Après s’être longtemps refusé à intervenir sur le terrain des croyances ou convictions, les pouvoirs publics sont désormais résolus à jouer la carte de la « déradicalisation ». Depuis la mise en place du numéro vert en avril 2014, la Place Beauvau chiffre – sur une échelle de 1 à 4 – le niveau de radicalisation de chaque individu qui lui est signalé.

Les cas les plus préoccupants sont placés sous surveillance ou orientés vers la justice. Certains font même l’objet d’une hospitalisation d’office. Tous les autres cas sont aiguillés vers une association spécialisée dans le suivi sociopsychologique.

L’INTERVENTION DU DISCOURS RELIGIEUX DIVISE…

Pour l’heure, il n’existe pas réellement de « doctrine » sur le suivi à mettre en place. L’un des points en débat porte sur le fait de savoir s’il faut ou non se placer sur le terrain religieux. Certains répondent par la négative et privilégient une approche exclusivement psychologique.

C’est notamment le cas de l’anthropologue Dounia Bouzar. À l’entendre, le discours djihadiste userait des techniques classiques d’emprise mentale et c’est donc en jouant sur l’affect et l’émotion qu’on pourrait « désembrigader » l’individu radicalisé.

D’autres, au contraire, jugent indispensable l’intervention du discours religieux afin de démontrer à l’intéressé le caractère dévoyé de l’islam dont il se réclame. C’est notamment la position de « La Maison de la prévention et de la famille » (basée en Seine-Saint-Denis). Les pouvoirs publics n’ont, pour l’heure, pas tranché quant à l’option à retenir.

… L’OBJECTIF DU CENTRE NATIONAL DE DÉRADICALISATION AUSSI

L’État se préoccupe aussi des jeunes rentrés de Syrie et revenus traumatisés par ce qu’ils y ont vu. Un « centre national de déradicalisation » devrait ouvrir, courant 2015, afin de les accueillir sur la base du volontariat. « L’idée est de travailler au long cours avec eux afin de les confronter à nouveau au réel, de leur faire prendre conscience des dangers qu’ils ont pris, mais aussi de leur faire reprendre confiance en eux », explique Loïc Garnier, chef de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat).

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Mais là encore, on s’interroge encore sur l’objectif ultime d’un tel centre. A-t-il pour vocation d’inciter l’individu à rompre totalement avec l’islamisme extrémiste et à l’aider à se réinsérer ? Ou doit-il, plus modestement, amener l’intéressé à renoncer à la violence sans pour autant changer ses convictions idéologiques ?

Les spécialistes divergent. Pour certains, la « déradicalisation » ne doit viser que le changement de comportements  ; pour d’autres, elle doit viser les croyances elles-mêmes.

REGROUPEMENT DES DÉTENUS LES PLUS RADICAUX À FRESNES

Reste l’épineuse question de la prison qui pose des questions spécifiques, notamment celle de savoir s’il faut ou non regrouper ensemble les détenus les plus radicaux afin d’endiguer la propagation de leurs idées au reste de la détention.

Une expérimentation en ce sens est actuellement menée à Fresnes avec l’aval de Matignon. La Contrôleuse générale des prisons, Adeline Hazan, y est clairement opposée, redoutant que cela n’ancre davantage encore dans la radicalité les détenus isolés. Christiane Taubira, elle, s’avoue dubitative. Bref, « la » réponse à apporter à la radicalisation en prison est loin d’être trouvée.

MARIE BOËTON

Quel est le bilan du numéro vert contre le djihadisme ?

source : http://www.la-croix.com/Actualite/France/Trouver-la-bonne-methode-pour-deradicaliser-2015-07-08-1332680