clair, Mgr Delmas entend haut, mais entend surtout faire changer les positions et points de vue des catholiques angevins.

Comment ? Attardons nous un instant sur la nébuleuse animée par M. Tugdual Derville, que l’on retrouve au carrefour de nombres d’associations aux noms évocateurs : Alliance Vita, SOS fin de vie, Faut pas pousser (contre l’euthanasie), Mon secret (recueil de témoignages sur les difficultés de vie), Je suis enceinte, et d’autres encore; dont Un De Nous qui remet en cause le droit à l’avortement et sur laquelle nous allons revenir.

Il n’est sans doute pas inintéressant de rappeler le parcours de M. Tugdual Derville. C’est un fidèle de longue date des rencontres organisées par la communauté controversée de l’Emmanuel, à Paray le Monial. Lieu où s’est tenue en novembre dernier une discrète rencontre des « Chrétiens engagés en politique » réunissant toutes les têtes de réseaux opposés au mariage homosexuel dont Christine Boutin, Christian Vanneste ou encore Bruno Gollnisch…

Des convictions familiales aussi, puisque son frère Guillaume Derville, est le Directeur spirituel de la prélature de l’Opus Deià Rome. Cette proximité d’idées s’est d’ailleurs récemment manifestée à Paris au lycée Gerson, lycée catholique sous contrat public, dont la directrice membre de l’Opus Dei a autorisé Alliance Vita à donner plusieurs conférences. Une élève rapporte au journal Le Parisien les propos tenus à ces occasions: «Une fille, par exemple, qui prend la pilule du lendemain, ne sait pas s’il y a fécondation. Elle est donc considérée comme «semi-meurtrière». En revanche, une fille qui avorte commet un «homicide volontaire»». Le Ministre de l’Éducation nationale a ordonné une inspection pour dérive intégriste.
{{
De l’intégrisme religieux aux dérives sectaires}}
Côté congrégations à dérives sectaires Tugdual Derville se pose là. Très proche des Légionnaires du Christ, rempart de la papauté contre l’expansion des chrétiens évangélistes en Amérique latine, ce mouvement est tout autant connu pour les multiples scandales de pédophilie qui émaillent son histoire depuis sa création dans les années 40. En février dernier la question de sa dissolution était posée, mais curieusement le Pape François, qui par ailleurs annonce à grand renfort de communication vouloir éradiquer la pédophilie de l’Eglise catholique, les a absous. Mais peut-être a-t-il certains intérêts à préserver cette congrégation de choc ?

Tugdual Derville connaît bien ce mouvement, notamment sa branche financière : laFondation Guilé en Suisse, où il est intervenu à plusieurs reprises auprès de décideurs, et a co-rédigé l’ouvrage édité par la fondation « Les enjeux de la démographie européenne ». La Fondation Guilé n’hésitant pas, par ailleurs, à relayer aussi les positions de la Fondation Lejeune, diverticule avéré de l’Opus Dei,farouchement opposé à l’avortement.

Plus inquiétant, M. Derville, qui réside en Vendée, côtoie également la branche italienne du mouvement sectaire fascisant Tradition Famille Propriété (TFP), Alleanza Cattolica. TFP, mouvement largement dénoncé par les services de l’État français, et dirigé en Italie par Massimo Introvigne, qui est également responsable du puissant lobby pro-sectaire international, le « Centre d’études des nouvelles religions » ou CESNUR1. C’est ainsi que M. Derville participait en octobre dernier, aux côtés de M. Introvigne, à un colloque de TFP – Allenza Cattolica, en Italie.

Ce colloque était aussi l’occasion de faire un point sur la « dynamique » du mouvement européen « Un De Nous », animé dans l’hexagone par Caroline Roux également d’Alliance Vita, et dont le but est de faire revenir les états sur le droit à l’avortement. L’Espagne ouvre la marche. En France, la première étape visée est d’en obtenir son déremboursement. « Un De Nous » comptait s’inviter aux débats de la campagne européenne, mais l’actualité en aura décidé autrement.


La Nouvelle Acropole, autre mouvement sectaire fascisant originaire d’Argentine, constituant avec TFP l’un des principaux piliers du CESNUR, recommande aussi la lecture des écrits de M. Tugdual Derville…

{{M. Introvigne à l’université d’Angers}}Revenons sur Massimo Introvigne, lobbyiste pro-sectaire notoire, qui s’est notamment illustré en France et ailleurs, par ses interventions systématiques en faveur des sectes traduites en justice : Témoins de Jéhovah, Scientologie, Ordre du Temple solaire, etc.

Au moment où la mouvance révisionniste se développait dans l’hexagone, Lyon accueillait, en avril 1992, « Le défi magique «, un colloque co-organisé par l’Université Lyon 2 et… le CESNUR de Massimo Introvigne. Il fallut ensuite des années pour que la couleur négationniste des Universités lyonnaises s’estompe quelque peu…

Massimo Introvigne n’est pas un inconnu à Angers. En effet, l’Université d’Angers, conjointement avec l’Association Française d’Etudes Américaines (AFEA) accueillait un bien curieux congrès du 23 au 25 mai 2013, intitulé « Religion et spiritualité ». On aurait plutôt imaginé voir un tel événement porté par la Catho, mais il s’agissait bien de l’Université.

L’AFEA est une importante association d’échanges franco-américains, qui s’intéresse, entre choses, aux religions. Un regard sur le programme permet d’y découvrir la présence de nombreux idéologues pro-sectaires, et non des moindres…

Bien sûr M. Introvigne était de la partie, ainsi que cinq autres membres de son officine, le CESNUR, pour y parler des « Nouveaux mouvements religieux: de la Theosophie au New Âge ».


Nous n’avons pas ici la place pour détailler qui sont ces très étonnants intervenants, comme par exemple M. Derickebourgvenu présenter aux étudiants angevins « La cosmogénèse dans les Ecrits de Lafayette Ron Hubbard, fondateur de la Scientologie et la cosmo-genèse dans la Theosophie de Madame Blavatksy » !


Quelques mots sur M. Gordon Melton sont nécessaires. Avec M. Introvigne, M. Melton a co-dirigé la rédaction d’un livre qui allait tacler le premier rapport parlementaire français abordant en 1996 le problème sectaire. Patron de l’Institute for the Study of American Religion, pendant américain du CESNUR, il est l’auteur d’un important ouvrage retraçant toute l’histoire de la Scientologie. A l’instar d’Introvigne, il est de tous les procès et plateaux de télé pour défendre ce mouvement.

Parmi ses très nombreux faits d’armes, en 1995, peu après l’attentat au gaz sarin du métro de Tokyo perpétré par la secte AUM, qui fit 13 morts et des milliers de blessés, Gordon Melton se rendit au Japon pour y organiser des manifestations afin d’obtenir, en vain, la libération des auteurs de ces crimes…

On est en droit de se demander ce qu’est venu faire un tel aréopage d’idéologues pro-sectaires à l’Université d’Angers, en mai de l’an passé ?

Intégrisme religieux et censures culturelles

Par ailleurs, demeurent aussi des interrogations sur les promiscuités entre ésotérisme, milieux fascisants et le diocèse d’Angers.

Depuis peu, on observe aussi une montée en puissance en Pays de la Loire d’une certaine intolérance… musicale. C’est ainsi que le mouvement intégriste TFP a saisi le maire de Clisson pour tenter, en vain, de faire annuler le Hellfest, festival de musique rock, deuxième en France pour sa fréquentation après celui des Vieilles Charrues.Dans la foulée, le curé de Corzé en lien avec le diocèse d’Angers a interdit que soit joué dans son église le Galop Infernal d’Offenbach, qui figurait au répertoire du concert de printemps de la Lyre Jarzéenne !


L’Église Catholique n’est pas la seule à connaître actuellement des mouvements de traverse et certaines mouvances proches de l’Islam, liées aux relais français des Frères musulmans et du Soufisme, se font également remarquer à Angers. Mais cela fera peut-être l’objet d’un autre article.


La Ligue des droits de l’homme du Maine et Loire appelle, les lecteurs l’Anjou Laïque et plus largement les militants et les citoyens, à la vigilance contre les débordements des franges religieuses extrémistes

Groupe de réflexion de la LDH 49

Source : L’Anjou Laïque, Journal de la Fédération des Oeuvres Laïques du Maine et Loire, n°109, juillet – 2014, 30 juin 2014
relayé par le CIPPAD