L’accord de sponsoring entre la Fédération française de handball et l’entreprise pharmaceutique Weleda, liée à un mouvement ésotérique, provoque la controverse

 

Besançon – C’est l’une des nouveautés qui ont accompagné la joyeuse rentrée des Bleues championnes olympiques, hier à Besançon. Sur  fond vert et blanc, six lettres caractéristiques bien connues des amateurs des médecines naturelles ont défilé sur les panneaux lumineux au bord du terrain pendant le match contre la République tchèque. L’entreprise pharmaceutique Weleda a rejoint le mois dernier le cercle des partenaires de la Fédération française de handball en tant que « fournisseur officiel » jusqu’en 2024. Une opération saluée par un communiqué de presse classique, où Philippe Bana, le président de la FHB, disait « sa fierté de pouvoir attirer des marques de références dans leur secteur d’activité ».

Il s’agit cependant d’un partenariat très particulier, dont l’apparition a fait grincer de nombreux observateurs, jusqu’à la Ligue des droits de l’homme. Weleda, florissante société basée en Suisse (427 M€ de chiffre d’affaires en 2020, 2500 salariés) qui vend ses produits bio dans plus de cinquante pays, est en effet intimement liée à un mouvement ésotérique contesté, l’Anthroposophie. Ce courant fondé au début du XXe siècle par Rudolf Steiner a notamment inspiré les écoles Steiner-Waldorf et l’agriculture biodynamique. Selon la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), il présente un risque de dérives sectaires.

Des produits à l’efficacité contestée

Deux de ses principales institutions, la Société générale anthroposophique et la clinique Arlesheim, détiennent 34% du capital de Weleda et 76,9% des droits de vote à son conseil d’administration. Sur son site internet, l’entreprise ne cache pas élaborer ses produits « selon une conception global du soin qui s’inspire de la médecine anthroposophique ». Ses médicaments et cosmétiques sont distribués en pharmacie et touchent un large public. Mais leur efficacité est – comme pour l’homéopathie – contestée par une partie de la communauté médicale. Dans son communiqué la Ligue des droits de l’homme « s’inquiète de la FFHB offrir une telle vitrine à cette société prônant des pratiques très discutables et dépendant d’un important mouvement occulte, et demande à la FFHB de revenir sur son partenariat ».

Directeur de Weleda, Ludovic Rassat veut y voir « une incompréhension ». « Cela arrive dans les médecines naturelles d’avoir des suspicions, j’ai connu cela lorsque j’ai travaillé dans les laboratoires homéopathiques Boiron aux Etats-Unis. Weleda est une société qui est sur le marché depuis cent ans, qui suit les sportifs depuis toujours, et qui a toujours été engagée pour le lien entre l’homme et la nature. On répond à toutes les normes européennes de médicaments, on est droits dans nos bottes et fier de ce que l’on fait. […] Quant à la Miviludes il faut relativiser, elle suit aussi le yoga et tous les mouvements de méditation, mais cela ne veut pas dire que tous les mouvements que l’on surveille sont des sectes. »

Pas inconnue du monde sportif

L’entreprise pointe dans la troisième catégorie de partenaires de la FFHB derrière les « partenaires majeurs » et les « partenaires officiels » et son nom ne figure pas sur le maillot bleu. L’accord a été négocié au printemps, avant le double triomphe tricolore au JO de Tokyo. Selon nos informations, il porterait sur un montant de 100 000€ annuels, couplé à des fournitures d’huiles à l’arnica, produit très prisé des sportifs.

Sa suspension n’est pas à l’ordre du jour, à entendre Philippa Bana. « A ce stade, il n’y a strictement aucun fondement juridique à un quelconque renoncement à cela, souligne le patron de la FFHHB. On avait demandé son avis au ministère des sports, qui nous indiqué oralement qu’il n’y avait aucun problème ».

Weleda est loin d’être une inconnue dans le monde sportif : elle sponsorise le tennisman Pierre-Hugues Herbert, la handballeuse championne olympique Cléopâtre Darleux et même l’Insep, l’usine à champions du sport français. « Mais l’Insep le fait de manière moins ostentatoire, répond Malik Salemkour, le président de la Ligue des droits de l’homme. Or, derrière les produits Weleda, il y a une idéologie un peu complexe. Actuellement les phénomènes sectaires sont très offensifs et  l’on voit des organismes prestigieux qui n’y sont pas assez vigilants. »

Cette polémique ne sert sans doute pas l’image du handball français, mais elle souligne la visibilité qu’il a prise après ses deux médailles d’or à Tokyo, à trois ans des JO de Paris. Il y quelques années l’arrivée de la tout aussi controversés société de compléments alimentaires Herbalife auprès de l’équipe de France de volley était passée beaucoup plus inaperçue.

De notre envoyé spécial, YANN HILDWEIN

Source : l’Équipe, jeudi 7 octobre 2021, https://www.lequipe.fr/Handball/Article/Weleda-un-partenariat-tres-particulier-pour-le-handball-francais/1290551