L’Institut de formation de Saint-Quentin-en-Yvelines (IFSQY) devra attendre. Le rectorat de Versailles a refusé au seul établissement musulman de la plus grande académie de France de rejoindre le petit monde du « privé sous contrat », laissant enseignants et parents « sous le choc ».

{{Et, au-delà de son « énorme déception », M. Bousanna met en garde les pouvoirs publics contre le risque de voir l’enseignement musulman échapper à tout contrôle.}}

« Nous avons reçu la lettre de refus, en avril, le jour même où notre député, Benoît Hamon, est devenu ministre de l’éducation, s’efforce de plaisanter le responsable du collège. Le recteur nous y assurait que, “faute de moyens”, notre demande était rejetée. » Le contrat d’association prévoit, notamment, le paiement des salaires des enseignants par l’Etat. Sollicités à plusieurs reprises, le rectorat et le ministère n’ont pas donné suite à nos demandes. « Un recours administratif ayant été déposé par le collège, l’affaire est en cours », nous a-t-on simplement indiqué.

Lancé timidement à la rentrée 2009 avec deux classes de 6e et 5e comptant 14 et 15 élèves, l’établissement installé dans un ancien bâtiment des impôts, à Montigny-le-Bretonneux, accueille 100 élèves de tous les niveaux du collège, encadrés par quinze enseignants à temps partiel. Elèves et enseignantes peuvent y porter le voile islamique et suivent le programme de l’éducation nationale, augmenté d’enseignement religieux. L’établissement conserve, comme ailleurs dans l’enseignement confessionnel, son « caractère propre ».

2 000 ÉLÈVES MUSULMANS, 2 MILLIONS DE CATHOLIQUES

Cette implantation s’inscrit dans le développement de l’enseignement privé musulman : quelque trente projets sont plus ou moins avancés en France. Une vingtaine d’établissements privés musulmans scolarisent 2 000 élèves. Dans l’enseignement catholique, 9 000 établissements accueillent 2 millions d’élèves, tandis que pour la communauté juive, 280 écoles, collèges et lycées scolarisent environ 30 000 élèves.

Sur le papier, l’IFSQY est l’un des rares collèges musulmans à afficher cinq années d’existence, principale condition pour obtenir le contrat d’association avec l’Etat et rejoindre ainsi les lycées Averroès de Lille et Al Kindi de Décines (Rhône). « Les inspecteurs qui ont visité le collège en janvier ont donné un avis favorable. Ils ont inspecté les ouvrages, les cahiers, les emplois du temps, les contrôles de connaissance, les locaux, et la commission de concertation s’est prononcée favorablement », assure M. Bousanna, qui précise entretenir « de très bons rapports avec le rectorat » depuis 2009. Rien ne leur aurait été dit de possibles insuffisances pédagogiques ou éthiques.

Pour autant, l’argument financier ne tient pas, selon M. Bousanna. « Pour l’an prochain, le rectorat disposait pour les nouveaux contrats de 2 642 heures de crédits, ce qui correspond à 146,76 temps pleins. Notre demande représente 8,31 temps pleins, soit 5,7 % de ce volume. Quant aux crédits consacrés au “forfait d’externat” , ils sont de 44 millions d’euros. Notre demande correspond à une subvention de moins de 100 000 euros, soit 0,22 %. » Dans l’académie, 133 000 élèves de 328 établissements privés bénéficient déjà de subventions de l’Etat et des collectivités. Faute de financement public, les familles de l’IFSQY déboursent 3 500 euros par an et par enfant.

SENTIMENT DE DISCRIMINATION

La décision rectorale laisse « perplexe » M. Bousanna. Et, s’il se refuse à crier au complot ou aux « mauvaises intentions », il dénonce une « iniquité ». Dans la lettre qu’il a adressée à M. Hamon, le 26 mai, il prévient : « Le sentiment de discrimination que ressent parfois légitimement la communauté musulmane ne doit pas trouver de terreau dans les décisions des pouvoirs publics », allusion à l’octroi du contrat d’association à des classes d’établissements catholiques voisins, « déjà largement pourvus en moyens ».

« La plupart des établissements musulmans veulent être associés à l’Etat », dit M. Bousanna. « Nous voulons un contrôle sur nos enseignants, nos cours. Si on nous refuse le contrat, d’autres modèles vont se mettre en place, des écoles complètement fermées, et l’Etat en verra les conséquences dans quelques années », lance-t-il, en référence aux établissements hors contrat, où les enseignements sont davantage alignés sur les convictions religieuses que sur le programme officiel. « Si on leur ferme les portes de la République, on prend le risque de mettre des établissements au ban de la République. Sans financement, il est impossible de tenir longtemps les programmes. »

En mars, une Fédération nationale de l’enseignement musulman a été créée pour aider ces établissements à obtenir le contrat d’association avec l’Etat. Le responsable de l’IFSQY attend, lui, la décision de la commission de recours. Aucune date ne lui a été communiquée.