En 2005, lorsqu’il doit renouveler sa demande d’accès à la centrale de Cattenom auprès de l’autorité compétente – en l’occurrence la préfecture –, il obtient un refus sans explication.

Devant le silence de la préfecture de Moselle, il adresse un courrier à la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde), s’estimant victime de discrimination en raison de ses convictions :

« J’avais demandé à voir mon dossier Cnil et il était copieux, rempli de nombreuses données factuelles et précises sur les conférences que je donnais à l’étranger dans le cadre du mouvement raëlien auquel j’appartiens depuis 1983. »

« Une discrimination prohibée » selon la Halde

Sans réponse pendant plus de cinq ans, malgré ses nombreuses démarches, il finit par entamer une grève de la faim, le 20 avril, devant la préfecture de Moselle. Au bout de quinze jours, il est reçu par le préfet qui lui remet une vieille lettre de la Halde dont il n’a jamais eu connaissance.

En date du 23 octobre 2009, le courrier stipule qu’en l’absence de « justifications plus précises », l’avis de la préfecture pourrait constituer une discrimination. Le document de la Halde révèle en effet les motivations de la préfecture :

« M. Piffer est connu des services de sécurité comme étant un responsable important de “l’église raëlienne” et proche du gourou Raël, des éléments perçus comme les indices d’une vulnérabilité qui amoindrit les garanties d’une personne au regard de la protection contre le renseignement et la malveillance. »

La Halde souligne que si le technicien appartient au mouvement raëlien depuis 1983, il intervient dans la centrale de Cattenom depuis 1996, « sans qu’aucun incident n’ait été signalé ».

La Haute autorité rappelle que la décision de la préfecture constitue :

« Une discrimination prohibée par les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et […] contraire au principe de liberté de conscience et à l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983. »

Cette loi prohibe les discriminations à l’égard des fonctionnaires « en raison de leurs opinions philosophiques ».

La Halde avait demandé à la préfecture de se justifier. Celle-ci était alors revenue sur sa décision. Le principal intéressé n’a pas eu connaissance de cette décision qui de toute façon est arrivée après la fin de la mission.

« L’humanité va s’autodétruire par une guerre atomique »

La législation concernant les mouvements à dérive sectaire n’est pas claire. La notion de secte n’a d’ailleurs aucune valeur juridique.

Michèle Alliot-Marie, lorsqu’elle était ministre de l’Intérieur, a rappelé dans une circulaire de 2008, qu’il ne s’agit pas, dans l’intervention des pouvoirs publics, de stigmatiser des courants de pensée, mais de s’attaquer aux « faits avérés et pénalement répréhensibles ».

Pour Michel Tubiana, président honoraire de la Ligue des droits de l’homme et avocat, l’affaire est tout de même délicate à apprécier :

« Il n’est pas scandaleux de dire que l’appartenance à telle ou telle organisation peut constituer un risque pour des intérêts nécessitant une certaine protection, d’autant que le mouvement raëlien, selon les propos de Raël, prévoit que l’humanité va s’autodétruire par une guerre atomique mondiale et que seule une élite survivra.

Dans le même temps, ne pas donner l’habilitation nécessaire à l’accès à ces lieux est périlleux en termes de libertés publiques. C’est parce qu’elles étaient musulmanes pratiquantes que certaines personnes ont perdu leur badge d’accès à Roissy : ils étaient bagagistes. »

Le précédent des bagagistes de Roissy

Entre mai 2005 et novembre 2006, 72 salariés musulmans avaient été dépossédés de leur badge d’accès à l’aéroport de Roissy par la préfecture de Seine-Saint-Denis qui les soupçonnait d’appartenir à la mouvance islamiste.

Plusieurs d’entre eux avaient alors porté plainte pour discrimination et certains s’étaient vu restituer leur badge suite à une décision du tribunal administratif. Finalement, le procureur de la République de Bobigny avait classé sans suite les plaintes pour discrimination en juillet 2008. Michel Tubiana précise :

« Dès lors, il faut en revenir à la règle générale qui est le respect de la liberté de conscience de chacun. Et à l’Etat de prouver, sous le contrôle des tribunaux, si son refus d’habilitation est ou non justifié. »

Pierre-Michel Piffer envisage désormais de porter cette affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.

« Qu’est-ce que cela peut faire que je sois raëlien si je répare bien les lignes téléphoniques ? »

Source :Rue89 par Anthony Cerveaux | Journaliste | 19/05/2011