« Des troubles pourraient éclater dans la communauté musulmane de Russie et dans le monde entier faute d’une invalidation du verdict ordonnant la destruction du coran prononcée par la justice », a averti vendredi le Conseil des muftis de la Fédération.

Les organisations de défense des Droits de l’homme ont indiqué que la décision, qui doit s’appliquer dans l’ensemble du pays, et si elle est confirmée en appel, est très proche d’aboutir à une interdiction totale du coran lui-même.

Le conseil des muftis de Russie a sonné l’alarme, dans une lettre ouverte envoyée ce vendredi 20 septembre au président Vladimir Poutine, et l’a mis en garde que si la décision de justice était confirmée, des tensions ethniques pourraient « déchirer la Russie ».

« Les musulmans russes sont très fortement indignés d’une décision aussi outrancière » a déclaré Rushan Abbyasov, le chef du conseil musulman, qui entretient des liens privilégiés avec le Kremlin, explique Reuters.

« Si la décision de justice est mise en œuvre », a menacé le leader religieux, « il y aura des troubles, non seulement en Russie, mais dans le monde entier, car il est question de la destruction du coran ».

Dans sa lettre adressée à Poutine, le conseil a fait un parallèle avec les violences qui ont éclaté au Moyen Orient et en Afghanistan après le geste d’un pasteur américain, Terry Jones, qui a menacé de brûler le coran le 11 septembre 2010.

Le conseil n’a pas, en revanche, fait un parallèle entre le manque de réaction au Moyen Orient et en Afghanistan après que des sunnites ont fait exploser des mosquées shiite, et inversement, brûlants ainsi des centaines de coran.

Un avocat représentant l’auteur du coran concerné par l’interdiction, le théologien Elmir Kuliyev, a déclaré qu’il allait faire appel de la décision de justice, qui a frappé le coran d’interdiction et a exigé que toutes les copies soient saisies et détruites.

« C’est une pure idiotie. Des groupes ont envoyé un coran au tribunal local, et ils ont décidé d’interdire le livre saint » a déclaré à Reuters Murat Musayev, l’avocat, qui dispose d’un mois pour faire appel.

« D’un coté, ils annoncent la liberté de religion en Russie, et de l’autre, ils interdisent les textes fondamentaux » dit l’avocat.

« Ils sont à deux doigts d’interdire le coran », a déclaré Akhmed Yarlikapov, un expert de l’islam à l’académie des sciences de Russie, ajoutant : « vous pourriez interdire également la Bible, car elle a des passages qui parlent de répandre le sang ».

Poutine, qui a remporté son bras de fer contre Obama et s’est assurée le leadership au Moyen-Orient, ne devrait pas mettre en danger ces acquis géostratégiques, et il y a fort à parier qu’il donnera l’ordre d’inverser la décision de justice.

D’autant que s’il a vanté les hauts mérites de l’église orthodoxe russe comme « guide de la Russie », il a également souhaité l’harmonie dans la Russie multiculturelle, et mis en garde contre les risques de conflits religieux avec sa minorité musulmane, estimée à 15% de la population totale. Le gouvernement russe est en guerre contre l’insurrection au nord du Caucase, envenimée par les séparatistes musulmans thchétchènes, et les frictions avec la minorité musulmane sont présentes un peu partout en Russie.

La loi contre l’extrémisme a été promulguée en 2002, avec pour objectif de mater les menaces extrémistes, et plus de 2 000 textes et publications ont été placés sur la liste noire du ministère de l’intérieur et interdits. On y trouve notamment la propagande de Joseph Goebbels, le Mein Kampf d’Hitler, les livres du thélogien turc Said Nursi, un autre écrit de Kuliyev, dont le coran est visé par cette décision de justice, la collection des hadith du prophète Muhammad, et les textes de base des témoins de Jéhovah.

Selon la loi, sitôt qu’un tribunal juge un texte extrémiste, il est automatiquement ajouté à la liste noire dans l’ensemble du pays. « La loi sur l’extrémisme fonctionne comme un mécanisme impossible à arrêter dès qu’un tribunal a interdit un texte » déclarait Geraldine Fagan, une spécialiste et auteur d’un livre sur les règles religieuses en Russie. « Cette affaire est gigantesque. Elle pourrait tout bouleverser et déclencher une tendance générale, bien que j’en serai très surprise », ajoutait Fagan, qui conclut en disant : « il ne semble pas y avoir la moindre volonté politique d’empêcher cela d’arriver, malgré des critiques au plus hauts sommets de l’Etat »

Jean-Patrick Grumberg

(1) reuters.com/article/2013/09/20/us-russia-koran-idUSBRE98J0YW20130920

Source:
Dreuz.info

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