STRASBOURG (Conseil Europe), 23 fév 2010 (AFP)

Les 127 membres d’une secte religieuse, condamnés à Ankara en raison de leur tenue vestimentaire et de la “loi sur le chapeau”, ont été victimes d’une violation de leur droit à la liberté de religion, selon un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme publié mardi.

Ces 127 personnes, membres d’une secte favorable à l’instauration de la charia en Turquie, avaient passé plus de deux ans en détention préventive, puis été condamnés à une amende pour avoir défilé dans les rues d’Ankara revêtus de leur tenue caractéristique, rappelant celle des principaux prophètes: un turban, un “salvar” (saroual), une tunique et un bâton.

Ils furent condamnés pour “infraction à la loi relative au port du chapeau” (qui interdit depuis 1925 tout autre couvre-chef que le chapeau) et “infraction à la réglementation sur le port de certains vêtements, notamment religieux, dans les lieux publics en dehors des cérémonies religieuses”.

Devant la Cour européenne, les autorités turques ont vainement fait valoir que la secte, qui suit les préceptes du chef islamiste Müslüm Gündüz, visait “l’instauration d’un système basé sur la charia en remplacement du régime démocratique actuel”, et que ses membres “n’étaient pas guidés par leurs convictions religieuses mais plutôt leur intention de défier la justice”.

Dans son arrêt, la Cour européenne estime “injustifiées” ces condamnations pour le port de tenues vestimentaires dans des lieux publics et alloue à chaque requérant la somme de dix euros pour dommage matériel, soit le remboursement de l’amende qui leur avait été infligée plus les intérêts.

Les juges européens soulignent que cette affaire concerne une sanction pour le port de tenues vestimentaires religieuses “dans des lieux publics ouverts à tous, et non, comme dans d’autres affaires dont elle a eu à connaître, la réglementation du port de symboles religieux dans des établissements publics, où la neutralité religieuse peut primer sur le droit de manifester sa religion.

Selon la Cour, les plaignants ne représentaient pas une menace pour l’ordre public et ne faisaient pas de prosélytisme lors de leur rassemblement, leur droit à la liberté de manifester leurs convictions religieuses a donc été violé.

La Turquie dispose de deux mois pour faire appel de cette décision prise par une majorité de six juges sur sept.

via La Croix