Un postier employé par Postes Canada à Regina depuis de nombreuses années, Ramiro Sepulveda, a été suspendu trois jours sans solde pour avoir refusé de distribuer The Epoch Times, un média pro-Trump, très critique à l’endroit du Parti communiste chinois.

Le postier justifie sa décision par les conséquences potentielles de la distribution de ce journal, créé au début des années 2000 par le mouvement chinois Falun Gong, un courant spirituel d’inspiration bouddhiste.

Une professeure associée en journalisme à l’Université de Regina, Patricia Elliot, souligne que le journal a, depuis sa création, pris une tangente vers l’extrême droite, les théories complotistes ainsi que les articles ouvertement pro-Trump.

Je ne voulais pas distribuer ce contenu ordurier. Cela m’a bouleversé et m’a rappelé la peur perçue dans les yeux de ma mère qui me raconte tout ce que ma famille a vécu lors de la révolution chilienne dans les années 1970.

Il a aussi été ébranlé quand des personnes d’origine chinoise lui ont demandé ce qu’était ce journal, avec les yeux remplis de la même peur que ressentait [sa] mère.

Ramiro Sepulveda dit avoir été soutenu par ses collègues après sa décision. Certains d’entre eux ont également choisi de ne plus distribuer le journal. Il a recommencé à travailler depuis, mais il refuse toujours de le déposer dans la boîte aux lettres des Réginois.

Les tribunaux ont indiqué que le rôle de Postes Canada n’est pas de censurer le courrier ou de fixer les balises de la liberté d’expression au pays. Notre point de vue sur le contenu ne change en rien notre obligation de livraison, explique pour sa part Postes Canada par courriel.

Ramiro Sepulveda dit comprendre la neutralité de son employeur, mais souhaite que les inquiétudes des employées soient prises en compte et que cette histoire mène à une discussion entre les deux parties.

Patricia Elliot estime que la société d’État devrait être plus attentive aux contrats qu’elle accepte. Elle invite d’ailleurs Postes Canada à se poser la question si ce contrat en vaut la peine, au vu des inquiétudes de la communauté et de la réaction des employés.

Des entreprises, notamment Facebook, ont banni le journal de leur plateforme pour ne plus propager leur contenu, alors pourquoi Postes Canada ne le ferait-elle pas, se questionne-t-elle, en relevant le courage de Ramiro Sepulveda.

Un journal « dangereux »

Selon un professeur en information et en communication à l’Université de Regina, Alec Couros, les idées véhiculées dans les pages de The Epoch Times viennent rejoindre des adeptes au Canada, notamment dans les provinces des Prairies comme la Saskatchewan.

Selon lui, ce journal est douteux et dangereux, car il propage des idées conspirationnistes et de fausses nouvelles en utilisant un format de journal traditionnel. Cela paraît plus sérieux et plus réel que de lire une publication Facebook ou un article dans un blogue. C’est dangereux que ce contenu rentre dans les maisons des gens, car de nouveaux lecteurs vont s’abonner.

Le professeur s’inquiète du fait que personne ne connaît la provenance du financement de ce journal, détail qui fait en sorte qu’il est difficile pour le lecteur de se faire une opinion juste sur la ligne éditoriale de ce média distribué gratuitement. Selon lui, certains fonds proviennent de l’argent obscur (aussi connu sous le nom de Dark Money).

Le journal contrevient à la Charte des droits et libertés de la personne, puisque les messages sont parfois haineux. Je comprends le besoin de neutralité de Postes Canada, mais étant une société d’État, elle a une responsabilité, et ce n’est pas à ses employés de prendre de telles décisions.

 

Avec les informations de Jean-Baptiste Demouy

source :

Radio-Canada

Charles Lalande

le 21 janvier 2021

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1764824/epoch-times-journal-trump-parti-communiste-chinois-regina