Cour de cassation

Chambre commerciale

13 Janvier 2009

Rejet N° 08-10.193

Inédit

{{Association Sukyo Mahikari France

Le Chef des Services Fiscaux Chargé de la Direction nationale des Vérifications de Situations fiscales}}

Mme Favre (président), Président
SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard, Avocat

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

{{LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :}}

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2007), que la vérification de la comptabilité de l’association Sukyo Mahikari France (l’association) a fait apparaître que cette dernière bénéficiait de dons manuels ; que l’administration fiscale les a soumis aux droits d’enregistrement au taux de 60 % par notification du 13 octobre 1999 ; que le 29 juillet 2002, l’association a fait assigner le directeur des services fiscaux aux fins de faire annuler la décision de rejet de sa réclamation ;

{{Sur le premier moyen :}}

Attendu que l’association fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande d’annulation des rappels de droits d’enregistrement auxquels elle a été soumise par avis de mise en recouvrement du 7 février 2001, alors, selon le moyen, que l’administration fiscale ne peut procéder à une vérification de comptabilité qu’à l’égard des contribuables astreints à tenir et à présenter une comptabilité pour la détermination de leur bénéfice imposable ; qu’une association n’est astreinte à tenir une comptabilité que si son activité est lucrative ; qu’il résulte des propres mentions de l’arrêt attaqué que l’administration fiscale, à l’issue du contrôle dont l’association a fait l’objet, n’a pas conclu au caractère lucratif de son activité ; qu’il s’ensuit que la vérification de comptabilité entreprise à son encontre était irrégulière nonobstant le fait que l’administration ait pu disposer avant l’engagement de son contrôle, d’indices sérieux selon lesquels l’activité de l’association était susceptible d’entraîner son assujettissement à l’impôt sur les sociétés et à la TVA ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 13 et L. 14 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu que l’article 13 du livre des procédures fiscales ouvre à l’administration fiscale le pouvoir de vérification de la comptabilité d’une association dès lors qu’elle dispose d’indices sérieux selon lesquels l’activité exercée est susceptible d’entraîner l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l’impôt sur les sociétés ; que l’article 14 du livre des procédures fiscales ouvre également un pouvoir de contrôle sur les documents comptables détenus par les organismes et institutions qui n’ont pas la qualité de commerçant et qui paient des salaires, honoraires ou rémunérations de toutes natures ; que l’arrêt relève qu’il résulte des pièces et documents du dossier de la société LH France SARL que l’association Sukyo Mahikari était susceptible d’agir dans l’intérêt de celle-ci dans laquelle ses dirigeants pouvaient avoir directement ou indirectement des intérêts, qu’elle lui fournissait des débouchés ou une activité complémentaire de nature à caractériser une collusion d’intérêts entre les deux structures comme la vente d’objets cultuels par la société LH à la seule association qui en supporte le surcoût, l’emploi par la société LH de salariés imposés par l’association auprès de laquelle ils sont détachés pour l’enseignement de la discipline dans les divers dojos, tout en gérant directement ce personnel et en refacturant, moyennant une marge, ces prestations de services qui constituent son activité principale ; qu’il constate l’existence d’un patrimoine immobilier appartenant à l’association ainsi que l’identité de personnes entre le gérant de la société LH et le président de l’association, celui-ci figurant toujours comme gérant statutaire de la société malgré sa démission le 2 mai 1995 ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a justifié sa décision, peu important le caractère non lucratif de l’activité de l’association et sa sujétion ou non au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée ou de l’impôt sur les sociétés, lequel est sans incidence sur la validité des présomptions et indices sérieux recueillis avant l’engagement de la vérification ; que le moyen n’est pas fondé ;

{{Et sur le second moyen :}}

Attendu que l’association fait le même grief, alors, selon le moyen, que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; que ce droit implique la liberté pour une association cultuelle de manifester sa religion ; que cette liberté ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ainsi que des droits et libertés individuels ; que l’imposition des dons consentis à ce type d’association au taux de 60 % constitue une restriction à la liberté de manifester et de développer sa religion en raison du caractère excessif de la taxation, restriction qui n’est pas rendue nécessaire par la sécurité publique, la protection de l’ordre, de la santé et de la morale publiques, des droits et libertés individuels ; qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué que l’association a pour objet la pratique d’une religion, que cet objet n’a pas été remis en cause ; que son caractère non lucratif a été reconnu ; qu’en rejetant sa demande en annulation des droits de mutation auxquels l’ensemble de ses dons a été assujetti, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 9 de la convention ;

Mais attendu que l’arrêt retient justement que les lois de 1905 et 1901 assurent à l’association le bénéfice de la liberté de conscience individuelle, de la liberté d’expression des convictions religieuses et de la liberté de réunion et d’association, et par motifs adoptés, que l’association ne contestait pas ne pas avoir fait l’objet d’une reconnaissance en tant qu’association cultuelle par l’autorité administrative compétente, ce qui lui aurait permis d’être exonérée des droits auxquels elle a été assujettie ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :

{{REJETTE le pourvoi ;

Condamne l’association Sukyo Mahikari France aux dépens ;}}