Un catholique résidant à Meaux, en Seine-et-Marne, organisait au départ des pèlerinages religieux, puis il a dialogué un jour « avec le démon », qui lui a expliqué toutes ses ruses. Voilà qu’il est devenu une sorte de gourou, rassemblant une communauté d’un millier de personnes via WhatsApp, prônant des croyances toutes plus délirantes les unes que les autres, même pas reconnues par l’Église. Parmi celles-ci, l’idée que tous nos problèmes seraient causés par les péchés de nos mères, et c’est pour cela que l’on doit purifier l’utérus par des messes. Il exploite la vulnérabilité de fidèles souvent très crédules et fragiles. Nous avons été alertés par des personnes dont des proches ont été abusés par sa mystification.
« C’est un appelé ! » C’est ainsi que certains de ses fidèles parlent de ce mystérieux Patrick lorsque nous assistons à l’une des messes qu’il organise dans l’église Notre-Dame-de-Lourdes, dans le 20e arrondissement de Paris, un samedi de mai. Il n’est pas présent ce jour-là, mais l’église est bondée. Elle a été louée par son association pour organiser une messe du Précieux Sang (une fête religieuse supprimée du calendrier liturgique en 1970, parfois encore célébrée).
À l’entrée, une dizaine de bouteilles d’huile d’olive Lidl nous intriguent. C’est de l’huile « exorcisée », nous explique le fidèle qui la vend, Serge, un des soutiens de l’association. On connaît les objets « bénits », mais « exorcisés » ? Quand on lui demande la signification, il nous met entre les mains un livret de prières (5 euros !) rassemblées par Patrick lui-même, dans lequel il explique que l’huile exorcisée « permet d’anéantir la puissance des démons » et qu’elle a « la propriété de débarrasser le corps de ce qui lui est néfaste ». Serge est conquis : « J’avais une tumeur à la main, j’ai mis de l’huile dessus, et quand les médecins ont effectué une nouvelle radio, en fait, ce n’était plus une tumeur mais un simple problème de calcification d’os. » Et comment s’utilise cette huile ? « Vous pouvez masser une partie du corps malade, mais aussi l’utiliser en salade. » En salade ! Grands dieux, ingérer de l’huile exorcisée !? « Mais oui, ça protège le corps de l’intérieur ! » Même à 10 euros la bouteille, toutes sont vendues à l’issue de la messe (dont une achetée par Charlie, car il fallait bien passer inaperçue…).
Cette vente d’huile, c’est déjà une première entorse à la doctrine de l’Église catholique : pour elle, le commerce d’objets bénits ou exorcisés est condamné, et ce depuis plusieurs siècles. « À partir du moment où l’on vend un objet bénit ou exorcisé, la bénédiction tombe », nous explique même une bonne soeur, contactée pour l’occasion.
Purifier la matrice
Une grande partie des personnes de l’assemblée sont membres du groupe WhatsApp de Patrick, le bouche-à-oreille fonctionne très bien : l’une des fidèles a convaincu sa sœur de venir, une autre est arrivée par l’intermédiaire d’une amie. Beaucoup sont issues de communautés subsahariennes ou (fin de l’article réservé aux abonnés)
source :site de » Charlie hebdo » du 7 juin 2023
Laure Daussy · Mis en ligne le 11 juin 2023 · Paru dans l’édition 1611 du 7 juin