Alerte aux sectes en ces temps de crise
En Suisse comme ailleurs, le paysage religieux se transforme et les Eglises traditionnelles perdent du terrain au profit de nouveaux mouvements spirituels. Un constat fait début juillet à Genève à l’occasion d’une conférence internationale d’études sur les cultes.
La globalisation est certainement un facteur favorisant l’émergence de nouveaux groupes religieux. De même, la crise économique pourrait participer à ce phénomène, car beaucoup de gens sont à la recherche de croyances qui pourraient les aider à trouver des solutions à leurs problèmes.

Un nombre croissant de personnes en Suisse se montrent concernées par la progression de l’islam, mais les chercheurs, eux, mettent en garde contre les dangers méconnus de nouvelles sectes et cultes.

Selon les experts, la Suisse compte environ 1000 nouveaux groupes ésotériques, chrétiens ou de nouvelles religions, qui sont actifs parallèlement aux Eglises officielles. Et environ 200 d’entre eux posent problème en raison de leurs méthodes de recrutement et de fonctionnement.

«La diversité est peut-être le caractère le plus marquant de la situation qui prévaut en ce moment en Suisse dans ce domaine», déclare Brigitte Knobel, directrice du Centre intercantonal d’information sur les croyances, basé à Genève.

«La globalisation facilite la libre circulation des croyances, comme n’importe quel bien de consommation, a-t-elle expliqué en marge de la conférence de l’Association internationale d’études sur les cultes, au début juillet à Genève. L’autre explication de cette diversité relève du fait que les gens se sentent plus libres pour se choisir une religion sur mesure.»

Il n’existe pas de statistiques dans ce domaine et le dernier recensement de 2000 ne fournit de chiffres qu’en ce qui concerne les religions officielles de Suisse.

Mais les experts estiment que le nombre de nouveaux groupes spirituels tend à augmenter, en même temps que les demandes d’information, que ce soit de la part de personnes préoccupées du sort d’un membre de leur famille qui aurait rejoint une secte ou de gens soucieux de se renseigner avant de rejoindre un groupe religieux.

Un climat de peur
Hugo Stamm, journaliste au Tages Anzeiger, auteur de recherches et d’articles sur les sectes et les cultes de ces trente dernières années, est considéré comme l’un des meilleurs experts en la matière. «La crise économique et la grippe porcine contribuent à l’actuelle montée en force des sectes et autres cultes, lesquels exploitent la peur», a-t-il récemment écrit. Et d’ajouter pour swissinfo.ch qu’il est actuellement plus sollicité que d’habitude par le public, avec une vingtaine de téléphones ou de mails par semaine.

Georg Schmid, ancien pasteur de l’Eglise réformée, dirige Relinfo, un centre d’information sur les religions, les Eglises et les sectes. Lui aussi a observé une légère augmentation des demandes d’information ces derniers temps, soit environ 200 par mois.

Selon ce dernier, de plus en plus de petits groupes se constituent, souvent autour d’un chef spirituel ou d’un guérisseur. «Ces derniers, à la fois ésotériques et chrétiens, sont très tendance en ce moment. Quiconque est en mesure de soigner est considéré comme un juste.»

Exploiter la faiblesse d’autrui
Le besoin d’aide peut être si fort que certaines personnes perdent tout jugement, affirme l’ancien pasteur. «Il ne reste qu’à exploiter leur faiblesse. Les gens en difficulté sont prêts à entendre n’importe quel message religieux.» Les plus vulnérables sont les jeunes adultes, les adultes en crise de milieu de vie et les personnes âgées, précise-t-il.

«J’ai eu une longue conversation avec une femme très rationnelle qui avait rencontré un homme – disons que c’est le gourou d’une secte – qui dégageait du charme et l’impression qu’il pouvait résoudre n’importe quel problème. Elle-même n’avait pas de gros problèmes mais, ayant atteint l’âge mûr, elle avait l’impression de ne pas avoir encore trouvé sa voie», raconte Georg Schmid.

«Le gourou est arrivé tout auréolé d’amour et de compréhension, au point que cette femme plutôt critique est tombée sous sa coupe pendant un ou deux ans. Résultat: il l’a maltraitée, volée et exploitée», poursuit-il.

Dangers bien réels
Nos deux experts sont convaincus que beaucoup de gens sous-estiment les dangers représentés par les sectes et autres cultes, notamment parce que ces groupes adoptent un profil bas sur la scène médiatique.

Georg Schmid cite l’exemple de la scientologie. Selon lui, cette secte pratiquait dans le passé une tactique agressive qui consistait à distribuer des brochures et à encourager les passants à acheter ses livres ou à se soumettre à un test de personnalité. Ces procédés controversés ont été dénoncés à maintes reprises dans les journaux.

«Actuellement, ils offrent leur aide, explique l’ancien pasteur. Par exemple, ils ont un stand à la Bahnhofstrasse de Zurich, avec une petite tente dans laquelle ils proposent des massages. Ils se montrent désormais très amicaux et c’est ce qui rend les choses difficiles.»

«Mais sur le fond, la scientologie n’a pas changé pour autant, poursuit-il. Son but est toujours de soutirer de l’argent. Dès que vous êtes membre, vous perdez votre liberté. Les jeunes ne se rendent plus compte des dangers.»

Jürg Stettler, porte-parole de l’Eglise de scientologie, répond que sa religion est injustement critiquée. «Toute Eglise rencontre des difficultés à ses débuts. Ainsi, il y a cent cinquante ans, l’Armée du Salut était considérée comme la secte la plus dangereuse de Suisse et était en butte à une énorme hostilité.»

«Beaucoup de ce qui s’est dit sur nous est tout simplement faux, biaisé ou mal interprété. Je dirais que, parfois, c’est de la pure mauvaise foi. Certaines personnes tentent de donner une image négative de nous», conclut le porte-parole.

De son côté, Georg Schmid remarque qu’en Suisse, on ne parle des sectes qu’en cas de gros problème. «Le nombre de demandes d’information augmenterait de manière dramatique en cas de nouveau drame. Ce que bien sûr, nous ne souhaitons pas.»

En Suisse, le dernier drame majeur survenu au sein d’un culte remonte à quinze ans, lorsque 48 adeptes de l’Ordre du temple solaire ont été trouvés morts. Les victimes, dont la majorité avait été abattue par balle, comptaient plusieurs enfants.

Morven McLean, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

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DÉFINITIONS
Secte: un ensemble de personnes partageant une même doctrine philosophique, religieuse, etc. soit un groupe plus ou moins important de fidèles qui se sont détachés d’une Église officielle (hérésie) pour créer leur propre doctrine. Devenu négatif, ce terme désigne un groupe dont les croyances ou le comportement sont jugés obscurs ou malveillants par la société. (Wikipédia)

«Groupes religieux qui endoctrine des adeptes en promettant la liberté de conscience, alors qu’ils imposent un mode de vie. Toutes les religions ont des caractéristiques sectaires, chacune se donnant pour le seul chemin vers le paradis. On compte près d’un million de groupes religieux dans le monde et chacun pense détenir la seule vérité.» (Hugo Stamm)

Culte: ensemble de pratiques d’hommage ou de vénération rendu par un groupe à une divinité, un être vivant mythique ou réel, à un objet.

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LA RELIGION EN SUISSE
L’article 15 de la Constitution fédérale garantit la liberté de foi et de conscience tandis que le Code pénal interdit toute forme de discrimination religieuse contre une personne ou une religion.

Religions issues du recensement de 2000:
Catholiques: 41,8%
Protestants: 35,3%
Musulmans: 4,3%
Orthodoxes: 1,8%
Sans religion: 11,1%
Groupes de moins de 1% de la population: Vieux Catholiques et autres groupes chrétiens, boudhistes, hindous et juifs (4,3% sans réponse).

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LIENS
International Cultic Studies Association (ICSA, en anglais) (http://www.icsahome.com)
Relinfo (en allemand) (http://www.relinfo.ch/index/start.html)
Centre intercantonal d’information sur les croyances (http://www.cic-info.ch/webquick/Pages/accueil)