Entre 2007 et 2011, sur le bassin d’Arcachon, cette belle et grande femme, séductrice, théâtrale et douée pour la mise en scène, a su s’attirer la sympathie – et les économies – de sept bienfaiteurs qui se disent aujourd’hui victimes. Des hommes âgés, malades ou se sentant seuls.

La prévenue aurait aussi volé et utilisé une carte bancaire, fait des faux pour obtenir un bail et un logement dont elle ne payait pas le loyer, récupéré des reconnaissances de dettes. Le montant des prêts « consentis », des sommes remises, des cautions extorquées est tellement étourdissant qu’elle s’y perd. Il approche les 300 000 euros. Un magot quasiment entièrement englouti par les machines à sous du Casino de Gujan-Mestras !

Des arguments convaincants

Le tribunal voit bien qu’il s’agit là du cœur du dossier. Son addiction aux jeux aurait vocation à jouer les antidépresseurs. Consciente du problème, la quinquagénaire a d’ailleurs fait la démarche de se faire interdire de casino.

À l’audience, elle reconnaît « partiellement la totalité des faits ». Ce qui ne la dispense pas d’explication. « Ce que j’ai fait est amoral », confesse-t-elle. « Et je n’ai jamais été méchante ni odieuse ». Mais pour le président Alain Reynal, la prévenue glisse un peu trop vite sur le terrain moral quand le tribunal entend examiner le pénal. Les faits. Bientôt, les débats dressent le portrait d’une femme consciente de son charme et ses atouts physiques, qui en a usé pour obtenir des dons. Elle parle de relation amoureuse platonique pour certains, de flirts pour d’autres. La quadragénaire d’alors se renseignait et créait des affinités pour engager la discussion avec ses bienfaiteurs. Elle se présentait devant une belle maison donnant directement sur le bassin en faisant mine de chercher son chat dans le jardin. Elle demandait gentiment si elle pouvait utiliser des commodités. Elle attendrissait ses interlocuteurs avec quelques mots gentils et des gâteaux.

Elle trouvait toujours des arguments convaincants pour se faire prêter l’argent qu’elle n’a jamais rendu. Pour boucler ses fins de mois. Pour rémunérer le temps passé avec elle, les photos prises d’elle nue, les gestes tendres concédés. Pour débloquer un héritage venu d’un oncle d’Amérique. Pour payer des frais médicaux d’une fausse hospitalisation. Les séquelles, matérielles et psychologiques, de passage dans la vie des parties civiles sont encore visibles. L’un a été placé sous curatelle. Le client de Me Céline Penhoat est interdit bancaire, fiché à la Banque de France et est reparti vivre chez sa mère âgée. « Il vit cela comme un échec, une humiliation ». D’autres se sentent spoliés.

« C’est un fléau pour les personnes âgées du secteur », accuse Me Jean-Grégory Sirou, avocat d’une victime. « Elle a manigancé pour gagner leur confiance et leur argent ». L’avocat espère que le tribunal ne se laissera pas… abuser. Me Céline Penhoat parle de « véritable harcèlement ». Me Marie-Laure Agostini loue « l’imagination débordante » de la prévenue mais constate elle aussi les dégâts sur son client.

Ascendant psychologique ?

« Le temps passe et laisse ses traces », soupire le jeune représentant du ministère public. « Nous ne savons pas comment nous serons plus tard et qui sera à nos côtés ». Il ne croit pas aux rencontres fortuites dans ce dossier. Pour lui, la prévenue a ciblé des hommes âgés, seuls, avec des problèmes de santé, sur lesquels elle avait un ascendant psychologique. Le magistrat cite un casier judiciaire déjà éloquent et requiert la peine plancher de trois ans de prison « dont un avec sursis ».

Me Dominique Laplagne souligne que sa cliente a déjà fait un an de détention provisoire dans cette affaire qui date. « Pour que l’infraction d’abus de faiblesse soit constituée il faut notamment prouver que ma cliente avait connaissance et conscience de l’état de vulnérabilité des parties civiles et que les actes commis sont gravement préjudiciables ». Il n’en trouve pas la preuve dans le dossier.

Le conseil s’interroge sur les expertises des parties civiles, toutes faites par le même expert. « Âgé ne veut pas dire vulnérable », plaide-t-il. Il fait ensuite une rapide étude patrimoniale pour conclure que les riches victimes avaient aussi leur intérêt : « Il y avait simplement une réciprocité des affections et attentions données ». Le tribunal s’est donné le temps de la réflexion et rendra son jugement au mois de juin.

http://www.sudouest.fr/2014/04/12/une-tendresse-suspecte-1522981-2733.php