Ils suspectent l’Eglise de pressions sur les familles.

GUILLAUME DASQUIÉ

mardi 9 septembre 2008

Une note des Renseignements généraux du 22 mai 2008, dont Libération a obtenu une copie, révèle que l’Église de scientologie n’hésite pas à se livrer à des pratiques douteuses pour réduire au silence les proches d’une adepte, Gloria Lopez. Le 21 décembre 2006, cette mère de 47 ans s’est suicidée, debout, bras écartés et souriante, sur les rails de la gare de Colombes. Les policiers des RG estiment que sa famille «a fait l’objet de procédures de déstabilisation de la part du mouvement qui tente encore actuellement de se soustraire à la justice».

Surveillance. Dans leur note de trois pages, transmise au cabinet de la ministre de l’Intérieur, ils affirment : «Immédiatement après le drame, Alain Tizioli, responsable des relations publiques de l’Église de scientologie, a pris contact avec la famille de Gloria Lopez afin de leur proposer de l’argent contre la promesse écrite de ne pas engager de poursuites judiciaires contre le mouvement. Un avocat de l’Église a effectué une démarche identique auprès du notaire chargé de la succession. Devant le refus de la famille, diverses actions dilatoires ont été mises en œuvre par la scientologie.» Les actions en question ont été consignées dans une gendarmerie ; les procès-verbaux décrivent des opérations de surveillance dignes de barbouzes.

un ex-scientologue, nommé dans la note des RG, a officié au sein du quartier général de l’organisation, rue Legendre à Paris. Mais il s’est mis au vert. Nous l’avons retrouvé dans le Lot, à Rocamadour, où il gère actuellement une entreprise hôtelière. Il confirme l’existence de discussions entre lui et les enfants de Gloria Lopez. Pour lui : « C’est son fils qui a contacté l’Eglise. Et puisqu’il avait effectué cette démarche, nous on a juste proposé de rembourser les cours que Mme Lopez avait payés, mais qu’elle n’avait jamais suivis» (du fait de son décès). Et de préciser : «L’Église de scientologie est une des rares entités à rembourser quelqu’un si une personne n’est pas contente de ses services.» Pascal Leberre, père des deux enfants et ex-mari de Gloria Lopez (le couple était divorcé), considère qu’il existe un lien direct et évident entre l’implication de son ex-femme dans l’Église de scientologie et son suicide. Il accuse l’organisation d’avoir exploité sa détresse psychique à des fins mercantiles. Pour lui, «l’escroquerie n’est pas uniquement financière, elle est aussi morale» – des éléments comptables retrouvés par ses enfants évalueraient les dons et achats de Gloria Lopez à la scientologie à 200 000 euros. Pour l’heure, les autorités semblent rechigner à ouvrir une enquête préliminaire dans ce dossier. Sa famille pourrait se constituer partie civile dans les prochains jours.

Test. La note des RG rappelle qu’une autre famille est confrontée à une situation similaire. Une étudiante d’origine norvégienne, Kaja Gunnar Ballo, s’est défenestrée à Nice, le 28 mars 2008. Pour les agents français : «Dans sa chambre se trouvait, à côté d’une lettre d’adieu à ses parents, un test de personnalité utilisé par l’Église de scientologie dont elle avait reçu les résultats et l’analyse le jour même et qui la présentait comme une personne au quotient intellectuel très limité avec des problèmes de sociabilité et d’humeur.» A Nice, le procureur Eric de Mongolfier a décidé d’ouvrir une enquête judiciaire.

Libération