Le tribunal correctionnel de Mulhouse a condamné, hier, l’ancien gourou haut-rhinois André Biry à 30 mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour blanchiment d’argent suite à un transfert de 604 000 € d’Amérique du Sud en Alsace.

Retour à la case tribunal, hier, pour André Biry, l’ex-gourou haut-rhinois (lire encadré), jugé, cette fois, pour blanchiment en 2014. À ses côtés, mais séparée de lui par un mur glacial…, son épouse, qui a entamé une procédure de divorce, poursuivie pour le même chef d’accusation.

L’argent des adeptes ?

Ce dossier a débuté en septembre 2014, par un signalement de Tracfin au procureur de la République de Mulhouse. L’organisme de surveillance du ministère de l’Économie avait repéré des mouvements financiers suspects. Dans le viseur, le transfert ou le rapatriement à Mulhouse et Saint-Louis de 604 000 € d’une société Panaméenne, Andiem SA, gérée par André Biry, via Londres et le Mexique. L’argent avait été ventilé sur huit comptes différents, puis retiré pour être placé dans une autre banque. 400 000 € avaient été mis sur une assurance vie au nom de l’épouse avec, pour bénéficiaire, le prévenu. Cette année-là, celui-ci était revenu en France, sans doute, du fait d’un mandat d’arrêt international prononcé à son encontre par un tribunal péruvien.

 Juridiquement, la question est de savoir si l’origine des fonds est illicite ou pas ; si les mouvements financiers avaient pour but de dissimuler une entourloupe. Pour l’accusation, cet argent proviendrait, au moins en partie, de l’escroquerie des années 1990 ; le préjudice des 47 victimes s’élevait à plus d’un million d’euros.

La présidente Christine Schlumberger a souligné à maintes reprises que le prévenu n’a « jamais présenté de documents probants » pour prouver l’origine légale de son argent.

Il a aussi été question d’un couple de Français qui se serait fait berner par le gourou. Ce dernier l’aurait convaincu de venir en Colombie en 1998 pour faire des investissements financiers et pour le soigner contre l’infertilité. Cinq ans plus tard, le couple s’aperçoit qu’il a été dépouillé par André Biry et engage une action sur place contre lui. S’ajoutent des bizarreries comme le fait que le prévenu ait transféré toutes les parts de sa société à sa femme juste avant le rapatriement de l’argent en France. La jeune femme affirme ne pas avoir été mise au courant ; lui dit qu’il a agi « par amour ».

André Biry conteste tout, des faits des années 1990 aux nouvelles accusations. Lors de son audition, on a retrouvé le même discours verbeux, inconsistant sous une apparence cartésienne, un salmigondis qu’a tenté de stopper la présidente, visiblement irritée par l’arrogance du quinquagénaire. Celui-ci estime qu’il est victime de sa « mauvaise réputation. On dit “il a été gourou, il sera gourou pour des siècles et des siècles”. Mais cela fait vingt ans que je n’ai pas été condamné ! »

Le prévenu indique que l’argent provient de l’organisation d’un concert d’Alanis Morissette au Pérou en 2003 qui lui aurait rapporté, net, 250 000 dollars ; de plus values sur la vente d’un appartement à Carthagène en Colombie ; ou encore du remboursement d’un prêt de 100 000 € d’un ami.

« Vous ne manquez pas d’air ! »

Il assure être parti de France avec 8 000 dollars, une aide de ses parents : « Tout l’argent de l’affaire des années 1990 a été saisi ! » La présidente lui fait remarquer qu’il n’a rien produit en ce sens. « De manière curieuse, il n’y a plus aucun document dans les caves des tribunaux… », répond le prévenu, provoquant le courroux de Christine Schlumberger : « Vous ne manquez pas d’air ! »

Régis Seille, au ministère public, n’a pas de doute sur sa culpabilité. « Pour le blanchiment, il y a un renversement de la preuve. C’est à lui de prouver l’origine licite de ses fonds, or M. Biry n’a rien pu prouver ». Il a requis 30 mois de prison ferme avec mandat de dépôt et une amende de 300 000 € et huit mois avec sursis pour sa femme.

Pour Me Gatin, avocat de la défense, le juge d’instruction aurait dû mener des investigations autour des déclarations de son client. « On n’a pas été très, très loin. On est sur des préconçus méfiants vis-à-vis de ces pays en termes d’argent sale ». Raison pour laquelle, il a plaidé la relaxe. La future ex-épouse a chargé son mari, qui l’aurait « manipulée », tenue sous son « emprise », et au final, « détruite ». Elle assure avoir fait « l’objet de menaces » et craindre pour sa sécurité.

Le tribunal l’a relaxée et a condamné André Biry à 30 mois de prison avec mandat de dépot et à 50 000 € d’amende. Les biens saisis, 518 075 €, ont été confisqués.

André Biry, âgé aujourd’hui de 52 ans, avait défrayé la chronique il y a une trentaine d’années pour avoir monté une secte dans la région mulhousienne avec une cinquantaine d’adeptes. L’histoire s’était achevée par deux procès, un à Bergerac et un à Mulhouse en janvier 1997. Les deux fois, il avait été condamné à cinq ans de prison ferme pour escroquerie. Des peines qu’il n’a pas exécutées puisqu’il avait précipitamment quitté la France pour y échapper. Direction Athènes, puis le Pérou, le Panama, la Colombie et le Mexique avec un bref passage à Las Vegas le temps de se marier avec une mannequin colombienne, de 22 ans sa cadette.

source : https://c.dna.fr/justice/2019/03/26/un-ancien-gourou-condamne-a-30-mois-de-prison-ferme