TÉMOIGNAGE. L’humoriste Karen Arseneault de Québec a passé près de la moitié de sa vie chez les Témoins de Jéhovah. Sortie du mouvement depuis ses 19 ans et maintenant humoriste quadragénaire, elle témoigne de son expérience, où culpabilité et lavage de cerveau favorisent selon elle le sentiment d’appartenance au mouvement.

La mère de Karen Arseneault s’est enrôlée chez les Témoins peu après avoir accouché d’elle. «Ça s’est fait par du porte-à-porte. Ils lui ont offert une belle grande famille. Elle avait justement un besoin familial non comblé», raconte la résidente de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Son père n’a jamais rejoint le mouvement. Il a cependant respecté le choix de sa femme et de ses trois filles de s’y engager.

Rapidement, Karen a fait du porte-à-porte avec sa mère. Mieux elle le faisait, plus elle avait de la reconnaissance. «J’y trouvais mon compte. Je faisais la fierté de beaucoup d’adultes», se souvient-elle. Même si elle se faisait régulièrement pointer du doigt par les autres enfants à l’école, elle se faisait une carapace. «J’étais convaincue d’être à la bonne place. Quand le lavage de cerveau est efficace, on est assez blindé à tout ça», explique celle qui considère pourtant avoir eu une enfance heureuse.

Adolescence

Karen, studieuse et rangée, a eu une adolescence tranquille. C’est lors du choix d’études postsecondaires que ça s’est gâté. «Dans les Témoins de Jéhovah, on recommande de ne pas aller aux études longtemps», explique-t-elle. Elle a soumis au comité des Témoins une demande pour aller étudier au Cégep Garneau, alors qu’elle vivait au Lac-Saint-Jean. On lui a fortement déconseillé puisqu’elle aurait «beaucoup trop de tentations». Comme elle était douée en mathématiques, elle a finalement choisi un DEP à Alma, moins loin, en techniques d’usinage. «Je me suis retrouvée au milieu de 70 gars!», rigole-t-elle.

Pour la première fois de sa vie, personne ne savait qu’elle était Témoin de Jéhovah. Karen Arseneault s’est bien intégrée dans son nouveau milieu et a commencé à fréquenter un garçon. «J’ai eu des rencontres du comité pour me dissuader de sortir avec quelqu’un qui n’est pas Témoin. […] Je l’ai amené aux réunions. Au bout de quelques mois, il m’a dit que la pression était trop lourde et qu’il ne pouvait pas attendre le mariage pour avoir des relations sexuelles. Ça a été ma première grosse peine d’amour».

Selon l’humoriste, ce chagrin a éteint quelque chose au niveau de sa foi. «Un de mes amis m’a ensuite proposé une job  à la shop d’usinage. J’ai commencé à manquer des réunions à cause de ça. J’ai pris de l’indépendance, j’avais de l’argent, une voiture. J’ai rencontré quelqu’un d’autre. Je me suis rendue compte du lavage de cerveau. Au mois d’août j’avais fait mon choix et je les ai quittés. Ça a été une grosse décision. Je perdais ma famille au complet, 19 années de ma vie. Ça vient jouer sur le moral», confie-t-elle. Le groupe l’a ensuite ignorée. Sa mère et ses deux sœurs sont sorties des Témoins un an après elle, probablement parce qu’elles trouvaient ça trop dur de couper les ponts avec Karen (ce que recommandent les Témoins).

La sortie

«C’est très troublant de sortir de quelque chose comme ça où tu avais toutes les réponses à tout. Je suis bien tombée, avec un bon entourage. Mais je crois que ça prend de l’aide psychologique ou d’un travailleur social. On a pas tous la même résilience», explique l’humoriste qui a consulté plus tard et qui confie avoir gardé de la culpabilité bien ancrée par son ancienne communauté.

Pour découvrir ou redécouvrir l’humoriste, allez sur la page Facebook Karen Arseneault humoriste

https://www.quebechebdo.com/local/quebec-hebdo-local/239580/une-enfance-au-sein-des-temoins-de-jehovah/

7 décembre 2020

Québec Hebdo