• C’est une affaire peu banale qui a été jugée au tribunal de Narbonne
    C’est une affaire peu banale qui a été jugée au tribunal de Narbonne – Ph.L.
 Un transsexuel a été condamné hier à 5 ans de prison pour agression sexuelle et extorsion de fonds sur un jeune homme de 18 ans sur lequel il a exercé une emprise mentale.

«Je est un autre.» Le célèbre vers d’Arthur Rimbaud aurait pu sous-titrer vendredi le procès d’un Narbonnais de 30 ans qui devait répondre d’agression sexuelle et d’extorsion de fonds avec violence sur un Coursannais de 18 ans. Entre altérité et identité, la personnalité complexe du prévenu a été au centre des débats.

Un prévenu qui a changé de sexe et dont son avocat Me Blandine Ponrrouch évoque un violent combat interne. «Xavier a fini par prendre le dessus sur Jenifer mais ce trouble du genre et de l’identité a toujours été là. Et ses désordres, il les plaque sur les autres.» Face au puzzle de cette personnalité -dont les experts psychiatriques disent «qu’elle vampirise les personnes avec qui elle est»– ce sont les désirs qui font désordres.

Du 10 novembre 2016 au 9 décembre 2016, Philippe entame une relation étroite avec un jeune Coursannais rencontré pendant l’été chez des amis. Me Philippe Calvet, avocat de la partie civile, décrit «une emprise mentale et physique» sur son client qui se trouve en «état de sidération devant quelqu’un qui est deux, qui n’est pas tout à fait un». «ll y avait une contrainte morale. Il n’a pas pu dire non.» Non aux relations sexuelles, non aux demandes de retrait d’argent (300 € par jour).

Sans nouvelle et voyant le compte en banque diminuer, la sœur du jeune homme, inquiète, préviendra la police qui fera le rapprochement avec une affaire identique mais qui n’avait pas connu de suite judiciaire. Les policiers se rendent au domicile de Philippe et trouvent le jeune homme, le visage tuméfié, «avec une fracture complexe des os propres du nez, nécessitant 10 jours d’ITT» souligne Me Philippe Calvet. «Pourquoi cette violence?» a demandé le procureur Carole Combres. « Il m’a poussé à bout, m’a insulté à propos de ma transsexualité. Moi aussi je suis fragile.»

Même l’expert s’est senti manipulé

Au cours de son instruction, Magali Issad, la présidente du tribunal correctionnel, est revenue sur une relation toxique. «Vous commencez par dire qu’il est comme votre fils, que vous voulez l’adopter et ensuite vous avez des relations sexuelles avec lui. Vous dites aussi devant le juge d’instruction qu’il vous a violé. Puis maintenant vous dites que non, qu’il vous a dit je t’aime. Vous avez aussi appelé sa sœur en vous faisant passer pour un avocat pour qu’il récupère un héritage.» Et la magistrate de rappeler que Philippe a déjà usurpé l’identité d’un enfant mort-né après s’être débrouillé pour convaincre la mère, qu’il s’est aussi fait passer pour un fonctionnaire de police.

Pour Me Philippe Calvet, «cette personnalité fait froid dans le dos, elle ne s’entoure que de gens faibles pour en profiter financièrement, mentalement et sexuellement».

2 ans de prison ferme requis par le procureur

Le procureur Carole Combres parle d’une personne «qui a compris qu’elle avait quelque chose à gratter au niveau de l’héritage du jeune homme, élevé par sa sœur après le décès de son père et qui était peut-être un peu sévère, un jeune homme qui se cherche, en quête d’affection.» «Et vous l’avez manipulé pour le garder chez vous. Vous manipulez toujours pour arriver à vos fins, comme quand vous dîtes à cette barre que vous avez été victime d’un viol psychologique. Même l’expert s’est senti manipulé.»

L’avocat du prévenu, Me Blandine Ponrouch a reconnu être en présence d’un dossier «borderline», «à la limite du judiciaire et du psychologique, de l’homme et de la femme, du réel et de l’imaginaire, du consenti et de la contrainte.» Mais pour elle, seules les violences physiques tombent sous le coup de la loi. Pour le reste, ce n’est pas le cas. «Il y a des échanges de textos où ils évoquent l’envie de vivre ensemble dans une volonté d’indépendance du jeune homme.» Les retraits d’argent: «Il y en a eu avant leur vie commune.» Les relations sexuelles: «Elles ne sont pas contraintes. Il y a eu du désir. Le jeune homme le dit. On ne peut pas avoir une érection de force. Peut-être que pour lui, d’avoir été attiré par un homme qui était une femme, cela a été difficile de le reconnaître devant sa sœur.» Elle a demandé la relaxe pour l’agression sexuelle et l’extorsion de fonds.

Le procureur avait requis 4 ans de prison, avec mandat de dépôt, dont 2 ans avec sursis mis à l’épreuve pendant 3 ans.

Le tribunal a condamné Philippe à 5 ans de prison ferme, avec mandat de dépôt, assorti d’un suivi socio-judiciaire et une obligation de soins. 4000€ pour le préjudice moral et 3720€ pour le préjudice matériel. Le prévenu a déjà fait 16 mois de détention préventive qui viendront en déduction de la peine prononcée.

Christophe Parra
l’independant.fr