L’association La famille Ave Maria de l’enfant Jésus, implantée à Vescovato en Corse, est soupçonnée d’avoir abusé de la confiance de plusieurs fidèles pour leur soutirer de l’argent.

Elle dit être la « Messagère de la Vierge Marie » et « porter les stigmates du Christ ». De toute l’Europe, les fidèles accourent ou se connectent sur son site Internet. Cette ancienne aide-soignante d’une maison de retraite de Bastia (Haute-Corse) dirige dans le village de Vescovato une curieuse association religieuse : La famille Ave Maria de l’enfant Jésus.

Cette communauté fait l’objet depuis plusieurs semaines d’une enquête préliminaire du parquet de Bastia qui soupçonne des abus de faiblesse, des abus de confiance et des escroqueries. La police judiciaire de Bastia et les renseignements généraux multiplient les enquêtes, tout comme l’administration fiscale. L’évêché de Corse, lui, condamne fermement les pratiques de l’Ave Maria et met en garde les croyants.

« Cela peut s’apparenter à un risque de dérive sectaire »

La Messagère, qui porte un voile blanc et un habit religieux immaculé avec un portrait de la vierge en plastron, s’appelle en fait Agnès Mignoni. Agée de 46 ans, elle affirme avoir divorcé sur ordre de la Vierge pour se consacrer à la religion. Plus prosaïquement, son mari a obtenu la garde de ses enfants.
Sur le site de l’association, Agnès assure avoir « une première apparition le 23 juin 1986 », alors qu’elle faisait des études d’infirmière. En mars 1990, la Vierge lui aurait montré « une croix glorieuse » surgissant au pied d’un rosier enflammé. Depuis, Agnès Mignoni a été licenciée de la maison de retraite où elle travaillait après avoir fait part de ses visions.
« Nous sommes face à une organisation religieuse à risques. Il existe une forte personnalisation autour de cette femme. Cela peut s’apparenter à un risque de dérive sectaire », prévient Jean-Jacques Fagni, le procureur de Bastia, qui note par ailleurs que l’association évoque sans cesse son « besoin d’espèces sonnantes et trébuchantes ». Des appels de fonds qui ont conduit un homme originaire de Clermont-Ferrand à porter plainte pour abus de faiblesse. Son épouse fascinée par la Messagère avait vidé le compte familial de 12 000 €.
De son côté, l’évêché de Corse a pris des mesures dès 2002 pour « demander la fermeture du site Internet ». En vain. « Agnès Mignoni revendiquait faussement le soutien de certains prêtres qui n’ont pas le droit d’exercer », explique Stéphane Sclavo, le secrétaire particulier de Mgr Jean-Luc Brunin, évêque de Corse, avant d’assurer que « cette organisation ne bénéficie d’aucun soutien de l’église catholique de Corse ». Pas de soutien non plus du Vatican comme certaines lettres figurant sur le site pourraient le laisser entendre. Celles-ci ne sont en réalité que des réponses de politesse. L’association a également revendiqué le soutien du cardinal archevêque de Lyon, Philippe Barbarin, dont les services démentent « tout lien ».
Lors de la semaine de la Vierge en Corse, au mois de septembre, Agnès Mignoni loue un appartement dans le village de Pancheraccia où, allongée sur un lit, crucifix en main, elle montre aux pèlerins les prétendus stigmates de sang du Christ.

LA JUSTICE S’INQUIETE

L’obsession de la Messagère à imiter la Vierge Marie mais surtout à se mettre en scène aussi souvent que possible avec un poupon en celluloïd dans les bras inquiète l’autorité judiciaire. Celle-ci redoute qu’un couple fragile psychologiquement et fasciné par cette communauté ne lui donne ou prête un enfant. L’occasion pour Agnès – “Marie” Mignoni de ressembler en tout point à ces images pieuses diffusées sur son site internet où la Vierge veille avec bienveillance sur son fils. Sur sa page de son site MySpace elle pose d’ailleurs tout de blanc vêtue avec un bébé emmailloté dans les bras. Le projet de l’association de rechercher une vaste propriété en Corse où tous ses membres pourraient vivre ensemble renforce aussi cette inquiétude. Un risque également signalé par d’anciens adeptes.