Tony DuShane a longtemps cru à l’Armageddon. Jusqu’à ses 20 ans, il s’est préparé pour la fin du monde qui allait arriver indéniablement, d’un moment à l’autre. Enfant, on lui apprit à considérer les autres gamins de sa classe comme de pauvres créatures, condamnées à périr sous peu. Tandis que lui et ses camarades Témoins de Jéhovah seraient sauvés et vivraient éternellement. Comme il l’écrit dans son roman autobiographique,Confessions of a Teenage Jesus Jerk, sa vie aurait pu se poursuivre ainsi s’il n’avait découvert le sexe opposé et surtout… le rock.

{{Des traumatismes d’adolescence}}

Barbichette, T-shirt noir, lunettes élégantes et regard posé, cet homme d’une quarantaine d’années n’a de prime abord rien du survivant échappé de l’asile de fous de Jéhovah qu’il fut. Journaliste estimé, il contribue désormais à des publications comme The Believer ou The San Francisco Chronicle et a son émission de radio, Drinks with Tony. Dès qu’il commence à raconter ce qu’il a vécu, pourtant, son propos s’emballe. Les traumatismes de son adolescence sont encore là, à fleur de peau. Il évoque, outre la messe quotidienne, l’humiliation d’aller frapper aux portes pour convertir. Son isolement à l’école, où il ne peut saluer le drapeau ni suivre certaines classes (l’Eglise lui dit de ne pas croire ses professeurs, ces menteurs, destinés comme tous les païens à mourir bientôt). S’il a une érection, il doit s’en confesser à ses aînés, au risque d’être excommunié. Quant à la masturbation, elle “mène à l’homosexualité”.

Confessions of a Teenage Jesus Jerk est le récit tragique, mais aussi très comique, des aventures de cet adolescent dont la vie est un enfer. Un livre flippant mais passionnant, sur une secte parmi les plus dangereuses au monde (qui compta parmi ses membres, rappelle l’auteur, Michael Jackson ou encore Prince). Au fil des pages, on rencontre les membres de sa communauté de “témoins” – sa mère qui dort seize heures par jour ou son père qu’il retrouve dans le coma, à force de s’être fracassé la tête contre le mur. Et son meilleur ami, qui se suicide à 14 ans, quand il découvre que tout cela n’est que supercheries et charlatanisme.

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Une passion pour le rock tendance hard}}

Heureusement, il y a l’oncle Jeff, qui a joué de la basse dans le groupe de Santana et lui donne des conseils de drague plutôt foireux. Et puis, un soir, il découvre sur la bande FM l’émission Maximum Rock’n’Roll. “J’ai d’abord cru que c’était une radio satanique, mais ça me faisait tellement de bien.”Ainsi naît sa passion pour le rock tendance hard, metal ou punk local (Social Distortion, Suicidal Tendencies, etc.), qui va le libérer du joug de Jéhovah. En cachette, il concocte des cassettes pour sa petite amie.“L’Eglise nous disait : ‘Tu peux écouter Borderline de Madonna, mais pasDa Ya Think I’m Sexy? de Rod Stewart.’ C’était laisser le diable entrer dans ta maison.”

Comme son livre, Tony DuShane est un type touchant, sincère et drôle. Du genre qui, ayant reçu un tas de critiques dithyrambiques sur son bouquin, commence la liste de celles-ci par ce commentaire, trouvé sur Amazon :“Mon neveu m’a dit que c’était un bon roman. Il y avait des moments intéressants, mais j’ai trouvé cela vulgaire et déplaisant.”

Celui qui a quitté les Témoins tard, après ses parents, avoue être toujours hanté par ce passé. Ses deux dernières ex sont, d’ailleurs, elles aussi rescapées de sectes (mormons et Eglise du Nazaréen). La seconde est romancière et strippeuse. On espère que ses Confessions seront bientôt disponibles en français.

{{Livre Confessions of a Teenage Jesus Jerk (Soft Skull Press), 224 pages, environ 12 €, en anglais}}

source :
http://www.lesinrocks.com/wp-content/thumbnails/uploads/2015/01/tonydushane4-10-tt-width-600-height-402-bgcolor-000000.jpg

http://www.lesinrocks.com/2015/01/18/musique/tony-dushane-une-vie-sauvee-par-le-rocknroll-11547827/