Comme beaucoup d’autres djihadistes français, Ali* s’est radicalisé en prison. Incarcéré à Fleury-Mérogis dans sa jeunesse, il a appris à prier au contact de détenus musulmans et c’est derrière les barreaux qu’est née l’idée du djihad. Sa “guerre sainte”, réalisée entre septembre 2014 et mars dernier, l’homme l’a racontée aux policiers, après s’être rendu au commissariat à son retour de Syrie. Le Parisien publie les confessions de ce repenti lundi.

Si la police se dit perplexe face à certaines de ses affirmations, qu’elle ne juge pas toujours très crédibles, Ali donne une multitude de détails qui éclaire sur le fonctionnement de l’EI. L’homme raconte notamment la facilité de passage par la Turquie, via Istanbul puis Gaziantep, afin de rejoindre le groupe terroriste. C’est une fois arrivé en Syrie, près de Raqqa, qu’il explique avoir fait l’objet d’un interrogatoire assez poussé. Au bout de deux jours, les “services secrets de l’EI” déclarent qu’il est “clean”.

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“Nous étions réveillés par l’émir à coup de kalash”}}

Ali raconte ensuite ses premiers pas dans le camp d’entraînement réservé aux nouvelles recrues. “Nous étions réveillés par l’émir à coup de kalash”, affirme-t-il. Avec 200 autres personnes, il suit un parcours sportif : “Trente minutes de footing puis des étirements et du renforcement musculaire. Nous avions alors le droit d’aller nager dans l’Euphrate”. Pendant neuf jours, il suit aussi des cours religieux et politiques, notamment sur la nécessité de “combattre les mécréants” occidentaux. Au terme de ce premier palier, il prête allégeance à Daech.

L’homme est ensuite familiarisé au maniement des armes au sein d’un camp militaire : kalachnikovs, pistolets de différents modèles, lance-roquettes, et même mitrailleuses. Il apprend aussi certaines techniques de combat, comme le camouflage ou les embuscades. A la fin de cette session de préparation, il est invité à choisir son orientation : “Etre un kamikaze, retourner en France pour y commettre un attentat ou combattre l’armée de Bachar el-Assad.” Selon ses dires, il refuse et sera finalement intégré à la police islamique de Raqqa.

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“Un musulman ne (peut) pas commettre de telles atrocités”}}

Ali explique en effet aux policiers français qu’il n’a jamais combattu pour Daech, même si les enquêteurs en doutent, au vu de certains messages dans lesquels il évoque un passage dans les forces spéciales commando. Le quotidien dramatique auquel il est confronté l’aurait finalement fait changer d’avis. “Un jeune de 14 ans égorgé au prétexte qu’il avait arrêté la prière est resté plusieurs semaines dans la rue”, explique-t-il notamment. C’est la décapitation d’un vieil homme accusé de sorcellerie qui va précipiter sa décision de quitter la Syrie. “Je n’étais pas avec des musulmans, un musulman ne pouvant pas commettre de telles atrocités”, déclare-t-il aux policiers français.

Aux enquêteurs, il assure “n’avoir tué personne” en Syrie et ne pas être rentré en France pour commettre un attentat. Il se projette même vers l’avenir : “J’espère pouvoir m’en sortir aujourd’hui et retrouver une vie normale pour oublier ça”. En attendant, il est toujours en détention provisoire, dans l’attente d’être jugé.

*Le prénom a été changé

Thomas Liabot – leJDD.fr