Une fracture sémantique existe entre les Etats Unis et la France sur la question de la guerre contre le terrorisme. Une différence rhétorique qui pour des alliés dévoile des points de vue nuancés sur cette problématique.
Lorsque le 1er Ministre Valls s’exprime à l’assemblée le 13 janvier dernier, dans un contexte post traumatique des évènements tragiques de Paris, il déclare : « Il faut toujours dire les choses clairement: oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical ».
A contrario, sur la rive opposée de l’Atlantique, la présidence américaine utilise d’autres termes pour parler du même évènement. Barack Obama par la voix de son secrétaire d’État John Kerry choisit d’évoquer « l’extrémisme violent et le terrorisme » ; en aucun cas l’islam n’est relié directement ou indirectement.
Le porte-parole Josh Earnest précise même lors d’une interview radiophonique quelques jours après la tragédie: « Ces individus sont des terroristes. Ils ont essayé d’invoquer leur interprétation pervertie et déformée l’islam pour tenter de justifier leurs actes ». Il poursuit : « Nous ne voulons pas être dans une situation où nous donnons de la légitimité à leur justification illégitime de cette violence ».
En 2010, le patron de la CIA allait plus loin dans l’explication de texte :
« Nous ne décrivons pas nos ennemis comme des djihadistes ou des islamistes car le djihad est un combat sacré, un principe légitime de l’islam, qui signifie se purifier ou purifier sa communauté, et il n’y a rien de sacré ou de légitime dans le fait de tuer des hommes, femmes et enfants innocents. »
Une réflexion absente des discours ambiants en cours en France, où l’on somme l’ensemble de la communauté musulmane de montrer patte blanche pour des crimes qui en réalité ne la concernent d’aucune manière. Un choix politique regrettable qui d’emblée jette la suspicion sur l’ensemble des citoyens musulmans du pays et contribue à diviser .
A la question de cette prudence dans le choix sémantique de la Maison Blanche, Obama lui-même rappelle : « dans ce combat, je pense qu’il est important de prendre en compte le fait que l’immense majorité des musulmans rejette cette idéologie ».
Volonté de ne pas froisser ses alliés stratégiques au Moyen Orient ou prise de conscience acquise depuis le 11 septembre ? Toujours est-il que le poids des mots est lourd de sens dans des sociétés où les médias de masse orientent les opinions publiques.
Refuser l’amalgame c’est aussi le combattre par les mots ; les termes « islamisme », « islam radical » n’ont aucun fondement rationnel si ce n’est d’alimenter peurs et fantasmes. Parler de terroristes suffit pour le ministre français des affaires étrangères :
« Je pense que l’expression islamiste […] n’est probablement pas celle qu’il faut utiliser. J’appelle ça des terroristes. Parce que dès lors que vous utilisez le mot islam, vous favorisez une espèce de vision de continuité entre le musulman, qui pratique sa religion qui est une religion de paix, et puis quelque chose qui serait une certaine interprétation de la religion musulmane ».
source : ajib.fr