“J’en ai encore un qui est décédé cette nuit, c’est l’horreur.” Entre deux rendez-vous avec des familles, Doumia Bouzar prend le temps d’évoquer son quotidien. Depuis janvier dernier, cette ancienne éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse s’est en effet entretenue avec plus de 120 familles dont les enfants mineurs sont partis faire le djihad en Syrie. Autant de situations de détresse dont elle se fait la porte-parole dans “Ils cherchent le paradis, ils ont trouvé l’enfer”.*

Un livre qui permet de comprendre l’ampleur d’un phénomène en pleine recrudescence : après Assia, cette collégienne de 15 ans rattrapée samedi à Marseille, on apprenait mercredi que onze membres d’une même famille originaire de Nice seraient partis faire “la guerre sainte”. Au total, un millier de Français sont actuellement impliqués, selon Manuel Valls.

“Ils recrutent sur Internet”

Premier enseignement de l’ouvrage : toutes les couches sociales semblent concernées par ce phénomène, ruraux comme citadins. Des musulmans, mais aussi des laïcs et des convertis (21% selon le ministère de l’Intérieur), parfois même des familles juives. Difficile d’établir un profil type, même si tous ont un point commun : “Ce sont tous des jeunes généreux, qui veulent faire des métiers altruistes. Surtout les filles qui veulent améliorer le monde, lutter contre les injustices”, témoigne Doumia Bouzar.

Des adolescents embrigadés par des filières mises en place un peu partout sur le territoire pour acheminer en Syrie ces apprentis djihadistes. “C’est très bien organisé : ils recrutent sur Internet les jeunes qui au départ veulent faire de l’humanitaire. Il y a des rabatteurs, des chasseurs de tête”, poursuit celle qui, en avril dernier, a co-fondé le Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam (CPDSI). Depuis, Doumia Bouzar a “le nez dans le guidon” et accueille à un rythme endiablé ces “parents orphelins.”

“Ils survivent grâce à leur solidarité”

“Ils nous disent : mon enfant est là sans être là, il est là mais ce n’est plus lui. Ils ont l’impression qu’il devient un robot, qu’il n’est plus lui-même.” Des obstacles surmontés grâce à l’entraide, omniprésente entre ces couples. On découvre ainsi l’histoire de Sophie et Philippe, partis à la frontière turque pour retrouver d’autres parents à la recherche de leur fille. “Ils survivent grâce à leur solidarité, leur lutte commune. Et ceux qui sont parvenus à “désendoctriner” leurs enfants par téléphone n’ont qu’une idée : aller là-bas pour chercher leur progéniture.”

Fin avril, un numéro vert a été mis à la disposition de ces familles afin qu’elles puissent prévenir les services de police de leurs doutes, d’un départ ou d’un départ imminent. Près de 449 signalements “pertinents” ont été enregistrés au 3 octobre – dont 109 mineurs et 197 femmes – selon le ministère de l’Intérieur, et ont permis d’éviter 69 départs pour la Syrie. Mais d’autres ados djihadistes parviennent à passer à travers les mailles du filet, au grand dam de Dounia Bouzar. “J’ai trois nouvelles gamines à sauver tous les trois jours, je n’ai aucun recul.”

source : http://www.metronews.fr/info/syrie-ils-cherchent-le-paradis-ils-ont-trouve-l-enfer-le-livre-choc-de-dounia-bouzar-sur-les-francais-djihadistes-en-syrie/mnjh!yveAwJ29TQVKU/

EN SAVOIR +

>> Les mineurs peuvent-ils quitter la France sans autorisation ?
>> Les bonnes feuilles du livre de Dounia Bouzar

*Ils cherchent le paradis, ils ont trouvé l’enfer paraît aux Editions de l’Atelier le 09 octobre
16 euros, 176 pages.