Samedi 19 octobre dernier étaient inaugurés à Beauséjour les nouveaux locaux de l’école Montessori de Sainte-Marie, fondée en 2012. Une structure adepte d’une pédagogie alternative, en totale rupture avec l’enseignement traditionnel prodigué dans l’Education nationale, producteur de « petits moutons stressés » selon le directeur Sébastien Bellamy, qui se défend de toute dérive sectaire ou religieuse, malgré des préceptes parfois proches du mysticisme. En plus de l’école de Sainte-Marie, La Réunion compte deux autres
établissements « Montessori », à La Possession et à Saint-Pierre.
Depuis un an, les écoles Montessori fleurissent sur le sol réunionnais. Après celle de Sainte-Marie, fondée en 2012 par Sébastien et Marie-Maxime Bellamy, deux autres ont vu le jour, à La Possession et à Saint-Pierre. Mais que se cache-t-il derrière ces structures adeptes d’un enseignement parallèle ?
Les écoles Montessori participent de ce que l’on nomme le mouvement des écoles dites « alternatives », qui se réfèrent à des pédagogies « spécifiques », plus ou moins crédibles et rationnelles, à l’instar d’autres courants, tels que Freinet, Cousinet, Decroly, Steiner-Waldorf… On y suit les préceptes de l’Italienne Maria Montessori (1870-1952), médecin et pédagogue du XXe siècle commençant.
« L’idée de Maria Montessori était d’étudier le développement psychique de l’enfant. Elle s’est aperçue que la pédagogie en place à l’époque, qui est toujours celle pratiquée aujourd’hui, ne respectait pas du tout le développement naturel de l’enfant. L’idée est que l’enfant peut travailler seul, l’objectif étant qu’il devienne autonome et indépendant », explique le directeur de l’école de Sainte-Marie.
Le concept d’éducation » cosmique »
Dans la bouche de Maria Montessori, cette pédagogie – supposée « une des meilleures du monde » dixit Sébastien Bellamy – prend toutefois un tour beaucoup plus mystique : « Nous pouvons améliorer la race humaine en aidant l’enfant à construire sa personnalité et à acquérir sa liberté morale. L’un des moyens pour y parvenir est l’éducation cosmique, qui donne à l’enfant une orientation et un guide dans la vie (…). Il y a un plan auquel tout l’univers est soumis. Toutes les choses, animées et inanimées, sont subordonnées à ce plan (…). Chaque être vivant est un agent de la création qui a pour tâche de mener à bien certains travaux définis par l’image des domestiques dans une maison ou des employés dans une grande entreprise (…). Nous pouvons réaliser cela grâce à l’enfant. »
De quoi rebuter les esprits rationnels… « C’est vrai que le terme d’éducation cosmique fait un peu peur, ça fait un peu sectaire et on évite de l’utiliser », reconnaît Sébastien Bellamy. « L’éducation cosmique concerne les enfants âgés de 6 à 12 ans, c’est un concept que Maria Montessori a introduit après un passage en Inde. Il s’agit simplement de travailler sur le monde et sur sa place dans le monde », nuance-t-il.
Pour autant la méthode Montessori – si elle a produit les fondateurs de Google, ce dont elle ne cesse de se gargariser – a également quelques détracteurs. « J’ai parfois l’impression que Montessori me dépouille de mon rôle d’éducatrice de mes enfants dans le sens où leur méthode d’enseignement est d’abord une méthode d’éducation. Ça va beaucoup plus loin que le simple enseignement de matières scolaires ou pédagogiques. Pour moi c’est un modelage de l’esprit », témoigne ainsi une mère de famille. Ce à quoi répond Sébastien Bellamy : « Au contraire, c’est l’Education nationale qui fait ce genre de choses. Ici, les parents ont toute leur place, ils peuvent même venir participer à des ateliers. Ce que nous prônons, c’est l’ouverture », souligne-t-il.
» Il n’y a rien de religieux, on n’a rien d’une secte »
Par ailleurs, en 2008, une école Montessori de Toronto, au Canada, était soupçonnée d’avoir des liens étroits avec l’église de Scientologie et de professer les enseignements de son gourou Ron Hubbard. « Je ne connaissais pas cette histoire, mais il s’agit forcément d’un cas isolé », rétorque le directeur de l’école de Beauséjour. « Notre école est tout à fait laïque, il n’y a vraiment rien de religieux derrière, on n’a rien d’une secte », se défend celui qui était encore ingénieur dans la fonction publique il y a deux ans avant de changer de vie.
Pour Sébastien Bellamy, il s’agit ainsi simplement « d’une méthode où on va développer l’enfant », mais aussi de « savoir quels petits hommes nous voulons pour demain : des petits moutons stressés ou des enfants épanouis ».
Chez Montessori, on ne parle pas de « classe », mais « d’ambiance », celle des 3-6 ans et celle des 6-12 ans. Il n’y a ni punition, ni récompense, l’enseignement s’appuyant sur un travail individuel de l’enfant à travers l’usage d’un matériel sensoriel spécifique : « le matériel Montessori », très coûteux. L’éducation impose ainsi l’emploi d’outils pédagogiques que l’on peut acheter auprès de sociétés amies et autorisées.
« Il s’agit de matériel de développement davantage que de matériel pédagogique. Et nous avons besoin de matériel de qualité », explique Sébastien Bellamy. « On travaille sur les différents sens de l’enfant, grâce à du matériel sensoriel pour aller vers des concepts. On part du concret pour aller vers l’abstrait », détaille-t-il.
Des écoles coûteuses qui ont la cote
Reste que le coût de l’enseignement Montessori demeure le gros problème de ces structures, accessibles pour la modique somme de 475 euros mensuels. « Comme nous ne touchons aucune subvention, 100 % des frais sont à la charge des parents. A aucun moment nous n’avons voulu donner l’image d’une école pour riches, mais c’est pour l’instant le seul modèle économique possible », souligne le directeur sainte-marien.
Cela n’empêche pas en tout cas le courant Montessori de surfer sur une vague favorable depuis quelque temps. « On compte à peu près 130 écoles Montessori en France et une dizaine se créent chaque année, il y a une demande très forte », affirme Sébastien Bellamy. « D’ailleurs l’Etat commence à s’y intéresser… », ajoute-t-il.
La méthode a ainsi su s’attirer certains soutiens, à l’image du député de Saône-et-Loire Jean-Marc Nesme ayant sollicité l’Etat dans le sens d’une participation financière aux écoles montessoriennes, entre autres… A La Réunion, c’est la société immobilière CBo Territoria, par nature portée sur les affaires et le béton, qui s’est investie par communiqué officiel dans la promotion de l’éducation montessorienne, à l’occasion de l’inauguration, le 19 octobre dernier, de l’école de Beauséjour.
http://www.ipreunion.com/photo-du-jour/reportage/2013/10/24/trois-de-ces-structures-alternatives-existent-a-la-reunion-ecoles-montessori-du-mythe-a-la-realite,22566.html
{{Source : www.ipreunion.com – Publié le 24/10/2013 à 05h00}}