Dès son installation par Ségolène Neuville, le 7 juillet, le tout nouveau Haut Conseil du travail social – qui remplace le Conseil supérieur du travail social – a pu se pencher sur un sujet plus que délicat, sans doute l’un des plus sensibles du secteur social après la question récurrente du secret professionnel. Michel Thierry – inspecteur général des affaires sociales – a en effet remis son rapport “Valeurs républicaines, laïcité et prévention des dérives radicales dans le champ du travail social”, commandé par Marisol Touraine et Ségolène Neuville quelques jours après les attentats de novembre 2015.

{{Valeurs de la République : idéal et réalités}}

Ce document synthétique d’une trentaine de pages aborde successivement les trois thèmes évoqués dans son titre. Sur les valeurs de la République, le rapport rejoint certains thèmes développés quelques jours plus tôt par Ségolène Neuville (voir notre article ci-contre du 6 juillet 2016), et notamment la question du tiraillement entre des travailleurs sociaux “profondément républicains” et le contexte dans lequel ils interviennent, “de plus en plus marqué par des intolérances politiques et religieuses, et dans un climat de scepticisme généralisé par rapport à la chose publique, voire de rejet”.
Pour mieux incarner les valeurs républicaines dans la formation et l’exercice du travail social – “sans verser dans une catéchèse républicaine qui aurait toutes chances d’être contre-productive” -, la réponse ne peut être que globale, bien au-delà du seul champ social. Elle passe notamment par la lutte contre les discriminations, la promotion de l’égalité hommes/femmes (avec un “rôle crucial” des professionnels de la petite enfance), le développement d’une “pédagogie du social et de la solidarité”, ou encore l’engagement citoyen et le lien social contre les communautarismes.

{{Laïcité : le choix de la formation}}

Sur la laïcité, le rapport estime que cette dernière et le travail social, au service du vivre-ensemble, “partagent les mêmes finalités : liberté de conscience et respect de l’autonomie des personnes, égalité des droits de tous, intérêt général comme raison ultime de la loi commune”.
Un exercice laïc du travail social doit toutefois, relever plusieurs défis : instrumentalisation de la laïcité, conflit entre l’exigence de laïcité et le principe d’empathie, nécessité de garder le contact, même dans des situations difficiles. L’irruption du religieux dans une société largement sécularisée peut ainsi se révéler très perturbante, même si “la situation ne doit pas être dramatisée”.
En tout état de cause, la réponse passe par diverses pistes tournant essentiellement autour de la formation : module obligatoire de formation sur la laïcité pour les travailleurs sociaux, formation à une approche anthropologique du fait religieux, sensibilisation et diffusion de l’information par le biais de différents outils (comme la “charte de la laïcité” de la Cnaf), mise en place de référents compétents et d’espaces de dialogue…

{{Radicalisation : de la prévention au signalement}}

Enfin, sur la prévention des dérives radicales, le rapport constate que le travail social joue “un rôle de prévention très précoce auprès des très jeunes enfants et de leurs familles”. Dans les quartiers qui peuvent basculer, “il faut rechercher avec les intéressés des modes d’action collective pouvant recréer un sentiment d’appartenance et la volonté de faire des projets, en s’appuyant sur les familles prêtes à coopérer sur des enjeux de scolarisation et d’insertion des enfants, travailler aussi sur les images et les représentations, pour recréer l’estime de soi”.
Le rapport évoque également la “lutte contre le complotisme”, qui passe par des actions multiformes et multimédia de sensibilisation et d’animation auprès des jeunes, portant tout autant sur les sujets politiques qui les intéressent que sur les loisirs, la création et la convivialité. Au plan individuel, le contact avec la famille et l’entourage est primordial.
Enfin, “lorsque le danger est avéré et qu’il n’y a plus d’alternative éducative réaliste, il peut être nécessaire de procéder à un signalement, aux instances locales ou nationales, dans des conditions qui supposent collégialité et aval hiérarchique”. Les partenariats actuels avec les forces de sécurité s’exercent toutefois surtout en matière de suivi social (post signalement). Ils sont d’ailleurs “utiles aux familles et positivement ressentis”. Mais, comme le dit le rapport avec un certain sens de la litote, “toutes les cellules préfectorales n’ont pas encore une gamme très diversifiée de partenaires du champ de l’action sociale”…

source :
Jean-Noël Escudié / PCA
http://www.localtis.info/cs/ContentServer?pagename=Localtis/LOCActu/ArticleActualite&jid=1250271114466&cid=1250271108689
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Edition du 13/07/2016