Les modes et angoisses alimentaires n’épargnent pas les parents.

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Sans sucre, sans gras, sans gluten et sans lait ?}}

Depuis quelques années, je vois de plus en plus d’enfants soumis à un régime sans gluten, sans lait, sans sucre ou encore sans gras. Dans tous les cas, quand le régime est très strict et que les apports nutritionnels nécessaires à l’enfant ne sont pas respectés, les parents sont coupables de maltraitance. Même si leur intention est souvent bonne, le résultat peut être dramatique.

Ces parents finissent généralement par venir consulter lorsqu’ils constatent que la croissance de leur bébé ne se passe pas comme prévu. Ils sont inquiets de voir que l’enfant ne parvient ni à grossir, ni à grandir. Un signe alarmant lors des premiers mois de vie. La dénutrition sévère peut conduire à la mort, à court-terme, et à des carences qui auront un impact sur le bon développement de l’enfant, à long terme.

Certaines pathologies lièes à un régime alimentaire restrictif pendant l’enfance, peuvent resurgir des années plus tard, parfois même vers le milieu de la vie seulement. C’est le cas, par exemple, de l’ostéoporose ou de l’anémie par manque de fer. Je déconseille donc fortement aux parents de s’aventurer dans un régime restrictif au cours des premiers mois de la vie de leur bébé. Ce choix peut s’avérer criminel.

{{Les parents ne sont pas les seuls responsables}}

La faute ne repose pas que sur les parents le plus souvent mal informés ou mal conseillés par des professionnels de santé dangereux. Certains naturopathes, par exemple, recommandent du « lait d’amande » pour des nourrissons en remplacement du lait de vache. Les parents se précipitent alors au supermarché bio et achètent ce jus végétal, dont l’apport en calcium ou en protéines est si risible qu’il serait ridicule de qualifier la boisson de “lait”.

Bien sûr, je peux comprendre les angoisses alimentaires de chacun. Bien que je ne voie absolument pas l’utilité d’imposer un régime vegan à un enfant de quelques mois, je respecte ce choix. En tant que professionnelle de la santé, mon rôle est de veiller à ce que les enfants, dont je suis la pédiatre, soient en bonne santé.

Je ne pars pas en guerre contre les différentes idéologies parentales. Je me contente d’offrir aux parents des alternatives qui permettront à leur enfant d’être sain, malgré leurs restrictions imposées. Il existe de vraies alternatives aujourd’hui. Il n’y a donc aucune raison de mettre son enfant dans une situation à risque élevé de malnutrition simplement pour des raisons idéologiques.
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Des produits de remplacement existent}}

Tout d’abord, pour ce qui est des bébés de moins de six mois, pas besoin de chercher bien loin. Le lait maternel à lui seul suffit largement à couvrir tous les besoins nutritionnels du nouveau-né. Ce qui est pratique puisque la plupart des parents angoissés par la nourriture sont aussi des inconditionnels de l’allaitement traditionnel.

Si jamais, pour diverses raisons, la mère ne peut pas allaiter ou que l’enfant est intolérant/allergique au lait de vache, les parents peuvent toujours se tourner vers les laits végétaux conçus spécialement pour la petite enfance et dont la composition est conforme pour couvrir les besoins nutritionnels des nourrissons. Il en existe de très bons à base de protéines de riz par exemple.

Une bonne alternative réglementée qui permet de se passer du lait de vache. Ce qui peut évidemment convenir aux parents vegans.

{{L’erreur à ne pas commettre}}

À partir de six mois, lorsque la nourriture commence à se diversifier et que des aliments plutôt solides commencent à être introduits dans le régime alimentaire de l’enfant, les choses peuvent se compliquer.

L’erreur classique des parents qui ont eux-mêmes un comportement alimentaire marginal est de penser que ce qui est bon pour eux est bon pour leur enfant. Non, un enfant n’a pas les mêmes besoins nutritionnels qu’un adulte ou même qu’un enfant âgé de plus de 3 ans.

Un enfant de moins de trois ans a des besoins qui lui sont propres. Le risque de carence en fer, en lipides, en calcium ou en protéines étant plus élevé que chez les plus grands.
Par exemple, pour qu’un jeune enfant ait un apport suffisant de fer – dont la source principale est la viande rouge – sans manger de produit d’origine animale, il faudrait qu’il puisse manger plus d’un kilo de lentilles par jour… Une quantité astronomique.

{{L’échec des compléments alimentaires}}

Certains pourraient donc être tentés d’avoir recours à des compléments alimentaires pour trouver dans des gélules de quoi combler les carences de leur enfant.

Malheureusement, ce n’est pas aussi simple. La majorité des compléments vendus sur le marché ne sont pas adaptés aux enfants. Pour ceux qu’ils le sont, c’est tout de même un triste message envoyé à son enfant : “prends ta pilule pour devenir grand et fort”… Il vaut mieux dans ce cas donner de la nourriture plutôt que des médicaments à son enfant, si cela est possible évidemment.

Quand bien même des parents opteraient pour la solution des gélules, elle n’en est pas réellement une. Les compléments alimentaires ont une biodisponibilité bien plus faible que les aliments. C’est-à-dire qu’il sera plus difficile pour le corps d’absorber toutes les vitamines et nutriments qui lui sont nécessaire.

De manière générale, je suis contre les régimes restrictifs chez les jeunes enfants quand celles-ci n’ont pas de raison médicale réelle (allergies, intolérances alimentaires,…). Je recommande donc une alimentation diversifiée avec un équilibre global : un petit peu de tout régulièrement sans diaboliser certains aliments par rapport à d’autres.

Par Béatrice Dubern
Pédiatre nutritionniste
Propos recueillis par Barbara Krief.

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