CHRONIQUE / C’est une histoire épouvantable qui sera racontée le dimanche 10 mars au Salon mieux-être et spiritualité de Roberval. L’auteure Myriam Keyzer présentera son nouveau livre, Otage du silence, dans lequel elle raconte la vie infernale qu’elle a subie dans une secte religieuse du Québec, où ses parents l’ont amenée à l’âge de 2 ans.

 Il aura fallu 27 ans après son évasion pour mettre sur papier cette vie d’enfer. Ses parents l’ont abandonnée dès son jeune âge à un gourou et à ses disciples, lesquels lui ont fait vivre un quotidien de travail forcé et de violences, physiques et psychologiques.

« J’ai choisi de ne pas identifier la secte pour éviter que l’attention médiatique soit détournée vers ces gourous et pour que les projecteurs restent sur les victimes qui se font briser par ces organisations », a confié Myriam Keyser, que j’ai jointe au téléphone quelques jours avant le lancement régional de son livre.

Plus de questions que de réponses

« Il faut remonter au début des années 1960 pour comprendre pourquoi mes parents ont décidé de joindre cette secte. À l’époque, nous vivions en Belgique, et la religion était remise en question partout en Europe. Mes parents se cherchaient un peu spirituellement, car la religion était au coeur de leur vie. Ils ont consulté des coachs de vie, des médiums et toutes sortes de personnes pour comprendre ce qui se passait avec l’Église. Les gourous leur ont fait miroiter beaucoup de beautés avec leur style de vie et leur charisme. C’est un peu le cas encore aujourd’hui, alors que de plus en plus de gens consultent des coachs et se cherchent une forme de spiritualité », explique l’auteure.

Elle arrive donc au Québec à l’âge de 2 ans et est abandonnée à la communauté par ses parents, qui endossent cette vie communautaire dans un endroit isolé en plein bois, loin de tous les services. « J’ai des souvenirs de moi à 3 ou 4 ans en train de travailler à couper des légumes, à laver des toilettes, à laver des planchers », rappelle-t-elle à sa mémoire.

« dans ma nature »

« Même si tu vis cloîtrée, loin du monde ordinaire, quand tout ce que tu fais n’est jamais correct, que tu vis quotidiennement en contraction et que tu subis de la violence, on sent que ça ne fonctionne pas. Même enfant, je n’étais pas cassable. J’étais ce type d’enfant que tu ne modèles pas. Ma petite soeur était douce et modulable. Elle est toujours là. Ça fait 30 ans que je ne l’ai pas vue », raconte-t-elle, pour expliquer pourquoi, à 20 ans, elle a réussi à s’évader de cette secte.

« J’étais un enfant pas facile. Je posais des questions. Je suis comme un genre de pousse que même si tu mets le talon dessus, elle ressort du sol. Je rebondissais. J’étais un peu téflon. On me détruit, et je me relève encore. C’est dans ma nature », dit-elle.

« J’étais une personne dévouée. Je travaillais constamment, mais un moment donné, je me suis dit : ‘‘Si je vais plus loin que ça, je suis morte.’’ Je sentais que je ne fitais pas dans ce milieu. Il y a un de mes frères qui s’est évadé. Ça m’a ouvert une porte. J’ai essayé de m’évader une première fois à 16 ans parce que je m’ennuyais de mon frère. Je suis revenue parce que j’avais faim et que je ne savais pas où aller. Je me suis évadée trois fois comme ça », raconte la survivante.

le monde extérieur

« On savait qu’il y avait un monde extérieur, mais on nous disait que c’était tous du mauvais monde, que c’était dangereux. Quand je suis arrivée au Canada, j’avais 2 ans, je ne parlais pas français, je n’avais pas d’oncle ou de tante dans les villages d’à côté qui pouvaient me recevoir. Pour moi, m’évader, c’était aller dans le bois et ne pas savoir où aller », détaille Myriam Keyzer.

«  Je vous dis que mon arrivée sur la même planète que les autres a été tout un rodéo. Après m’être évadée, j’ai constaté effectivement que je ne venais pas de la même planète que les autres. On savait qu’il y avait un monde extérieur, mais le mot ‘normal’ n’était pas dans mon vocabulaire.  »

— Myriam Keyzer

« Je ne savais pas que la police existait, je ne savais pas qu’il y avait des travailleurs sociaux, qu’il y avait des hôpitaux ou des centres d’accueil pour femmes. J’ai été déplacée plusieurs fois au Canada. D’ailleurs, la dernière fois que je me suis évadée, j’avais 21 ans et j’étais en Colombie-Britannique », dit-elle, indiquant que c’est un détail qu’elle révèle à la fin de son livre.

« Ce livre que je viens d’écrire sur mes 20 ans de captivité, j’aurais pu en écrire trois comme ça. Je vous dis que mon arrivée sur la même planète que les autres a été tout un rodéo. Après m’être évadée, j’ai constaté effectivement que je ne venais pas de la même planète que les autres. On savait qu’il y avait un monde extérieur, mais le mot ‘normal’ n’était pas dans mon vocabulaire. En arrivant dans la société extérieure, je n’avais rien, aucune référence, pas d’amis, pas de parenté. Dans les premières semaines d’évasion, je n’avais rien à dire sur l’école que je fréquentais et les films que j’avais écoutés. Je n’avais jamais rien décidé pour moi ni ce que je porterais ni ce que je mangerais ni de ce que je ferais de mes journées », relate l’auteure.

Le décès de son père

Le père de Myriam Keyzer est décédé l’année dernière, vieux et seul en Belgique, où il a fini par retourner. « Il a fini par quitter la secte. Il s’est excusé pour ce qu’il a fait, et je lui ai pardonné. C’est à la suite de son décès que j’ai décidé d’écrire sur mes 20 ans de captivité. Ç’a été un élément déclencheur qui m’a enfin poussée à écrire cette histoire », confie-t-elle.

« Ç’a été très difficile de me reconstruire. J’ai rencontré un bon gars et j’ai été mère rapidement. Ce sont d’ailleurs mes enfants qui m’ont permis de me reconstruire. Au début de ma vie en société, je devais raconter mon histoire aux médecins que je rencontrais et aux gens des CLSC. Je n’avais pas d’identité, je ne figurais nulle part dans les registres. La secte avait même changé mon nom », met en lumière celle qui incarne l’exemple parfait de la résilience.

 

Dans son livre, elle veut démontrer qu’on peut reprendre notre plein pouvoir malgré les traumas de notre vie. Elle vous racontera son parcours à l’Hôtel Château Roberval, dimanche, à 15 h, pour ceux que ça intéresse.

 

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